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Les belles nuits et les beaux jours. — Il y a trouble de la raison lorsque l’individu persévère dans les activités néfastes, demeure à la cruelle nocivité ; lorsqu’il permet à une idée, un comportement, une habitude, un caractère dévastateur de s’emparer de son royaume ; lorsque son intégrité est négligée, délaissée, abusée ; lorsque l’on voit une déperdition immense des énergies (physiques ou morales) individuelles ; lorsque la croissance, la libération de la puissance, l’épanouissement des personnalités, la prodigieuse floraison des âmes est entravée, paralysée, étouffée.
Si l’on avait véritablement conscience de tout ceci, si l’être prenait vraiment soin de lui-même, il s’offusquerait de toute cette folie, et il tâcherait, à son tour, de contrecarrer le dérèglement de sa physiologie en s’armant d’une indignation sans précédent contre ces désordres, ces maux, ce mauvais temps — ce noir attentat à la vie.
Mais, pour qu’il y ait révolte, cela implique une indignation, laquelle requiert la venue, sur la scène éclairée des esprits, de ce qui est automatique et répété ; compte tenu des circonstances, on attendra encore un moment le grand soulèvement à l’intérieur des théâtres : la grande salle ignorant encore la lumière, la folie et l’anéantissement, ces deux créatures des ténèbres ont encore de belles nuits, — de beaux jours devant elles.
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Vivre. — Et même si la vie n’avait pas de sens, cela voudrait-il dire pour autant qu’elle ne vaut pas la peine d’être vécue ?
À force d’attendre les jours meilleurs, une fortune favorable, un sort propice : que la vie s’offre en présent à lui, c’est lentement mais sûrement que l’homme se donne la mort.
Dans l’instant présent, il se consume de chagrin et de remord ; et, en l’avenir, il dépose ses désirs, ses rêves, ses espérances — « demain sera un jour meilleur », se dit-il constamment, les yeux débordants de larmes et d’illusions.
Ne devrait-il pas plutôt s’évertuer à chercher, et à trouver, aujourd’hui, dans le maintenant, son tendre mouchoir, son baume, sa succession d’enchantements ? Quand il s’agit de Vivre — c’est-à-dire de considérer l’existence, non pas comme une Défaite, mais une Victoire —, doit-il, toujours, tout remettre au lendemain ? N’y a-t-il pas, pour ceux qui savent la Voir, tapie au fond des êtres et des choses, à la fois les plus ordinaires et les plus extraordinaires, une source de fraîcheur, de réconfort, de joie — une fontaine jaillissante, une fontaine infinie ?… Une eau claire et inépuisable, qui n’attend que d’être considérée, côtoyée, — éprouvée ?
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