1. Intuitions fort humaines.
Tandis que deux vieux amis conversaient, chacun sur son rocher, au bord d’une douce rivière, ils eussent cru parvenir à une entente, si un éclair n’avait fait son apparition sur la scène mentale de l’un d’eux ; une pensée d’une clarté fulgurante, dont l’expression, tout aussi prestement, dans une sorte de jaillissement se manifesta ainsi : « Certes je conçois puis consens, que ce que tu perçois, sens et enfin ressens, forme la vérité elle-même en tes yeux ; toutefois, toute impression, quelque profonde et intime soit-elle, ne saurait être tenue pour une preuve en soi. Car Horloge et Science, Prudence et Sagesse, depuis une époque immémoriale n’ont-elles point mis les peuples en garde contre la multitude de conceptions hâtives auxquelles mènent ordinairement les principales intuitions ? Est-il vraiment nécessaire de convoquer en cette heure, en ce lieu, les exemples patents ? Faudra-t-il donc que soient évoqués la matière, l’énergie, l’espace et le temps ! » Abasourdi de cette vérité, foudroyé par la gravité de l’instant, il ne sut que répondre ; puis, phénomène autrement improbable, il se ressaisit comme il put et, s’enracinant dans sa position ! se jura de ne plus jamais par les propos « mensongers » d’autrui se laisser frapper. On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que, dans le moment où celui-là se leva et osa parmi l’eau clair célébrer la révélation, celui-ci, confiant dans la valeur de sa propre décision, le regarda simplement et, sembla-t-il, calmement, s’éloigner… Sans nul doute : dans le domaine de l’incertitude, qui est celui de la vraie connaissance, tous les esprits n’ont pas reçu la hardiesse et la capacité de révolte de la façon la plus équitable. Mais, réellement : saurait-on blâmer la crainte dissimulée sans pour autant tomber en terres illégitimes, lorsqu’une personnalité, par cette seule raison que la nature ne l’a point douée de l’art de la nage, n’ose effectuer le prodigieux plongeon… : — dans la joyeuse impulsion, dans le surprenant et stimulant cours d’eau de l’esprit critique ?
2. Pléthore de discours.
De même qu’un instrument dissonnant soudainement et au grand dam du paisible spectateur déchire le charme d’une merveilleuse symphonie, et qu’en pleine nature un bruit d’homme vient rompre la tranquillité et l’harmonie des lieux, ces discours, politiques ou de toute autre espèce, si excessivement factices altèrent dans l’esprit des délicats destinataires la beauté de l’impression et l’unité de la sensation. Les paroles intempestives, ce tapage diurne comme nocturne, qui polluent les villes autant que les campagnes, les lieux publics aussi bien que privés, en somme, les espaces psychiques d’innombrables consciences, devraient être punies par la loi, et, par une conséquence naturelle, on s’évertuerait à récompenser tout ceux qui se privent de leur usage. Assurément il serait complètement légitime qu’intention malhonnête et verbe superficiel soient continuellement regardés comme un couple criminel. Bien sûr, la sublime musique ou le parfait silence, ces vibrations de qualité, ces ondes fabuleuses ! les nobles impatients, les grands indignés, et malgré l’ampleur de leur volonté, et malgré l’ensemble de leurs actes, au sein de leur âme assoiffée les attendrons encore fort longtemps…
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