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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Vincent PAYET

Existences grises

Existences grises

22 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Existences grises. — Voilà les images, oui, les images que peuvent faire naître en une âme certaines existences ; voici les vases rigides et ternes emplis de feuilles mortes.

 

2

La clef. — Ah ! qu’on apporte la clef de cette affaire ! qu’on éclaire le sens caché de ce mystère ! Soudainement son attitude changea ; il s’était figuré avoir été investi d’une destinée surnaturelle, avoir été élu, parmi le peuple, pour guide des aveugles et des sourds ; mais, n’étant ni homme d’esthétique ni homme de science, n’étant pas même homme d’action, comment une telle pensée, comment une telle démence put-elle voir le jour ?!

 

3

Importance du jeu

Qu’il s’agisse de mathématiques
Ou de physique et de chimie…
De biologie ou de philosophie,
Que la pensée effleure de sa main naïve
Les champs de la poésie, de la peinture
Ou de la musique, de la sculpture…
Est-il chose, dans l’importance, supérieure
À l’esprit qui cherche, creuse et excelle,
À la volonté qui s’exerce, se déploie et sourit —
À tout ce qui ressortit au jeu, parmi le difficile ?

 

4

Jardin cultivé

Modeste mais riche laboratoire
espace mental bien semé
sereinement en secret
sereinement en secret
poussent poussent les pensers
d’abord laissés de côté

 

puis en un jour non connu
après mille attentions
dans le temps dispersées
éclot parmi la surprise
une forme bien faite
enveloppant un fond assuré

 

C’est ainsi que peu à peu
une aurore se révèle
qu’une création déjà transparaît
pleins et colorés
des sépales des pétales
si insoupçonnée une beauté

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / bee32

 

Classé sous :Journal

La charrette

La charrette

20 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

La charrette

    « Qu’est-ce donc que cet animal
Si accablé par le terrible fardeau ? »
Demande la créature ailée
Par-devers elle, bien étonnée.
L’oiseau considère l’étrange vache
Tirant dans sa charrette mainte peine :
« Comme j’éprouve, figé devant toi,
Une compassion jamais ressentie !
Un sentiment des plus barbares :
Un ennemi qui saisit, un fauve qui dévore ! »
Lui confie-t-il dans un état de trouble,
Comme touché par un indicible vertige,
Par une manière d’extrême empathie.
Et le regard bovin de se tourner vers lui —
L’air ailleurs, le visage tout étourdi,
La tête très lourde, ses chairs si meurtries,
La conscience fort pâle, presque ensevelie…

 

2

Veulerie foncière

    Tous aspirent à la grandeur,
Mais en eux, absents sont l’énergie,
Le courage et l’enthousiasme ;
Tout prospère hors de l’ampleur,
Tout manque de sel, de vie —
Tout manque de tout.

 

    La terre est par trop légère,
Bien faibles sont les branches,
Misérables les caractères :
Approchez donc, et voyez ; voyez
L’insalubrité régnant en des âmes,
Voyez si… la veulerie recouvre les êtres !

 

3

La Bohème

    Règles féroces, cadres étouffants,
Routine desséchante, invisible Sépulture !
Que tremble votre substance, votre sol,
Que se fissure votre culture, votre essence !

 

    En cette heure, ennemie ! veuillez hisser l’oreille,
Veuillez, dans la certitude qui vient, trembler !
Car à présent, dans les lointains, et avec force,
Les pas de vos illustres assassins se pressent ;

 

    Déjà les dignes hommes rient et à vous-même s’adressent :
Déjà galope, suprême, l’irrésistible colonne,
Cette volonté, ce jugement, cette sensibilité émancipés,
L’Affranchie, la haute Bohème — la Bohème littéraire, artistique…

 

4

Heureuse inspiration

    Puisses-tu te soulever,
Ô vieil homme !
Que des vents nouveaux
T’emplissent de réjouissance,
Que ton humeur rejette son propre déclin :
Telle une mer vomissant sur ses bords
Les restes de ses multiples naufrages !

 

    Que tes poumons accueillent enfin
La fraîche et douce espérance !
Ce souffle autrement aimable,
Ce mouvement assurément vital,
La venue sans doute possible
D’un futur bien moins pénible.

