Ah ! comme il faudrait que des promesses soient faites, et tenues : cesser de subir au milieu de l’humide résignation, les circonstances amères que la fortune répand en pluies torrentielles sur les terres ; hausser les sourcils, les épaules, mais ensuite, hausser la tête ; transmuer les vues, les habitudes, et évaser sereinement la bouche en savourant dans la joie la céleste fontaine !… Quand les lamentations d’autrui cognent à nos oreilles, que la plus lourde des tristesses, comme saisie de folie, nous assiège, et que nous ne pouvons compter que sur nos propres boucliers internes, notre propre résistance, notre vaillant égoïsme, notre précieuse indifférence ; que, où que nous portions nos souliers, notre regard s’arrête sur tant de créatures abattues parmi la poussière ; que les plaintes inaudibles des cimes du désespoir s’élèvent en tout point sur notre chemin, à l’intérieur des campagnes ou des villes, au sein des maisons ou des déserts ; compagnon, quand nous éprouvons ces larmes étouffées et ces visages enflés, et que nous souffrons du creusement sans fin — au milieu de si jeunes fronts ! pourtant construits pour goûter l’éternelle jeunesse ! — de ces rides étalées, alors il nous souvient de cette ancienne histoire de promesse, et nous nous disons, et nous nous confions dans l’intimité, en pleine sincérité : « Ah ! Si tu étais en mesure de partager toutes tes précieuses émotions, tous tes sentiments élevés ! si tu te sentais la force de communiquer aux hommes ton amour pour cette vie et ta sincère espérance placée en leurs coeurs, de sorte que tes écrits, tes paroles, en somme, tout ce qui réside en toi de plus nobles, en se muant en surface de ton état de conscience le plus pur, se métamorphose en bras et en baisers inaltérables, telle la surface des aimables mers, des bois rieurs, des montagnes altières, des rêveuses rivières, telle la nature elle-même et son corps chaud, doux et enveloppant d’affection et de tendresse !… » Camarade… Mais nous percevons que le fardeau est trop massif, la tâche titanique, que nous ne parviendrons, finalement, par faiblesse, qu’à ne rendre que faiblement la misère, les plaisirs, les espoirs, les matériaux, l’incompréhension… l’absurdité ainsi que la jouissance dans la condition humaine ; nous percevons que l’impression est par trop forte, que sa densité, sa pression aveugle et trouble nos sens et notre raison, que notre air, notre pont et l’ensemble de notre édifice sont ébranlés, que la voie, l’accès du nous et du vous se fait escarpé. Mais nous voulons, nous devons, nous ne saurions, par nature, faire autrement que de continuer, — du mieux que puissions, — de peindre devant les êtres et nous-même leur âme, et ainsi la nôtre ; — et ce faisant : nous languissons, nous nous redressons ; nous nous effondrons, nous nous révoltons ; nous nous désintégrons, nous nous transfigurons presque ; nous devenons toi, lui, vous… nous atteignons qui nous sommes : un pauvre et bien chanceux mortel, une créature fort sensible, révoltée, très artiste… un ami, un censeur et de ces êtres tantôt magnifiques, tantôt immondes et de ce monde tantôt impitoyable, tantôt majestueux — en tout temps vénérable.
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