« Le corps est matière, mais pas l’esprit », professe-t-il… ; « certes des liens existent entre celui-ci et celui-là, toutefois l’un et l’autre ne se touchent point d’une manière qui rendrait possible le mélange de leurs substances respectives », affirme-t-elle… Devant de telles paroles, un simple constat : la neurobiologie moderne a beau apporter ses lourdes preuves, à la source de la légère pensée toujours la créature s’abreuve. Ah ! que les conceptions actuelles sont éloignées de ce que nous dévoile la réalité ! que l’on ne s’éveille plus ! que la vie ne s’éprouve qu’en songe ! Et pourtant ! nous savons maintenant que l’esprit, le cerveau et le reste du corps sont indissolublement associés, si étroitement liés entre eux qu’ils forment une manière de prodigieux circuit intégré ; nous savons maintenant qu’il n’est plus permis de douter que ce phénomène qu’est l’esprit s’origine dans la biologie et la physique : l’évidence même se montre — la nature de celui-ci ressortit à la biophysique. Corps, cerveau, esprit — changeons l’ordre ! : les manifestations peuvent être différentes, et cependant la substance est unique — les atomes, les champs quantiques sous-jacents sont les mêmes… Comment, en conséquence, ne pas se trouver dans l’extrême étonnement lorsque viennent cogner à nos oreilles des objets de ce type : « L’esprit humain est une substance évoluant dehors l’orbe des mathématiques, de la physique et de leurs lois ; par ses propriétés complètement autres, lui, l’esprit individuel, l’« étranger », appartient au royaume de l’immortalité… » ? Comment réagir en face de ces êtres refusant la conclusion impérieuse — vraiment ? est-il des hommes assez fous pour s’opposer à la foudre, pour nier même son existence ? : lorsque l’enveloppe charnelle disparaît, elle emporte avec elle cet esprit dont on a beaucoup parlé…, comme deux amants magnifiques pris par la folie. — Ô que l’on me pardonne ! de laisser de côté, pour ce qui concerne certaines questions, les opinions fort douteuses d’illustres cerveaux ; de m’éloigner, quant à quelques points, d’une compagnie grandiose, — de Descartes, de Pascal, de Goethe… —, et de rejoindre plutôt la sphère de Spinoza, de Nietzsche, de Damasio… « Eh ! le contradicteur passionné ! ne t’as-t-on pas mis au fait ? nos considérations proviennent d’intuitions profondes, ô combien ! tentera-t-on encore, en vue de me séduire… Et tu ne voudrais tout de même pas nous enlever ce que nous sentons en nos entrailles, l’intime matière de nos perceptions, de nos sentiments, — nos pressentiments ?! » Ces enfants impolis ignorent que le navigateur que je suis devenu sait trop combien ces fameuses intuitions ont, bien souvent, fourvoyer le bon sens des humains ; — ils ignorent qu’assurément, des sirènes de toutes sortes, l’hardi nautonier en connaît un certain nombre, et que, quoi qu’elles fassent, — son entendement, son âme s’étant fortifiée des écueils du passé les mieux cachés, — désormais il ne se laissera plus si aisément abuser.
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