Grandeur d’esprit, Grandeur d’âme, divines Hauteurs ! vers quelles contrées vous êtes-vous envolées ? Cœurs composés, qui êtes faits de lignes, de formes, d’invraisemblables arrangements, de combinaisons heureuses, qui logez la magnifique structure, l’étonnante composition, ce monde d’une inépuisable variété ! de vibrer vous êtes-vous arrêtés ? Romantiques à l’oeil tout en ouvertures, intrépides visiteurs des constituants fondamentaux de la nature, de cette réalité plus libre et dégagée — débarrassée du Mythe, du Bien et du Mal, du Dessein intelligent —, de ce réel éclairé par le savoir scientifique, la pensée moderne, — du noble sentier avez-vous fini par vous éloigner ? Cerveaux finis, accumulant sans aucune cesse un nombre infini de connaissances, emplissant vos visions, votre raison, votre imagination de sensations, de sentiments, de vérités, est-ce l’élévation, cet auguste nid, ce lieu si pur, cette sphère tant altière, que par vos ailes rognées vous aspirez ainsi à quitter ? — Nous autres marchons dans les interrogations, parmi cette abondante forêt, à l’intérieur de cette singulière végétation bien souvent essentiellement étrangère ; nos petits pieds, érigés et bâtis sur de robustes volontés, tentent les moyens d’avancer — et un pas à la fois pour ne point trébucher ; notre conscience se tient alerte et sur ses gardes et toujours est en quête de ces êtres sains d’esprit, de ces personnalités ne déclarant pas publiquement et loin de la honte des paroles proches de celles-ci : « Au centre du monde, Elle ne connaît pas la rondeur ni la rotation », « l’Évolution appartient au royaume de la déraison », « la Morale nous vient d’en haut », « les Atomes sont de grandes illusions », « la Nature granulaire des corps, des âmes, des choses est une fausse croyance des plus tenaces »… ! — Et même s’ils se font cruellement rares, en les parcs en les vallées, sur les mers les sommets, dans les airs les souterrains, il nous arrive, quelquefois, de rencontrer l’indicible joie : de reconnaître et de serrer les mains de ces individus autres. Alors, ensemble, nous ne pouvons nous empêcher, tant la circonstance est merveilleuse, d’échanger de longs regards, de nous rapprocher les uns des autres, et de nous étreindre dans une sorte d’exquis sentiment de fraternité. C’est que, comprendra-t-on peut-être, ces occasions tellement rares méritent que nous les célébrions ! C’est que nous nous croisons si peu, nous, les compagnons éparpillés sur l’immense carte de la vaste expérience… nous, les autres « moi », les autres « sang » — les frères et sœurs, en la chair et le cœur.
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