Que la soif de certitude fait faire bien des choses… Ici, on voit des êtres, après une longue période de privation, attraper furieusement toute bouteille à portée de main. Autrefois ils parvenaient à dompter le violent besoin, mais depuis, le bras de la sagesse s’est fortement amollie, et aujourd’hui tout le membre cède sous le poids d’un désir imaginé irrépressible. « Mon organisme réclame la sécurité, la stabilité, le prévisible, disent ressentir ces individus, il faut que je le fasse boire — il faut que je m’enivre ! » Et les voilà, se croyant libres ! qui se soûlent de toutes sortes d’assurances, de toutes sortes d’apparences. — Notre fierté, quant à nous autres, c’est le refus catégorique de l’artifice, c’est le contrôle de nos peurs millénaires et déraisonnables, c’est notre capacité à lâcher le goulot affamé au moment idoine — avant l’ultime limite, avant le seuil et la descente irrésistible dans le maelstrom rougeoyant, avant que les voiles de l’entendement ne glissent, ne tombent, ne sombrent complètement. Nous, nous savons l’incertitude fondamentale des choses ; notre âme, a cessé de caresser l’illusion de la connaissance absolue, de la vérité complète ; — et pourtant nous voulons continuer de nous désaltérer à la vive source du véritable progrès, de l’approfondissement, de l’éclaircissement. — Surtout, face aux conceptions par trop sûres d’elles, à leurs couleurs éclatantes et à leurs senteurs délicieuses, à leur belle robe… face aux costumes, aux formes, au charme déroutant… face à l’absurde, à l’égarement — du corps, du cœur, de l’esprit —, à la folie : — nous croyons dans la salubrité de notre esprit, parions pour sa saine maîtrise… choisissons, tentons, les fluctuations, les transformations, c’est-à-dire le monde, le réel.
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