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La sottise menace l’humain d’un effondrement fatal car ce dont il est question, c’est de l’avenir de l’humanité, de l’esprit du monde.
Dans ces circonstances, les belles paroles tout ornementées ne suffisent pas ; les tensions et les luttes entre les différents éléments tentant de s’incorporer à la culture doivent être davantage « ensanglantées » : c’est à mains sinistres qu’il faut livrer bataille à la médiocrité — que l’on résiste à l’ineptie humaine ! En conséquence, il est requis que les lames soient incisives, que le sang jaillisse ; autrement elles ne feront que traverser l’eau… et les ères… Il est demandé à la république des lettres et à celle des arts de préparer, de réanimer leurs nouveaux combats chevaleresques : il est question d’épées obèses devenues pataudes qui sortiraient de leur fourreaux rouillés et s’affineraient ; du tranchant qui s’affilerait. La pensée doit se faire infiniment plus pénétrante : qu’elle morde, ou bien qu’elle subisse l’assaut et périsse sous les coups de l’indolence et de l’indifférence. Car seule la noble surface, la pointe pure, est en mesure de refléter parfaitement la lumière et, avec le secours d’une grande sûreté de main — une sûreté de chirurgien ! —, peut permettre à la vérité d’éclater, à la réalité de s’imposer ; elle seule peut faire que les ténèbres soient transpercés — c’est par son éclat et par ses éclairs que ce ciel toujours plus obscurci et que cet avenir toujours plus lugubre pourraient connaître leurs aurores, leurs illuminations.
Des connaisseurs de la haute culture hardis, habités, animés par des instincts et des vertus guerriers sont convoqués : des âmes qui contrastent avec une aristocratie des lettres aux mains coquettes, molles, frêles — dénaturées, débilitées. Le combat contre le maintien du statu quo et les unités d’informations destructrices réclame des êtres osant saisir le sabre des mots, des combattants sachant magner leur masse, des évaluateurs fins, de délicats appréciateurs de densité, en somme, des experts de la balistique du verbe ! — une balistique intérieure qui serait maîtrisée, afin de canaliser cet excès, cet accès de vigueur et de déchaîner l’illustre fureur, dans les cerveaux en feu de ces « indignés » ; et une balistique extérieure qui serait rendue optimale, pour une efficience pleine, pour que l’« expression » atteigne sa cible !
Que résonne dans un silence de mort un cliquetis d’épées, de mots. Que ce silence régnant dans l’insouciance et l’« inconscience » de cette pensée creuse soit brisé, tranché. Que les idées — les lumineuses et les sombres ; toutes les couleurs et toutes les dégradations : l’infinité des nuances — s’agitent, s’entrechoquent, — échappent à la lugubre léthargie. Leur sonorité plurielle, ambivalente, bipolaire doit être entendue — plutôt « les saillies, les oppositions, le cliquetis rapide de la conversation » (Stendhal) que le silence de l’infâme pénurie, — que ce cliquetis de chaînes. Plutôt la chaleur de la confrontation, le clapotis d’un sang plein de vie qui coule et se répand dans les « champs », c’est-à-dire dans les domaines de la connaissance, que ce silence impur et glacial qui pétrifie en abreuvant, en aplanissant les circonvolutions et les sillons — que ce silence qui gèle les consciences, et suspend la vie comme on accroche un lustre poussiéreux au plafond… comme on dispose les condamnés au gibet.
Dans quelle sphère réside et évolue la responsable ? Où donc se tapit l’ennemie ? — L’ineptie s’est installée dans le cœur même de nos sociétés ; et la voilà qui se promène dans le grand jardin négligé, sur cette Terre laissée à l’abandon, au sein de l’esprit de notre propre culture insensée, de cette entité en état d’inculture.
Quand les canons seront-ils déployés ? Quand assiégera-t-on celle qui assiège, et l’écrasera-t-on, la foudroiera-t-on ? Révoltés, hérétiques, baïonnette au canon ! Faites gronder l’indignation ! Lancez l’offensive du bon sens ! Détonnez et faites détoner la poudre ! Plongez dans le sein ! visez le cœur ! — mais surtout faites mouche !
Et pour celles et ceux qui se posent encore la question : « Pourquoi tant d’acharnements, tant de fracas, tant de violence ? », je leur répondrai ceci. — Parce qu’au milieu de ces flots porteurs de ruines, de ces vagues qui déferlent et qui pourtant, par un phénomène inimaginable, bercent, il n’a jamais été aussi nécessaire d’opposer aux « douces » manifestations de la stupidité, à ce désordre ambiant devenu imperceptible aux oreilles assommées, un son d’un autre type, sain : une déflagration sereine dans sa posture, assurée dans sa démarche, élancée dans son allure.
Ainsi donc, un grand coup doit être porté, ne le pressent-on pas ? Un coup qui permettrait à l’esprit de se ressaisir ; un coup qui sonnerait… qui réveillerait… qui éveillerait !…
Las ! on confond sans cesse ces deux sons. Et certains m’accuseront même de contribuer aux progrès et au succès du premier ! Mais de cela, faut-il encore s’en étonner ?
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