1. Degrés de séparation.
Les contrées du savoir, les parcelles de la création, les champs des idées semblent, pour l’oeil exercé, pour l’organe mû par la curiosité et l’enthousiasme, pour l’esprit qui apprend à voir, se rapprocher peu à peu. Cependant, même la contiguïté de notions constitue un état trompeur. En vérité, les époques, les cultures, les entités, les abstractions sont mêlées : cloisons, clôtures, limites de toute nature ne sont que préjugés, chimères, folies humaines ; rien n’est tout à fait déconnecté au sein de ce fluide bouillonnant, de cet océan délirant, de la soupe fabuleuse ; et, même le plus habile des chirurgien ne saurait, sur cet immense corps, en cette vaste substance, réaliser une amputation dans la contiguïté, car les articulations sont absentes, car il est impossible d’éloigner, d’isoler les éléments, les tissus sans qu’il y ait déchirement. Les molécules, les particules, nuit comme jour, s’attachent et se détachent au milieu de la folle cohérence, en ce cerveau furieux et sage, chaotique et harmonieux. Le concept de frontière se dilue dans les eaux plurielles de cet esprit surprenant, dans les remous de l’intrication, dans les tourbillons de ce prodigieux ensemble.
2. Les échos.
Les oreilles entendent, puis, promptement, les langues répètent, à longueur de journée, à longueur d’année… Ce ne sont pas des minerves aériennes et ailées, mais des esprits lourds et ennuyeux qui circulent et pullulent dans le lamentable jardin de la vie. Les espaces, là-bas, sont occupés, non pas par de magnifiques papillons diurnes, par des ondes libres et éthérées, mais par de communs, de vulgaires, de sombres insectes : de simples et sots échos…
3. Niveau d’interprétation.
J’accueillerais avec un certain plaisir toutes ces sévères critiques, ces coups d’assommoir, cette salive venimeuse projetée sur mes idées, si ces langues bifides cessaient d’errer dans le sens littéral, si elles se mettaient à percevoir les sous-entendus, en somme, si les censeurs remarquaient que mon organe quitte sa cavité, puis s’expose et se déploie essentiellement sur les voies du second degré.
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