Des personnages s’agitent continuellement sur la grande scène : ils veulent nous montrer quelque chose ! « Approchez, camarades ! nous lancent-ils, et voyez ! Là, devant nous, la verte prairie, la paisible vallée, la mer étoilée…, nous offrent leurs nuances, leurs substances… la vigueur de leur véracité, le puissant concret… la belle impression… » À l’intérieur de leurs constructions mentales, au sein de leurs images, en leur domaine ils convoitent de nous instruire ; « le monde », un désir immodéré de nous l’offrir leur inonde la bouche de salive !… — Mais que ce présent tant estimé présente des contours flous, et, surtout, quelle grossièreté dans ses traits ! Car c’est un endroit qu’eux-mêmes ne se sont pas fait la peine de véritablement voir, un paysage dont ils ont méprisé le temps nécessaire pour bien percevoir : une demeure, un îlot, un océan, un univers tout à fait inconnu et inhabité qu’ils prétendent avec nous partager ! Ah ! que s’imaginent-ils donc ?! Oh ! Oh ! qu’irions-nous faire, nous, en pareil lieu, pauvre de sensations et de sensibilité, oublié du corps et de l’esprit, déserté ?! Comment enfin une toile aussi faible, un travail hâtif à ce point, un fruit d’une si médiocre qualité pourrait-il satisfaire nos sens, enflammer notre goût… combler notre cœur ?
Photo © iStockphoto.com / Ann_Mei
Laisser un commentaire