 

5

Scène ordinaire

Homme et femme ordinaires
conversation dans la rue
quel spectacle quels acteurs
et cependant quelle matière
quelle misère quelle honte
si ces mêmes paroles
se trouvaient tout à coup
transportées sur les planches
comme vomies sur la scène

 

6

Éloignement

Contrition parfaite
fuite dans le dogme
éloignement de soi-même

 

7

Des réfugiés

    Surgit leur ombre,
S’épanouit le doute,
La peur intérieure
Peu à peu les assaille ;
Les voilà qui courent, courent
Se réfugier en nombre infini
Dans le giron familial,
Dans le giron de l’Église —
Dans le giron de leur certitude.

 

8

Bouche mensongère

Sa gestuelle, sa posture,
Tout en lui annonce son futur ;
Celui d’une conscience qui sent
Grandir en elle la mission nouvelle,
Fleurir une forme jusques ici
À son propre cœur
Entièrement étrangère ;
Seulement, hélas,
Non pas la figure de l’Art,
Mais la répugnante,
Mais l’infâme Parole mensongère.

 

9

Grains de lumière

Folie, ténèbres :
Parmi l’obscurantisme,
Qui donc agitent encore
Les quanta de lumière ?

 

10

Fenêtre ouverte

Écrivain plongé dans les lettres,
Tisserand devant son « métier »…
Tandis que par la fenêtre ouverte
Les hurlements du monde extérieurs
Toujours, toujours prétendent pénétrer,
L’artiste sans cesse se recueille,
Se recueille et se rassemble,
Au-dedans de soi, au fond, à l’intérieur.

 

11

Paradis descendu

Assurément, il existe un paradis,
Accessible à l’Homme pour toujours,
Et d’où nul ne saura jamais l’expulser :
Non pas dans l’espoir de l’au-delà,
Mais sur Terre, à l’intérieur de soi-même.

 

 

Photo © iStockphoto.com / bausela

 

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Buste brûlant des monstres

Buste brûlant des monstres

18 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Buste brûlant des monstres

Nuit profonde
buste penché en avant
jetant des monstres

 

le feu se réjouit
arrivent arrivent
arrivent par milliers
les hordes de considérations
de mauvaises doctrines
de sinistres pensers

 

un miracle se produit
le déclin assuré
la guérison attendue
entière consomption des idoles
naissance et réjouissance
d’une fumée tout autre

 

Couleur odeur saveur
émanation purifiante
essence si salvatrice

 

2

Funeste prédicateur

    Le voilà qui arrive, le voilà qui jaillit,
Parmi les pensifs et mornes esprits,
Les consciences bien sombres,
Les caractères, les âmes taciturnes ;

 

    Tel un chef devant ses troupes,
Un général à l’aube d’une grande bataille,
Il encourage la présente assemblée,
Il exhorte ses fidèles, infortunés ;

 

    Mais survient un orage, rugit un Éclair,
Qui anime les affligés, ces figures décadentes :
La lumière divine exhorte les blessés, les mourants…
Elle les incite à la connaissance — à la prudence.

 

3

De la grandeur. — La grande poésie est comme la grande musique, comme la grande peinture, comme la grande physique : elle s’adresse directement à l’intimité de l’âme, et ouvre ses yeux, sur la délicatesse, sur la pudeur, sur la sublimité des choses.

 

4

Plainte charmante

    Une plainte dans le lointain
une figure une voile
qui se forme et se perd
procession ordinaire

 

des chants religieux vibrant
flottant enchaînés dans les airs

 

Quelles paroles étranges
quelle tristesse puissante
mais aussi quel charme
quelle beauté singulière

 

5

Maladie aiguë. — La bouche se déforme… la langue tourne, virevolte, s’exprime dans une apparente licence… À la fin, le diagnostic est posé : l’évidence se manifeste — maladie aiguë du bon sens. Il existe ce moment de la vie d’un homme pendant lequel le trouble est à son plus haut degré de développement ; il gronde, frappe, se répand dans ses veines, corrompt même la conscience la plus pure, soudainement, et avec une intensité rare ; la crise est profonde, le péril considérable. En cette période qui emporte la décision, seuls quelques individus perçoivent l’intime canon d’alarme, et parviennent à s’ôter le doux et lent poison : après d’âpres et longs combats, ils s’en expurgent ; faisant face à la terrible substance, ils réussissent, en une sorte d’effort surhumain, à l’écarter de leur esprit, devenant des manières de héros pour avoir atteint l’exploit, à l’écart de la crainte, de la bannir complètement. Ils ont presque vaincu la sottise, par la raison qu’eux détenaient une arme quasi décisive, qu’eux seuls possédaient le souverain remède — le sens aigu des réalités.

