1. Doctrine et théorie.
La panse enflée, les peuples, oubliant de penser, se gavent de doctrines, et se méfient des théories. C’est que les premières — alors que les preuves abondent quant à leur caractère contraire à la vérité, à la réalité — rassurent, nourrissent les besoins et les désirs, soulagent les frustrations — sont considérées comme l’espoir même, le remède. Toutefois, ce sont, suivant Morin, les secondes que l’humain devrait choisir de fréquenter1. Il est impératif que l’on se préserve, et se défasse, lorsque les circonstances le réclament, de cette soif aveugle et immodérée de certitude absolue. Le substrat des choses est — du moins au palier de l’intelligence où l’espèce réside actuellement — l’incertitude même. En effet, sur et dans chaque objet semble mugir le souffle impétueux des vents de l’inconnu, de l’étranger, du mystère. Hélas ! l’homme est toujours ce petit animal apeuré tout juste sorti de sa grotte : au milieu de la jungle, croyant apercevoir des apparences invraisemblables, des ombres terrifiantes, face à sa prodigieuse ignorance et à ses propres créations, son cœur s’accélère… les monstres se rapprochent : il n’aspire déjà plus qu’à se défendre ! Et le voilà éperdu, brandissant son arme « défensive », déclenchant ses mécanismes de défense — et voici : le mythe, l’hallucination, l’aveuglement.
2. Libérez la morale.
Tu t’émerveilles devant les fruits de la morale. Tu lèves alors les yeux et, ébloui par le soleil, tu envoies dans le silence des espaces infinis tes vagues de remerciements pour ces magnifiques présents. Pourtant l’arbre et ses racines ne sont pas si éloignés, mais plutôt au plus proche de toi ! Ils croissent en ta poitrine, en ton sang, en ton ADN… au sein de la biologie, au sein de l’évolution ! À l’origine, l’ensemble était autrement plus pur, mais tu as altéré sa constitution, corrompu la frondaison, jeter la honte sur ses beaux fondements. Quand donc, homme, redresseras-tu la tête, à l’intérieur de toi-même ! Quand cette terre verra-t-elle une humanité à l’écoute de toute preuve, découvrant sa propre humanité — cette dame dont l’âge est bien fréquemment sous-évalué —, non pas à l’extérieur, mais en elle-même ? — Quand émergeront enfin de la vaste ramure de l’évolution des êtres effectivement libres ?
3. Empathie et altruisme, chez quelques-uns.
Les preuves d’empathie et d’altruisme chez les animaux s’entassent par milliers ? « Que nous importe ! » — La cruauté n’ayant pas d’yeux, d’oreilles et de cœur, les victimes n’ont pas fini de pleurer, de hurler… de se vider. C’est certain : « Il faut bien survivre » ! — Décidément, il faut encore se le dire : ce singe, est fort singulier.
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« En fait, je pense que nous devrions vivre avec des théories et non pas des doctrines, c’est-à-dire des idées auxquelles nous croyons mais dont nous n’avons pas la certitude absolue. » Boris Cyrulnik et Edgar Morin, Dialogue sur la nature humaine (Coll. l’Aube poche essai, Éditions de l’Aube, 2010), 42.
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