1. Les introspectifs.
Je ne sais quoi, dans les profondeurs de la vie intérieure, dans le cours impétueux de l’âme, les oppresse, leur ôte la respiration, les secoue, anime les statues de l’intime, enflamme l’inanimé… Qu’est-ce donc qui les engage alors tous si vivement, ces diaristes, ces essayistes, ces poètes, ces philosophes, ces créatures aventureuses, ces explorateurs des cœurs, ces introspectifs de leur nature, à saisir brusquement le verbe, à vouloir former l’indicible, à tenter l’improbable expérience, — celle de produire avec le secours de leurs intimes matériaux leur œuvre propre ? C’est qu’un étrange phénomène a lieu, qui consiste en se sentir dans une manière d’impérieuse nécessité de faire naître le chaos d’émotions, de sentiments, d’imaginaire… de produire ce monde d’ébullition intérieure… d’être en mesure de voir ce dernier, de le palper, de le ressentir dehors soi, — afin de le mieux saisir au milieu de ses multiples facettes, cet objet logeant dans toute sa complexité, en sa pleine irrégularité, — afin de mieux l’observer, de mieux l’éclairer, cet « autre » tout à fait à part se trouvant dans l’exceptionnelle circonstance. Je dis : Cet « autre », et j’entends par là ce « soi-ci » éclairé, en face de ce « soi-là » se découvrant lui-même ; celui-là offrant ses aspects à sa propre vision, à l’oeil de celui-ci — cet objet vivant semblant également plonger ses regards dans l’esprit du sujet conscient… cette structure remarquable restant là, comme attentive… comme une nouvelle-née posée devant soi, installée dans sa surprenante unité.
2. Destinée d’une belle âme.
L’esprit d’un homme abrite continuellement un affrontement terrible. Dès sa naissance, une lutte des plus âpres s’opère entre la contraction et l’expansion, c’est-à-dire l’appel du néant et le désir de durer. Devant ce spectacle si ordinaire et pourtant si singulier, la question de l’observateur quant à savoir si les forces de la Décadence enseveliront définitivement celles de la Vie est toute légitime, car à cette réponse s’accroche la destinée de chaque âme. Il existe donc deux évolutions qui peuvent être : la conscience embrasse graduellement de nouveaux savoirs, se complexifie, s’intensifie, et rayonne, ou bien elle se ratatine, se recroqueville tel un enfant malade, et peu à peu emporte son propre souvenir dans les espaces glaciaux et inertes, en la froideur — en l’obscure nuit du dernier silence…
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