1. Forme et Mélodie.
Le Fond se putréfie dans les fosses du temps ; toutefois, certaines structures, certains styles, certaines Formes portent encore dans leur voix quelque chose d’inaltérable. C’est que celles-ci ont cela de particulier, que tout semble y confiner à la grandeur, aux sentiments élevés, à vigueur intérieure ; tout, de façon ou d’autre, s’y rassemble, se complète et concourt à une sorte d’éternelle plénitude. Que saisir ces réalités soit de l’ordre de l’inaccessible, nul esprit sensé ne le conçoit. Et pourtant… Ainsi, à ceux-là qui viendront, et demanderont : « Quels sont donc ces chemins praticables menant à la destination ? » la réponse suivante leur sera promptement et amènement délivrée. « Coeurs potentiellement semblables, rapprochez-vous d’elles simplement davantage, vibrer sans crainte au plus près ! Et voyez si l’on y sent le temps nécessaire, les refus par milliers, les contraintes toutes déjouées… Voyez quels obstacles sont à présent surmontés… Et combien on y trouve la puissance de la réflexion, la hauteur de la rêverie, la valeur des innombrables méditations… Combien on y éprouve la solitude indispensable au caractère de l’ouvrage, la lente et essentielle maturation, sans oublier l’heureuse esquisse… Combien enfin l’esprit est à même de se représenter les cris joyeux de l’inspiration, la remarquable sûreté de jugement et de main dans la mise en œuvre, la fantaisie et la gravité fort entrelacées. Camarades, entrevoyez-vous désormais cette prodigieuse latitude au sein même du plus difficile ? » Car, tout bien considéré, ce qui veut s’exprimer n’est rien de moins que la force intellectuelle, la vivacité d’une imagination déliée, l’intensité impérieuse — tumultueuse en sa diversité, la vie elle-même ! — Ah ! et quels trésors, quelles étendues, quels panoramas ! que toutes ces œuvres caressées par le regard frais, quand ce fragment de jeunesse, cette partie ayant appris à croître dans la distinction survole l’abondante forêt des plus élégantes productions terrestres ! quand son coeur altier embrasse toutes ces plantes éthérées qui malgré le poids des années continuent d’émerger ! J’entends par là toutes ces immortelles relevant la dignité, tous ces arbres immenses élevant la valeur de l’homme, hissant dans les hauteurs, et sans connaître le repos, les espérances les plus distinguées ! Ô exquises créatures ! avant que cette lecture ne s’achève honorerez-vous les honnêtes consciences en portant en votre sein leur précieux secret, ce chuchotement doux et discret qui en toute humilité désire se confier… : « Si vos propres formes ainsi que vos formes propres vous illuminent lorsque vous vous redressez sous les rayons du jour, elles vous célèbrent infiniment plus encore à la paisible lueur de la lampe… » ? — Et qu’il nous soit permis, à nous les éternellement reconnaissants, avant que de nous évanouir dans l’épais silence de la nuit… de poursuivre ainsi la confidence précédente, le doux et intime murmure des lectrices solitaires : « … mais jamais nous n’eussions savouré un instant aussi heureux, si la culture et le bon goût, si rien ne nous avait aussi aimablement apprêtés à cette mélodie de l’âme. »
2. Indéterminé.
Tout ceci est aisé à appréhender ; le phénomène, la réalité se laisse si bien observer… La nature est composée de telles matières, de telles énergies, abrite tels objets, tels visages, tels êtres vivants anonymes, telles espèces différentes de consciences, rassemble telles conceptions, représentations, telles équations, telles capacités d’intellection. Son caractère est formé d’indétermination. Son état même est celui d’une âme irrésolue, d’un esprit indéterminé.
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