1
La nef des dupes
L’aire de jeux est animée : de charmants bambins s’amusent sur un beau navire en bois ; les parents, à l’entour, jetant de temps à autre des regards de protection sur leur progéniture. — Dès leurs premiers printemps, les petites consciences sont menées en bateau, et par les personnes qui leur sont les plus chères ! leurs proches, mère et père : leurs éducateurs ! Toutefois, en observant ce jeu de dupes singulier, en disséquant les phénomènes étranges opérant à bord de cette nef1 rieuse, peut-on blâmer les plus grands lorsque les deux partis, adultes et enfants, sont trompés ? Comment ? Vous viendrait-il en pensée de condamner un aveugle parce qu’il ne sait pas voir ! un animal parvenu au terme de sa croissance, un grand singe, une âme bien humaine parce qu’elle ne serait pas « grande » ! — Évidement, comme à l’ordinaire, on insinuera que je raconte des bateaux, et ce seront les mêmes individus qui en remplissent et les jeunes cœurs, et le leur, à ras bord ! Et, comme à l’ordinaire, conscient que rien ne sert de lutter contre les éléments, me rappelant qu’ici c’est la folie qui mène la barque, — je m’efforcerai de laisser les fous… divaguer…
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Allusion à l’ouvrage de Sébastien Brant, « La nef des fous ».
2
Recueillement
La nature cueille les joues fraîches, comme on cueille ses fleurs. — Avec une main innocente, sans mauvaises intentions…
3
Marcheurs assoiffés
Il y a peu, il a quitté le sentier de la richesse. Les autres, grands marcheurs assoiffés, n’en reviennent toujours pas : eux, qui ne vivent que pour ce sommet.
4
La masse humaine
Chaque jour, la masse informe et lourde se lève ; imposante, continûment endormie, avec ses nombreuses ombres et quelques lumières, ses détails, ses unicités qui se mêlent et se perdent, — ses lits d’argile, de pierre, de sable… pris dans la structure, emprisonnés dans la vaste chaussure — dans cet ensemble qui, quoique mal portant, sans cesse avance. — À moins qu’il ne recule…
Photo © iStockphoto.com / Marija_piliponyte
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