Homoeostasis

Il ne s’agit pas de rechercher constamment la tristesse, le désespoir, le déséquilibre. Il faut plutôt les analyser, et les considérer comme des signes, des symptômes liés intimement à l’état général de l’organisme. Leur nature et fonction les rendent indispensables car, en étant mieux connus, ils peuvent favoriser les transitions, les mouvements, les transformations. « L’histoire de notre civilisation, dans une certaine mesure, est celle de l’effort soutenu pour étendre les meilleurs des “sentiments moraux” à des cercles humains de plus en plus larges, au-delà des restrictions des groupes, au point d’embrasser toute l’humanité¹ », affirme Antonio R. Damasio. C’est pour cela qu’il est possible de raisonnablement penser, que la « société complexe » (E. Morin) favorisera et sélectionnera les unités d’informations culturelles les plus bénéfiques en ayant bien en tête, comme je l’ai déjà évoqué², des éléments tels que le sens de la communauté, le sentiment de solidarité, etc. Ce qui est tout aussi important que les mèmes, ce sont donc les émotions et les sentiments. Les émergences créatives qui possèdent un intérêt majeur sont et seront ces productions intégrant harmonieusement les sentiments sains de la plupart des individus dans cet organisme social gigantesque qu’est devenu le monde ; aussi devrait-il régner constamment, dans l’esprit de ce colosse, cette volonté de changer le chaos en ordre (suivant le concept de « flow » — « flux » — de M. Csikszentmihalyi), les peines en joies, les émotions négatives en positives… Les sons discordants du psychisme collectif ainsi rassemblés produiraient dès lors de belles mélodies ; une harmonie autre que ce vacarme actuel, que cette agitation, que cette folie moderne. Ainsi l’homme, mettant en concordance ses actes, ses idées, ses affects avec les désirs de l’évolution, utiliserait ses capacités inédites pour stimuler, non pas la destruction, mais ses forces de vie, son énergie vitale — l’homéostasie planétaire.

1. Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison (Paris, Poches Odile Jacob, 2005, 2003), 173.

2. Cf. « Mèmes, culture et société complexe », Espritetliberté, 20 juillet 2016, disponible sur

        http://espritetliberté.com/memes-culture-et-societe-complexe/.

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