1. Frêles esquifs.
Les minuscules pieds foulent l’étendue marine vers je ne sais quoi, je ne sais où. Ce faisant, ils déforment la surface élastique, y déposant dans les creux de sa main, comme le réalise tout corps possédant une masse, comme toute matière, de minuscules traces, de nouveaux vestiges. La vie se lève, porte les feuilles insignifiantes, les anime, puis, se couche, et les déposent — inertes. À peine son souffle senti, celles-ci doivent s’en aller. À peine le début de leur propre histoire à eux-mêmes racontée, que cette dernière les quitte. Depuis si longtemps les frêles esquifs ne laissent pas que de rouler, rouler encore, — et de s’allonger parmi l’écume.
2. Fourches caudines.
Cela est contraire aux propriétés de nombreuses complexions que de constamment supporter les changements de paradigmes et les incertitudes. En effet, qu’y a-t-il de plus étranger pour ces consciences que d’appréhender leurs convictions les plus intimes et de les faire passer, une à une, sous les fourches caudines de la critique, de l’analyse, du sain jugement, que d’emmener tout ce beau monde en voyage, sur un imposant navire apprêté pour l’occasion : vers les sentiers éclairés, les voies salubres, les passages assainissants — au travers du tamis moléculaire du bon sens ?
3. Harmonies formelles.
Saisissant une poignée de réalité, son essence nous glisse sans arrêt des mains ? Que nous importe ! Nous autres jardiniers du monde, savons aussi nous satisfaire de la floraison des formes, sommes capables de simplement regarder : sans sur toute chose continuellement poser le regard fréquemment indélicat de nos grossières interprétations. Au fond, nous cultivons de longtemps notre goût des harmonies, de la beauté, de la perfection formelles.
4. Sentiment d’incomplétude.
Pourquoi l’humain est-il cette fameuse bête effrayée ? Parce qu’il ressent la présence d’une question immense, d’une lourdeur considérable survolant sa condition. Parce que, malgré ses innumérables conceptions il n’est qu’une théorie incomplète. — L’apeurée éprouve l’incomplétude de sa chair. — Et elle croit voir un oiseau de proie en train de resserrer ses cercles descendant ; elle ne parvient à concevoir les mécanismes de la peur ni les hallucinations, les illusions résultantes : elle se pense comme un souffre-douleur, une âme harcelée, une malheureuse prise en chasse… — par une simple idée !
Photo © iStockphoto.com / Daria_Andrianova
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