L’homme moderne est bien pauvre dans ses lectures, cela est bien connu… En vérité, rien n’est davantage éloigné de la réalité. Dans les faits, il avale l’excès, engloutit les termes sans même les apprécier ni les mâcher ; l’étonnante créature, d’une gloutonnerie dégoûtante, se sépare du temps mis à sa disposition par la fortune pour rencontrer les meilleurs ouvrages en sa propre langue et parmi les nations étrangères, pour connaître les écrivains les plus remarquables, les esprits admirables de son époque et du passé. La bête parcourt des sentiers, des voix, des lignes qui ne mènent nulle part ; son esprit fait du surplace et, comme une flamme privée d’oxygène et gravement blessée par cette absence de mouvement, faute de soins faiblit et se meurt. Les fauves dévorent ses plus heureuses heures, ses moments précieux, ses jours radieux ; — et la proie se lance aveuglément dans les brumes intenses, le vide, les abîmes, — dans les mangeurs de temps ! Ah ! qu’en tout ceci le grotesque sourit ! Qu’en voulant fuir l’ordinaire, — la malheureuse y plonge ! bien au contraire.
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