La Pensée scientifique ou les Lunettes
Dans une cellule basse et sombre,
Dont les murs tristes pèsent,
Dont les préjugés et l’ignorance obscurs hantent,
Une conscience, au bord du tombeau se tient à genoux.
Soudainement une voix exhorte la captive :
« Soulève-toi ! Abandonne donc ce lieu !
L’occasion t’en est offerte, par le sort heureux,
Car la clef jamais n’a été tournée. »
La conscience se fait de plus en plus hésitante.
C’est que, vivant dans les ombres,
À la liberté, aux clartés
Elle n’est plus habituée !
Alors l’être invisible dépose des lunettes sur le sol ; —
Elle s’approche de l’objet, décrit des cercles autour,
Et, en les chaussant aperçoit une porte lumineuse —
Elle ose avancer…
À maintes reprises les parois sont heurtées,
À maintes reprises l’instrument ajusté ;
À présent elle entrevoit un univers peuplé, non plus de fantômes,
Mais d’images claires — la prison est quittée.
Que se passe-t-il ?
Notre amie transfigurée se lance dans les voies inédites ;
Celles du mystère, de l’incertitude, de la réflexion,
Celles de la beauté, de la vérité, de la nature — dans le changement.
Naguère elle se trouvait dans ce moment du roman
Où les éléments en pleine action s’entremêlent,
Où tout se tend, —
Où le dénouement est encore une manière d’épaisse brume.
Et la voilà qui arrive,
Dans la plénitude de son assurance,
Dans l’assurance de sa force,
La voici s’ouvrant, telle une fenêtre immense, sur le monde, et s’y mêlant.
Dorénavant, en toute chose, de l’infime à la colossale,
Elle ira à la découverte de la position propice,
Où elle saura jouir de la meilleure perspective sur les contrées avoisinantes :
Elle ne se nourrira que de grandioses panoramas.
Aussi repoussera-t-elle quiconque se présentera devant elle
Sous apparence de visionnaire ;
S’évertuera-t-elle pour réduire les idées farfelues, les visions surnaturelles.
En sa présence, la compréhension du monde, le lien sacré l’unissant au réel —
La nature des choses ne sera point entachée.
Photo © iStockphoto.com / PrettyVectors
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