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Je suis un vent frais et gai. Je suis azote, oxygène, argon et gaz rares — je suis nécessaire, souffle vital. Je me lève, j’évolue, je me retourne, je me baisse et, fluide en mouvement, je répands le changement ! je sème les transfigurations ! Je souffle des hauteurs, je soulève les feuilles faibles, les âmes lourdes — je les emportent. Brise de terre et de mer, caressant la nuit et le jour, je déplie les voiles des esprits et les enfle, ils m’ont en poupe — je suis un bon vent qui amène. Je tourbillonne avec les consciences accablées de fatigue, de tristesse, je les fais virevolter entre mes doigts : elles apprennent à danser ! — je leur enseigne la légèreté !
Et les voici qui retrouvent leur innocence ! Les voici qui rencontrent le Rire, et déjà j’entends leurs éclats ! déjà elles s’y sont mêlées !
Je porte, je distribue, je rassemble : je suis la belle humeur, la grande santé — l’air qui élève, qui inspire, qui libère !
Mais qui, de nos jours, a l’odorat suffisamment subtil et l’instinct assez sûr pour vouloir respirer le grand air ? Qui réside dans un esprit suffisamment sain pour savoir fuir les maladies engendrées par l’insalubrité, pour envisager se prescrire à soi-même un vrai changement d’air, pour ressentir la soif de pureté ? Car il en est même pour se sauver à toutes jambes, pour se sauver de tout ce qui sent bon, des choses les plus salutaires ! Ils excellent quand il s’agit de se mettre à l’abri ! Ils ouvrent leurs deux fenêtres à la pollution, à la corruption et cadenassent toutes les portes ; ils opposent leurs frontières hermétiques à la fraîcheur, au parfum vivifiant. Ils s’imaginent inviter le mouvement, les fluctuations, les forces de vie favorables, la magnifique valse des choses, mais c’est l’ultime rigidité qui s’engouffre dans les corridors !
Le vent altier est généreux et impartial : il anime avec sa douce main libérale les feuilles mortes et les feuilles à moitié vivantes ! Mais encore faut-il évoluer à l’air libre : quitter les habitations, « exiler » la dépravation, emprisonner l’atmosphère confinée ! encore faut-il s’évader ! Le noble zéphyr disperse ses largesses ; il transmet son présent le plus précieux, il lègue ses somptueuses propriétés, son essence, en somme, ce qu’il possède de plus pur, de plus essentiel, mais à une condition : que la liberté soit conquise ! Certains ont le mal de l’air et refuseront toujours son sacrifice, son auguste générosité ; d’autres, la plupart, sont prisonniers d’une simple peur… Ils ont peur d’un hypothétique malaise — ils ont peur de ressentir le mal de l’air… Il est des brises parfumées, belles, saines, aériennes à ce point que les esprits en sont effrayés ! On pourrait presque les comprendre. Ils ont peur de chavirer — les voiliers se méfient de la gîte ! Et ils craignent les trous d’air — ils se renient eux-même : ils renient leur nature de sylphe ! ils craignent de partir en vrille !…
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