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Il est cette solitude qui sépare d’autrui, cet isolement ressenti au sein même de la foule agitée, la solitude de l’objet, de l’arbre, de la pierre, de la nuit, des lieux. Être seule, seul, à l’écart du bruit, de l’effervescence, du commerce du monde : cette solitude plurielle a quelque chose d’effrayant et d’excitant. Mais voit-on toutes ces solitudes ?…
Cette solitude qui fait souffrir, que l’on supporte ou que l’on recherche. L’horrible solitude que l’on souhaiterait partager, ou bien l’agréable solitude que l’on garde prisonnière.
La solitude qui a soif d’elle-même et la solitude qui ne se supporte plus. La solitude qui régale et la solitude dont on ne peut rien garder… celle que l’on goûte ou celle que l’on vomit. La solitude qui effraye et dégoûte ; celle qui amuse et rassasie.
La solitude qui transforme des âmes expansives – ces « places » fréquentées, ces édifices en vue –, en des âmes reculées, en des constructions nouvelles et retirées, qui métamorphose des consciences mornes en consciences gaies et des esprits enjoués en empires désolés.
La solitude volontaire ou subie : solitude positive de l’esprit qui observe, médite, crée ; solitude négative de l’existence esseulée, abandonnée, désespérée – entité à facettes, aux innombrables mystères.
Au milieu de tout ce remuement, combien d’individus tentent de la déchiffrer, j’entends par là combien essayent d’en deviner le sens et la valeur ?
La conscience, cet endroit dépeuplé où il n’existe plus qu’une seule volonté, ce tombeau socialisé, survivra ou vivra : en accueillant la résignation, elle deviendra un tombeau véritable – parce qu’elle se soumettra à son état –, une vraie solitude, un vrai isolement ; en recevant avec de grandes démonstrations de joie l’enthousiasme, elle évoluera au contraire en lieu gai ; enfin la conscience peut également considérer la possibilité d’une existence qui mêle le triste et le joyeux, l’éventualité de l’espace multiple.
Nous naissons, nous vivons, nous mourons seuls. Et cette solitude peut soit être partagée, soit se tenir isolée. Du malheur des hommes, elle n’en est pas responsable : c’est à l’intérieur de chaque âme qu’il faut chercher le sauveur et le coupable, car c’est elle toute seule qui fait choix, elle toute seule qui se décide pour la joie ou pour le chagrin, – elle toute seule qui produit sa pluie et son beau temps.
Ô solitude ! toi qui est tantôt encensée, tantôt dédaignée, qui inspire et qui détruit, qui fait partie de la nature intime des choses et des êtres, comme tu te moques des considérations humaines, comme tu planes fort loin au-dessus d’elles ! Tu a connu la chaleur, l’agitation, la densité inouïes et tu connaîtras le silence, le froid et le calme immenses. – Tu es celle qui était, qui est et qui restera.
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