1
Les maux. — On oublie, ou bien sous-estime la valeur des mots. C’est ainsi que les mains rudes et grossières maltraitent les idées les plus délicates et les plus belles. — Le charme et la grandeur, entre certains doigts, ne fleurissent ni ne durent : ils souffrent, se désespèrent, et se fanent avant l’heure.
2
Créateurs de valeurs. — Dans l’indifférence du cosmos, dans ses froideurs nous marchons. Il nous appartient, artistes, alchimistes, guérisseurs modernes, de lui donner du sens, de lui offrir la beauté, de lui injecter la valeur. Nous seuls possédons la faculté de planter dans le jardin de toute chose des plantes merveilleuses, et la capacité d’y folâtrer. Mais de cela les hommes se croient incapables. Ils ne pensent pas à l’ampleur des possibilités qui croissent en eux. — Ils ne sentent (quand ils la sentent) que faiblement la présence même du jardin et, en outre, ils sous-évaluent fortement leurs talents de jardinier. Devra-t-on assister, impuissants, à l’appauvrissement du sol en créateurs, en êtres sûrs de leurs forces, en bras-bâtisseurs, en individus qui savent que la beauté, l’enthousiasme, la puissance ordinairement ne surviennent point : qu’elles nécessitent des apprêts ? — Le sain, le désirable, le valable, c’est l’homme qui en a la responsabilité : c’est à lui de les planter, de patienter, et de récolter. — Y songe-t-on ?…
3
Invincible mât. — Parmi les éléments, au sein de la violence, des perpétuels déchaînements, les vaisseaux nuit et jour roulent, virent, tanguent. Mais une chose se dresse fièrement en la robustesse, évolue à l’abri dans son invulnérabilité : un mât digne, d’airain, pointant, s’élevant vers sa cible, voguant par-dessus la tempête, un objet ailé se riant des contraintes, des troubles, des obstacles, une entité que chaque âme forte peut en elle-même enfanter, élever et maîtriser — la volonté.
4
Au voleur ! — Les personnes qui te sont les plus chères, tes objets les plus précieux, le temps, etc., tout ceci ne t’appartient pas. La nature, le sort, les dures lois de la nécessité te les ont prêtés. Tu le sais bien. — Pourquoi feins-tu donc l’étonnement lorsque la fortune te demande de les rendre ?
Photo © iStockphoto.com / Natalia Moroz
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