 

6

Exorcizare. — Croit-on vraiment en l’inexistence des démons ? Ne les voyez-vous point se fortifier à l’intérieur de vos propres natures, à l’intérieur de la nature des possédés ? Délivrer, délivrer… exorciser, exorciser ces entités : voilà une hantise bien réelle ! Voilà une tâche agitant les grands esprits depuis des siècles, et ce, que celles-ci soient nommées infini mathématique, infini physique ou infini absolu.

 

7

Surface et sensibilité. — Voyez sa surface aérienne externe, sa surface interne et sa surface racinaire ! Admirez la gigantesque, l’époustouflante créature ! De par l’ampleur de ses surfaces d’échange avec le milieu, de par sa nature même, le créateur ne peut que posséder une formidable sensibilité : il a germé, et se déploie désormais, dans la vue de capter, de goûter et d’éprouver invariablement, il communique avec les éléments d’alentour, danse sur les rythmes intimes du monde… — Ressentant l’intensité des choses, palpant, épousant de tout son être les ardentes palpitations du sol, au milieu d’« autres espèces » bien étonnantes il vibre tout à fait différemment ; sa volonté emploie sa vigueur d’une manière autrement bénéfique, son existence circule avec aisance au sein d’une modalité autrement singulière.

 

 

Photo © iStockphoto.com / Leysan

 

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Désir d’artiste

Désir d’artiste

15 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Désir d’artiste

    Au fond, le ressort du musicien,
Le désir même du peintre,
L’intime aspiration de l’artiste
N’est-elle point ordinairement de se savoir,
Du moins pour quelques instants,
En une âme isolée, mais parente,
Considéré et un peu compris ;

 

    De pouvoir s’étendre sans crainte,
En fleuve courageux, impétueux,
En élément naturel, bien vivant,
Et l’âme libre, et la conscience claire,
Parmi le sein si rare d’un ami inattendu —
À l’intérieur de cette Compréhension vive,
En plein cœur des affinités électives ?

 

2

Se faire jour

Fausse personnalité…
Mais au travers des masques
Peu à peu elle s’éveille,
Des profondeurs
Vers la surface
La vérité jaillit —
La conscience se fait jour.

 

3

Les âmes de boue

    Ruelles, avenues, cités pleines de boue,
Ceux-là tombent, et bien souvent rient,
Ceux-ci se débattent, et ne s’en aperçoivent,
Si peu se relèvent ; qui est-ce qui s’en soucie ?

 

    Des bains, des bains, combien sont nécessaires
En vue de combattre les mortelles affections,
De vaincre l’invisible ennemi, cette sinistre fange,
De bannir le noirâtre, le hideux, le si méprisable ?

 

4

Ardeur infatigable

Création continuelle
fortifications de l’esprit
le cœur s’émerveille
préservé de la fatigue

 

5

Le ponceau

Étrange ponceau,
Ravin tout étroit ;
La valeur est proche,
En face, à côté —
Pour l’âme enjambant
L’acide sourire.

 

6

Terre à terre

Que ne se languissent-ils de toi,
Toi le relief, le piquant, toi la saveur ?
Et que se jettent-ils en si grand nombre
Dans le plat, le terre à terre, le vulgaire ?
N’abandonneront-ils donc jamais leur conduite ?
Les croit-on bâtis pour abjurer quelque jour
Toutes leurs belles et puissantes erreurs,
Toutes ces visions enchanteresses,
Ces principes mystificateurs ?

 

7

Coudées franches

Que son être désire jouer librement !
Combien les choses et les personnes
Paraissent conspirer à le contraindre !
Mais le voilà qui proteste heureusement ;
Sa volonté s’insurge, se déploie tout à fait —
Conscience trop altérée de coudées franches.

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Archv 

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L’Écume des jours

L’Écume des jours

13 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

L’Écume des jours

    Promeneurs sur le rivage
visages qui s’estompent
comme emportés avalés
par la fuite du temps
par l’écume des jours

 

2

Des chaumières

    Denses montagnes
grand air
vastes champs
insondables mers
tant d’espaces
tant de vigueur
et cependant
les coeurs s’étiolent
et cependant
les têtes s’isolent
la sève se courbe
la vie se fane
en des vases
par trop étroits
dans les minuscules
minuscules chaumières
en ces prisons
si nombreuses
dans les tombes
tombes printanières
lieux funestes
époque stérile
formidables cellules
de nos jours

 

3

Petite brouette

    Petite brouette progresse,
Animée par un cœur.
Que porte-t-elle ?
Où se rend-elle ?
Qu’importe cela
À la foule ?…

 

    Puisque déjà la petite ralentit,
Puisqu’elle s’arrête subitement :
Puisque le mouvement
En sa chute
À entrainé
La vie.

