Pourrions-nous être remplis de trop d’admiration devant l’individu consacrant sa vie à l’art et à la science, cette personnalité à l’écart de l’ordinaire qui fuit les concepts philosophiques douteux, se soucie des objets de l’esprit les plus remarquables, les plus raffinés, achevés, et s’efforce vers le parfait développement de son talent et de sa noble activité ; cet être qui, sans relâche, épure son fonds et ennoblit la forme ; qui, jamais, ne laisse la lourde main de la Peur enfermer sa parole intérieure dans l’excès de précautions, de prudence, dans une situation sociale étouffante… toujours, refuse que cette voix intime demeure en cet état lui interdisant de faire valoir ses terres, ces domaines de pousses libres, d’eaux spontanées, de vents gais, ces lieux où les mots ne craignent jamais de heurter, de chavirer, d’emporter, où le verbe ne sait pas même se courber et réprimer sa puissance naturelle, où celui-ci ne meurt point à petit feu par la raison que sa nature est privée d’oxygène et se trouve dans l’incapacité de s’éprouver, de s’élever, de s’exprimer ; qui, comme esprit libre, doit céder au jaillissement de ce qui le dévore, vomir sa lave, tout ce qu’il sait, et ce, comme s’il était le seul humain sur Terre, comme s’il ignorait jusqu’au risque, et dans la pleine conscience de ceci, que le vrai péril loge chez le silence forcé ; qui, en qualité de poète, considère l’Homme avec un profond mépris à la fois vaincu et enveloppé de bienveillance, et lui dit ses vérités tout en souriant ; — devant, finalement, la conscience s’évertuant à fouler le sol des vérités du moment (las ! trop actuelles !), à les dévoiler, à les partager… ? — À cette lourde question, je réponds dans l’évidence même : « Cela ne saurait être cru ! » ; — mais, innombrables seront ceux qui, je ne crois pas me tromper, s’en chargeront…
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