Des Cygnes et des Canards
Un étang paisible reçoit ses amis à bras ouverts :
L’eau bleue et ses mouvements invisibles, ses discrètes rides ;
L’aimable ombrage de la forêt, les nénuphars en fleurs ;
Les nombreux poissons, les libellules joyeuses ;
Ses bords tranquilles… — et son curieux visiteur,
Un homme calme, assis dans la sérénité du ciel, de l’air et de l’esprit.
Une troupe s’approche ; confuse, malpropre ;
Ses membres s’agitent, ses bouches s’ouvrent,
Les immondices, le vacarme, l’indignité est déversée.
Le trouble des humains et de l’époque se déchaîne —
C’est l’innocence et la majesté du lieu qu’il entend conquérir ;
C’est en tous lieux et pour jamais qu’il veut les submerger !
Le visiteur avisé en sa contemplation perçoit le danger ;
Dérangé, presque agacé, s’éloignant de ces énergumènes, il pénètre la forêt.
Et plus il la découvre, plus il la connaît, mieux il s’éprend.
C’est ainsi qu’un couple se forme à l’écart :
Une âme esseulée, et la nature sa bien-aimée —
Sous la voûte de feuillage, loin des importuns, l’amour rencontre le jour.
En ces bras propices, il se retrouve davantage,
Il considère des choses nouvelles,
Comme la valeur de l’art véritable
Et celle des exceptions qui, fuyant les choses impures,
En célébrant justement la nature,
Tels des êtres des hauteurs s’élèvent au-dessus d’elles-mêmes.
Il a conscience de vérités jusqu’alors cachées,
Que par la connaissance, le noble goût,
Le développement harmonieux de son esprit,
Si survoler son époque en lui-même est impossible,
Du moins est-il permis de quitter le grand marais,
Et de goûter les vents frais, et d’embrasser une pluie claire !
Dans les régions reculées, il se met à chanter,
Si haut et si fort qu’on ne saurait l’ignorer.
Et si certains n’entendent toujours pas ce qu’il a à dire,
Sans doute est-ce parce que leurs oreilles sont tout à fait dissemblables,
Car il est des organes difformes, et ils se méconnaissent !
Sans doute ces consciences, ces cœurs, ces âmes ont-elles perdu l’ouïe !
Quant à celles-ci, le poète durant son chant se dit par-devers lui :
« Poursuivez donc votre chemin, et ne vous en faites point ;
Vous n’êtes pas sans savoir qu’il faut de tout pour faire un monde !
Des cygnes pour les cimes,
Des canards pour les mares —
Des aéronautes qui se lèvent, et des créatures qui barbotent… »
Photo © iStockphoto.com / mikeinlondon
Laisser un commentaire