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L’esprit libre et créateur, celui qui fonde, qui tire du néant, qui sauve la vie du nihilisme, les existences, ces magnifiques chaumières, du pillage, est cette mystérieuse créature qui engendre cette même étrange créature : il est le Créateur et la créature.
Cette conscience est non seulement le fruit de ses propres entrailles, une œuvre, une création d’elle-même, mais aussi sa propre génitrice… sa parente la plus intime, sa nourrice, sa gouvernante… — Elle s’instruit dans les choses de l’esprit ; elle devient éducatrice — elle apprend à vivre.
L’esprit atypique utilise sa substance originelle pour ses structures essentielles actuelles et futures, pour ses métamorphoses. Il est celui qui en son for intérieur affirme : « Je suis une chose qui pense1 », et celui qui pense : « J’existe, donc je crée ; donc je suis mon Créateur continuel ! »
Cette nature avisée sait que pour demeurer dans sa pleine différence, cela nécessite de maîtriser l’art d’enfanter, lequel impose de parfaitement posséder l’art de bien penser, — particulièrement de bien se penser.
À partir du moment où la maîtrise coule dans ses veines, cette âme devient cette organisation, ce système psychique à part parmi les autres, cette nymphe, cette toile-chrysalide affirmant ses particularités, affinant et se dévoilant à soi-même son contour, et se révélant et se liant avec autrui d’une manière inédite, — au sein d’un cadre nouveau.
Et dès lors que cet esprit se pense naturellement, c’est-à-dire « spécialement » et librement, il fait naître, dans la logique des choses, une essence rare : une unicité. — S’intégrant aux cycles de la nature, l’être engendre l’être : il se crée singularité.
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René Descartes, Oeuvres philosophiques de Descartes, p. 251.
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