Devant l’Incrédulité et l’Obstination aveugles de certains interlocuteurs, fréquemment, rien de ne sert de s’acharner, de défendre quelques pensers : les deux ennemies étant trop puissantes, il est bien plus profitable de céder, de s’éloigner d’elles, — de battre en retraite !
Lorsque l’emploi est pénible, la charge fort lourde, l’inutilité de la tâche par trop pesante, l’individu devrait être forcé de se retirer de la frénésie ambiante, des chaînes meurtrières, de l’automatisme destructeur. — Les machines ne sont-elles pas faites pour cela ? — Quoi ? désire-t-il tellement devenir un de ces robots des temps modernes : une volonté effondrée, une pièce froide supplémentaire parmi les âmes gelées ! Disposerait-il d’un nombre de vies illimité à ce point qu’une de plus ou ne moins n’y changerait presque rien ! Bref, ne faudrait-il pas que le constat de cette situation inhumaine impose, quel que soit l’âge, que les consciences concernées, les Accablées, soient mises à la « retraite » d’office — pour atteinte à la dignité de la personne humaine ?
Face au désordre du monde, à ses nombreuses bulles bien vides qui éclatent, et aspirent à faire résonner leurs coups dans toutes les oreilles, à répandre le fracas et la fumée, le tumulte et le délire, n’est-il pas nécessaire de prévenir notre attention, de la préserver, de l’inciter à s’échapper ? Et mieux encore, de la soutenir, de l’aider à respirer et à s’installer : à prospérer dans une profonde retraite ? — En redécouvrant les lieux, loin de tout et au plus proche d’elle-même, en cet éloignement des intoxications de la société la conscience s’y laverait de la tête aux pieds : la petite y réapprendrait sa langue maternelle, elle y réapprendrait ce qu’est l’air pur — elle reprendrait son souffle, vital.
En somme, le réveil n’est-il pas devenu essentiel ; et n’y a-t-il pas urgence ? Toutes ces âmes présentes n’ont-elles pas cruellement besoin de se faire au sein d’elles-mêmes un espace privilégié, protégé, sacré pour leur propre sagesse, pour leur croissance, pour leur jardin ?
C’est l’heure de la retraite, et la trompette s’agite dans les cœurs ! Mais les membres ne suivent pas ! — Faut-il s’en étonner, puisque les organes sont sourds ?
Dieux ! que hésitent-elles encore ? — « Se retirer n’est pas fuir1 », dit le proverbe. Et même si l’assertion se trouvait appartenir à la fausseté, ne devraient-elle pas, toutes ces victimes, faire valoir l’idée italienne selon laquelle, « un bel fugir tutta la vita escarpa » (« une belle fuite sauve toute la vie ») ?
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Sancho Panza. — Cervantès, Don Quichotte.
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