Certaines âmes se déplacent, goûtent et se transforment au sein d’une exigence marquée : elles ont besoin pour vivre, et elles les prétendent, de sources d’inspiration nobles, hautes, exceptionnelles.
Elles se nourrissent de choses et d’êtres relevés, délicats, à part. – Ils forment l’oxygène qu’elles inspirent, la substance qu’elles ingèrent, l’enthousiasme qui les soutient et les transporte ; ils leur parlent incessamment des beautés du réel, de la variété des possibles, des potentialités personnelles inépuisables ; ils leur montrent les sentiers praticables, les voies envisageables, et celles encore à découvrir, à préparer, à frayer ; grâce à eux, elles prennent toujours plus conscience de leurs capacités à créer, à changer, à se complexifier… à participer au monde, à influer sur leur propre essence, leur propre identité, leur propre réalité… elles prennent toujours plus conscience de leurs capacités à s’élever, à se fortifier… à chanter, et à vibrer – telles des petites cordes cosmiques lumineuses et joyeuses ! ; ils leur font entrevoir des modalités de l’existence davantage éthérées. Somme toute, ils révèlent aux individus « ordinaires » l’extraordinaire.
Au fur et à mesure, les inclinations individuelles orientent généralement spontanément les individus vers des personnalités et des entités, des éléments abstraits ou concrets de plus en plus spécifiques ; si la pression sociale n’est pas trop élevée, le processus naturel s’opère – tout comme en relativité générale il est montré que « les objets sont attirés vers les régions où le temps s’écoule le plus lentement1 » (Greene), ce qui explique la chute d’un objet lorsqu’on le lâche, les propriétés intellectuelles (et il ne s’agit pas ici de cette définition par trop limitée de l’intelligence, qui court dans sa fréquente représentation étriquée, et qui, finalement, atterrit dans les tests et dans les préjugés massifs de la culture, produisant bien souvent force publicité, moult tapage et ravages) « courbent l’espace et le temps des tissus mentaux », y attirant tels ou tels matériaux, telles ou telles notions, telles ou telles conceptions, et cela, avec plus ou moins de facilité selon la nature de la « courbure ».
Si l’on considère tout ceci, et que l’on y ajoute le fait que l’on prenne ordinairement le plus de plaisir en présence des choses qui nous paraissent les plus naturelles et les plus aisées, n’en découle-t-il pas que, eu égard au paysage singulier des forces et des faiblesses qui constitue chaque esprit, et comme l’écrit Howard Gardner, « nous devrions bien plutôt tous porter notre attention sur nos talents spécifiques2 » (je souligne) ?
Eh bien, il suffit simplement de se faire violence, d’ouvrir brièvement les yeux – au risque d’être brûlé(e) et réduit(e) en larme, en cendre et en fumée par le spectacle suffocant – et de poser un regard sur les consciences, l’éducation, l’école, le monde du travail, bref, sur les sociétés modernes, pour discerner et apprécier tout le contraire de ce que les connaissances, l’intuition et le bon sens encouragent d’entreprendre.
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Brian Greene, La réalité cachée (Paris, Éditions Robert Laffont, 2012, 2011), 32.
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Howard Gardner, Les personnalités exceptionnelles (Paris, Odile Jacob, 1999, 1997), 58.
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