 

4

Chaise et bougies

Flottent flottent les âmes
au-dessus de l’inerte chaise
bougies dansantes alentour
foule sans nombre sur l’objet
bientôt désormais laissé seul

 

5

Jeune fille. — L’Humanité n’est-elle point semblable à cette jeune fille dans le bois esseulée, à cette conscience environnée de grands arbres, enveloppée par les ombres monstrueuses de son ignorance ; cette âme encore fraîche ignorant ses propres racines, cette silhouette, ce souffle, ce souvenir naissant se tenant là, en sa curieuse verticalité, vacillant dans l’instant : un regard trouble, ivre titubant chaque jour parmi les vertiges de la nature, tout insouciant au-dessus du vide, au-dessus des derniers vestiges, au-dessus du gouffre, de l’avide gueule des jours ?

 

6

Sur la marine. — Des femmes et des hommes, tristes enfants des peuples, se déplacent sur le bord de mer, le visage fouetté par la véhémence des vents, attirés par on ne sait quelle force étrange, par l’élément humide, par la bouillante soupe, hantés par les puissants mugissements des flots, par l’Orgue funeste. On se croirait vraiment en présence d’innombrables crustacés courant, — courant se jeter dans de mortelles eaux, en la funeste écume. Mais qu’est-ce donc qui les meut, et qui les fait vouloir avec fureur tout ce qu’ils veulent ? Dans le sable tourbillonnant, en pleine tempête de vie et de mort, les yeux et les cœurs garnis de sable, les pas aveugles progressent des terres profondes vers le rivage, pareils à des créatures dépourvues de substance, à des spectres hideux, sans âme. — Sur les dunes, bien à l’écart, il faut posséder l’oeil du peintre, si l’on veut saisir l’intensité de la scène, et le cœur du poète, pour sentir son caractère décisif. Car l’impression, l’authentique, ne se laisse humer que par des nez préparés sinon nés pour la tâche, que par d’immenses psychologues : les grands artistes des sentiments humains — ces peintres de marines prodigieux, indispensables, inestimables.

 

 

Photo © iStockphoto.com / arborelza

 

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L’éternel retour

L’éternel retour

10 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

L’éternel retour

Quoi lire, pour quelles raisons ?
Quoi écrire, de quelles manières ?
Siècles de siècles… elles persévèrent,
Toujours, toujours elles se renouvellent —
Toujours, toujours elles se renouvellent,
Les immuables interrogations.

 

2

Hibou hue

Ronde lune
Et loin du monde
Un hibou solitaire

 

3

Le vaisseau

Élément liquide
survint la tempête
le vaisseau sourit
se joue de l’écueil

 

4

Peigner la girafe

Lieux de travail
formidables soupirs
âmes innombrables
peignant la girafe

 

5

Êtres frappés

Altération graduelle
frappés par la maladie
la charpente s’émiette
la colonne se dresse
résistance de la volonté

 

6

Nature des tiges

Nature humaine
dans le sein maternel
des tiges dressées
des tiges rampantes

 

7

L’enjeu

    Éclosion de l’âme,
Coquille scindée ;
Mais derrière l’apparence,
L’enjeu, dans le poème,
Dans la personnalité,
Dans l’écume chaotique,
Au milieu des hommes,
En tout lieu —
L’enjeu réside
Au cœur même
Cœur même de l’harmonie,
Coeur même de l’unité.

 

8

Absence de silence

    Quelle absence de silence !
Quel manque accablant !
Faudra-t-il donc invoquer
Une onde toute supérieure
En vue de les épuiser,
En vue de les affaiblir,
De voir enfin périr
Et le trouble et la source,
L’impur et sa fureur ?

 

    Parce qu’ici, écoutez !
Sans différer convenez-en !
La parole si dépouillée,
La vérité simple,
La belle Nature dévêtue,
Fort abasourdie,
Des claires fontaines
S’éloigne, s’éloigne… —
Des nobles oreilles
S’éloigne peu à peu.

