1
Valeurs actuelles. — La crise de l’esprit est une crise de la valeur des choses. — À commencer par celles de l’esprit.
2
L’autre. — A : Nous nous connaissions si bien. Jadis, le silence suffisait pour que nous entendions les murmures timides de nos cœurs. Nous étions, au sein de l’amitié, des âmes sœurs. — B : Nous avons laissé, impuissants devant le destin, le temps et les voix différentes se glisser entre nous. Nous nous sommes peu à peu habitués au lent mais sûr éloignement. Et maintenant, tant de non-dit, de prudence, de gêne variés peuplent et troublent la surface de nos rencontres ; maintenant, il est tellement de divergences, pour la profonde connivence. Nos yeux se voient, nos regards se croisent, nos mains se touchent, et cependant nos esprits, nos cœurs, nos âmes, comme des plans devenus entièrement étrangers l’un à l’autre — des plans tout à fait parallèles au sein d’un espace euclidien glacial, au sein d’une géométrie implacable —, ignorants de la ligne d’intersection, poursuivent leur route, leur destination, leur direction — éloignées, extérieures… autres.
3
Souhaitable. Accepter que l’on ne puisse pas appréhender le sens, aimer même son absence, maîtriser le vertige qui aspire à la chute, refuser de nier la valeur et la saveur des choses, en définitive, reconnaître les possibilités abondantes, celles qui permettent d’éprouver au sein des circonstances l’enthousiasme, vouloir enrichir la vie, et non pas la réduire et la détruire, y goûter les nobles plaisirs, les doux raffinements, les joies esthétiques qu’elle nous offre, savourer le beau donc, mais aussi tolérer le laid — à l’intérieur d’une belle indifférence —, et tout ceci quelle que soit la nature de la fortune — voilà une intention louable, une tâche honorable, valable et viable, voilà un souhait souhaitable, une déclaration d’amour véritable à la perfection et aux imperfections terrestres, — à l’ici-bas… à l’humain… à la vie.
4
Sacrée contemplation. Il rêve parfois d’une rivière sacrée, où sur une rive l’étant encore davantage, avec ses semblables, il assisterait dans une sérénité pleine à l’écoulement du monde et de ses éléments. Là, ils échangeraient quelquefois des regards complices. En ces instants inappréciables, inoubliables, à la fois à part et mêlés, toutes ces oreilles contemplatives frémiraient de plaisir à la mélodie du flux, les yeux riraient à l’unisson en face de l’étrange et fabuleux spectacle de la nature, les cœurs enfin s’uniraient. Dès lors les unicités, ces petites cordes singulières, vibreraient ensemble ; dès lors les battements de la vie déverseraient ses torrents d’or dans les vaisseaux d’un seul corps : l’esprit de l’Homme, ébloui par tant de beauté, sur la berge, étincelant d’allégresses, éprouverait la naturelle rythmique — son premier enchantement authentique. — Les premiers hommes, naissant, lavés de leurs impuretés et confiants à l’égard de leur identité et de leur gaieté, désormais seraient prêts — à joindre leurs eaux à celles des sociétés, à badiner, à se mouvoir… à dans le monde librement se baigner.
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