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Voyez cette humanité lourde, amorphe, qui ne sait gambader avec légèreté, sur la pointe des pieds, mais qui toujours dépose des pas épais, toujours déambule sur ses voutes affaissées, accablées, écrasées. Elle ne parvient pas à s’élever — la grandeur lui est comme physiologiquement, anatomiquement interdite. Néanmoins, est-il nécessaire de s’appesantir davantage sur cette décadence, sur la bassesse de la condition humaine ? Faut-il lui ajouter un poids supplémentaire, l’enfoncer, la ratatiner encore plus avec nos pensées accablantes, avec le grand doigt massif qui désigne, la grande massue de la pensée qui critique ? Car la créature est déjà rabougrie et son crâne est pendant ; à son allure, on la croirait fatiguée par le poids des siècles ; toute sa condition est comme aspirée dans une formidable chute, — elle s’est finalement mise au pied du mur… Dans ces conditions, je le répète, devons-nous encore sortir les vastes marteaux, les denses sentences, les pesants jugements, et la frapper davantage au visage ? Ne risquons-nous pas tout bonnement d’accélérer sa chute, de favoriser son effondrement ?! Il est des esprits à part, meurtris par et dans leur sensibilité, qui sous les arches des ponts s’entassent et tremblent d’effroi. Ils subissent un emprisonnement dans un espace qui toujours plus se réduit, toujours plus oppresse. Leur conscience ne cesse de se cogner la tête contre les parois qui compriment et aplatissent ; leurs conceptions et leurs paroles, les prophéties, les prévisions des Cassandre, sont constamment foulées aux pieds ; leur demeure ne cesse de s’écrouler. Leur existence voit des pluies de ruines cannibales fondre sur elle ! et c’est tout leur être qui tressaille d’horreur en ressentant l’effroyable instabilité de l’Humanité, en sentant son ombre pencher dangereusement sur lui. Je veux parler de tous ces négligés, de tous ces refoulés, de tous ces piétinés : des victimes de la condition humaine, de la médiocrité ; des blessés et des tués au sein de l’attentat généralisé — j’entends les grandes victimes de l’affaissement de toutes les voutes…
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