1. Invitation au voyage.
Il faudra bien un jour que nous, les inactuels, les apatrides, nous, les albatros, les hypersensibles, les esthètes, nous, sans-patrie depuis toujours, émigrants de tous pays, nous nous levions et marchions ; que nous consentions au grand départ, à la séparation, au retrouvaille ! — que nous empruntions le long voyage… Mieux : que nous dansions sur les quais et gagnions le large ; gambadant dans l’incertitude, le péril, l’inconnu ; portant nos cœurs à un niveau supérieur, nous surmontant ; élancés et tout fiers, la volonté, le tronc bien droit sur des ponts d’envol, flottants, volants !… — Oh ! de hauts mâts ! Oh ! des voiles élevées, des cimes enneigées, des âmes altières planant au-dessus des mares hideuses, delà ces lois, ces considérations, ces illusions indiciblement terre à terre ! Ô les marteaux célestes s’abattant sur des étendues, des monstres, des abysses immondes : ces empires de pensées indécents, dégoulinants — révoltants. Ah ! que tout s’agite, se prépare ! Qu’un souffle frais déborde et veut emplir ! Déjà les secondes, les flots, l’avenir mugit et lance un appel… Vous aussi, oiseaux d’azur, peuples ailés, esprits nomades ! tandis que vos frères des bassins goûtent la fange, plonge dans leur destin comme dans un festin, vous repaîtrez-vous de grandeur, d’espace — larguerez-vous les amarres ?
2. Chirurgie fabuleuse.
Les pensées circulant dans la conscience sont ces objets imaginaires, ce décor abstrait constituant la « réalité » subjective. Et comme la plupart abritent l’erreur ! Mais voilà qu’arrive, tel un éclair fuyant les cieux, l’esprit scientifique, l’homme sage armé de la méthode, lequel dans l’organisme corrompu de la raison anime ses mains, des doigts à la fois théoriques et concrets ; et celles-ci prennent soin de leur amie en mauvaise santé ! la nettoient, l’opèrent, l’embellissent ! En lui-même et au sein de la culture, cet homme rare, exceptionnel, inestimable, — ce Chirurgien, — affronte dans la constance les unités d’informations erronées, les conceptions délétères, les entités décadentes. Et quels efforts il s’impose, quel but il porte, quels assurance et courage dans l’entreprise et la vision ! Rapprocher le subjectif de l’objectif, la chose pour soi de la chose en soi, mêler les deux réalités, unifier les mondes de « pur » esprit et de choses !… : ô l’idée merveilleuse ! ô la mission fabuleuse !… Ô le rêve.
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