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1
L’écoute
L’âme depuis longtemps est négligée, honnie :
Toujours on court partout, on délaisse le nid.
Aveugle à sa lumière, et sourd à son secours,
L’être, las ! se développe éloignée de l’amour.
Mais par bonheur l’essence habite la patience,
À qui souhaite l’éveil, elle révèle sa présence ;
En ces contrées obscures, elle libère ses senteurs :
La nature réveillée fuit la triste sombreur.
Tout vient, émerge, croît, sur toutes les routes :
De bien belles choses arrivent avec le temps, l’écoute.
2
Curieuse disposition. — On dispose du sort d’autrui, cela est très ordinaire. Mais combien de femmes et d’hommes connaissent et usent du moyen de posséder leur volonté : de disposer de soi ? Ce monde est peuplé d’esclaves, et ce fait, cette réalité, est largement ignoré. Des conditions de sa propre existence l’individu semble se moquer. Les fonctions et les structures sociétales ont produit l’avènement de l’homme-machine, et l’heure est venue d’assister à l’infâme spoliation : du temps accordé à chaque existence, des possibilités de rêver, du désir de s’individuer, du mouvement vers la croissance. On dispose des hommes, comme on dispose des objets : en rangs, en cercle — la table des consciences est disposée pour les vastes banquets, pour les banquets… royaux. De nos jours, le terme esclave semble avoir perdu sa force évocatrice : on a oublié sa signification. L’homme moderne a su jusques à aujourd’hui se disposer à la nature aliénée, opprimée, – captive. C’est sa vie même qu’il n’a plus à sa disposition. Mais, tous ces ennuis, tous ces soucis : qui s’intéresse encore à tout ceci ? « Si je puis vous être utile, disposez de ma chair vive, de ma conscience morte, des restes de mon âme »… — Le pauvre mortel propose et la pauvreté d’esprit dispose.
3
Les bouches
Ils croient que tu es perdu, ils te conseillent !
Voyez toutes ces belles paroles, toutes ces volontés attentionnées !
Qui jamais elles-mêmes ne se sont cherchées,
Qui jamais donc, ne se sont trouvées,
Et qui ne savent pas que, toi,
Au sein des courants, dans les incertitudes,
Parmi le bouillonnement, au milieu de la multitude,
Tu t’es installé, et qu’à toi-même,
Tu t’es décelé !
Les bouches ne peuvent s’arrêter : les flots sont intarissables ! —
Ainsi, sois compatissant !… Laisse-les donc !…
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