1
Douce retraite
Une petite construction, hermétique pour se prémunir contre le pillage du temps et le grand froid des cœurs et ainsi garder son trésor et sa chaleur, armée de fondations solides pour résister, d’un côté, aux bourrasques des aléas, de l’autre, aux séismes intérieurs, et disposant d’un seuil avenant, doté d’un paillasson : un sourire accueillant invitant en s’ouvrant les rares et aimables passants, lesquels en entrant laisseront derrière eux et la poussière et la misère des autres lieux.
2
Question substantielle
Parvenir à tirer le suc nourrissant de cette substance mystérieuse que constitue la vie, n’est-ce point là, la lourde charge, l’inestimable démarche, la grande tâche qui nous incombe — celle que nous devons rechercher, quoi qu’il en puisse coûter —, au sein de laquelle nous sommes en quelque sorte tenus d’exprimer notre plus parfaite maîtrise ? De ses plantes, de ses fruits…, de son air, de son feu, de sa terre, de son eau, ne nous est-il pas demandé de tout mettre en œuvre afin d’en extraire les éléments nutritifs — c’est-à-dire tout ce qu’il y a de consistant, de vivifiant, de valeur —, et de rassasier notre âme : d’y puiser le substantiel, et de rejeter, — de vomir le dérisoire ?
3
Sentiments de notre temps
Un vieux couple, fréquemment destructeur, pénètre toujours davantage l’esprit des peuples : l’Anxiété et l’Ennui, la main dans la main. Et que leur a-t-on trouvé, comme palliatifs, prospérant à travers les innombrables siècles, et aux effets affreusement visibles à notre époque ? Le long et profond oubli ainsi que les plaisirs : les drogues et l’illusion ainsi que les basses distractions et les vaines satisfactions.
4
Les âmes fugitives
— A : Vraiment ? peut-on devenir et rester tout à fait étranger à sa destinée, interdit, comme frappé par la foudre, indifférent à ce qui se passe, à sa propre existence, devenu autre, vivant ailleurs, succombant maintenant ? Une âme peut-elle s’autoriser un si funeste cours, permettre un si sinistre sort : vivre à l’écart d’elle-même, loin, dénaturée, en fugitive folle ? — B : Regardez autour de vous, mon cher confrère, et voyez !
5
Belle ruine
La quête du sentiment de sécurité, désirant rassurer la peur, et ce, par tous les moyens, s’oppose à la nouveauté, aux transformations, aux développements. La routine, les processus « sûrs », le prévisible sont bien davantage présents dans nos sociétés que le goût du risque et les joies de la découvertes. Mais que serait un organisme sociétal sans destructions et reconstructions, sans agitations et créations, sans mutations et évolutions ? De toute évidence, une telle Terre ne saurait être qu’une matière immobile, une pierre figée, un tas immonde ; une belle ruine, peut-être, inerte ! — Une nature presque morte, un vieux débris !
Photo © iStockphoto.com / Maaike Bunschoten-Bolh
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