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Qu’est-ce que le nihilisme ?
Un trou insondable, d’où s’échappe un escalier gigantesque.
Par endroits, les marches s’affaissent sous le poids de l’insoutenable gravité, mais résistent, demeurent.
En d’autres lieux, certains degrés disloqués ont parfaitement cédé – engloutis par l’abîme.
Escaladant cette formidable structure, il est des âmes plus ou moins vigoureuses, lesquelles tantôt lèvent la tête et poursuivent leur course, leur voyage, tantôt trébuchent et dégringolent.
Parfois, elles parviennent à se relever, à ressusciter, et à entreprendre de nouveau la remontée.
D’autres fois, éreintées, assommées, défigurées, la chute, trop sévère, trop rude, trop lourde les invite, les pousse, les force à s’allonger plus longuement.
Que s’est-il passé ? – Elles ont fini par subir le pessimisme, le désenchantement, l’extrême négation. Elles ont éprouvé les peines indicibles, les paliers infernaux, la descente aux enfers. Mais, surtout, tel un plongeur sous-marin qui se serait trompé de direction, elle ont effectué une ascension contraire : elles se sont élancées à la rencontre d’Hadès et de Perséphone, ont voulu tremper leurs doigts, leurs cheveux, leurs esprits ! dans les eaux noires du Styx, se sont crues capables de s’amuser avec les Érinnyes !
Ah ! les pauvres âmes se sont laissées mener en bateau par leurs sombres pensées, embarquer par la sinistre brume, emmener, – emporter par Charon !
Eh bien, elle ont été récompensées, les téméraires ! Vite fait, bien fait, elles ont été avalées par les profondeurs, par le noir… par la gueule humide, la gorge déployée, la fosse béante – la fosse abyssale !
Ainsi donc, qu’est-ce que le nihilisme ? – Une tentation, un vertige, un péril ; une fosse en puissance… pour un cercueil encore neuf, pour une existence encore fraîche, pour une vie encore trop jeune, trop radieuse, trop insouciante. – Une obscurité bien grave, bien pesante pour une lumière si légère, si vive.
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