 

9

De la bêtise absolue

« Considère la Bêtise, disait-il, comme une manière de royaume s’accroissant au-delà de toute limite, possédant une étendue se tenant à l’écart de l’intellection, s’étalant sans fin par-delà l’humaine horizon, par-delà la vaniteuse Raison, une sphère indéfinissable, un infini d’un rang autrement supérieur : un Infini Absolu, — plongeant ses racines dans un puits insondable où hurlent les vents de la folie, repoussant perpétuellement des bornes pour ainsi dire physiquement floues, vagues, inexistantes. Il est nécessaire que tu mesures la portée de ces quelques mots et que tu avances peu à peu dans l’ordre de la connaissance afin d’être en mesure, sur l’étrange pente, de t’élever, puis un jour, de t’arrêter et de réaliser la densité de la sentence : « Au-dessus d’Elle, nulle chose n’est à même d’exister ». Mais, compagnon, ne va point cependant songer la figure d’un monstre formant un mal effroyable, t’imaginer une créature destructrice de l’âme ; son existence rend possible, pour ce qui concerne l’esprit de l’homme, et au-dessus du néant, l’émergence, — et davantage, le maintien de cette conscience, son développement, son épanouissement ! C’est ainsi que Bêtise constitue ce démiurge prodigieux, presque impossible à caractériser — une sorte de divinité créatrice d’univers sans égale. »

 

 

Photo © iStockphoto.com / cienpies 

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Vivre

Vivre

8 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Vivre

    VIVRE : quel Verbe !
Et combien y aspirent !
Asséchées,
Combien de lèvres
Languissent de s’y tremper !
Cependant,
Presque aucune,
Semble-t-il,
N’est prête à périr :
Dans les multiples accidents,
Transformations de la conscience,
À sans cesse devenir !
Aussi ne peut-on qu’espérer
Qu’avant la fatale heure
Chaque âme se ressaisisse ;
Aussi voudrait-on pouvoir se dire :
« Non, il ne fut point trop tard :
À l’aube de l’éternelle nuit,
Sans doute eurent-elles saisi,
Saisi leur erreur. »

 

2

Gestation artistique. — Quelle joie d’observer un artiste composer un monde non pas étranger, mais porté durant de longues années au-dedans de lui-même, pareil au vin qui, dans le sein de son fût, lentement, sereinement, respire et mûrit, s’épanouit et devient ; quel ravissement d’assister à l’éclosion d’une pensée où se mêlent clarté et précision, à la parfaite réalisation de la forme comme du fond, entre des doigts maîtres passés en sensation, sentiment et réflexion ; et quelle scène que celle où le verbe semble apparaître, se transmuer et prospérer dans une manière de plénitude, que l’oeuvre érigée sur l’expérience profondément vécue, que l’expression d’un esprit, que la manifestation d’une volonté possédant ses visions, ses desseins, et surtout, ses moyens ! — Ah ! quelle grâce, quel charme ! quelle inspiration, quelle vie prenant forme devant nos yeux ébahis, à l’intérieur de ces productions tant parfaites, en ces mains formidablement sûres de leur valeur, en ces organes si forts — si dignes parmi leur nature éminemment délicate !

 

3

Flâneries d’un cavalier solitaire

Longues flâneries
dans les allées de l’esprit
allées cavalières
chemins bien fleuris

 

Et que l’âme verse
dans la science
ou dans la poésie
toujours y sont rencontrées
les grandes les gracieuses
formidables intuitions

 

Là sous les pas
pas connaisseurs
à l’intérieur des regards
impatients trépignants
se révèle Complexité
se dévoile Beauté

 

Et quand bien même tout ceci
ne serait que vastes fantasmes
quels songes merveilleux
accueillant douces folies
quelle puissance véritablement créatrice

 

ô colonnes de l’intime temple
ô arches vigoureuses
ô portes sublimes
donnant sur l’émotion
de même que dans la signification
deux profonds et hauts royaumes
on ne peut plus considérables
baumes si souvent favorables
accordés à tout homme

 

4

Est-ce possible ! — A : Peut-on posséder à la fois un esprit si rétif, une réflexion si intransigeante, une parole si dépouillée, un style, une existence si tranchante, pour ainsi dire si crue ? — B : Est-il possible qu’un pareil nombre de personnes se cachent à l’intérieur d’une conscience docile à ce point, persévèrent dans une pensée aussi soumise, une salive aussi verbeuse, une posture, une philosophie aussi superficielle, en quelque sorte aussi apprêtée ? Est-il possible qu’au sein d’un essor aussi prodigieux de la connaissance du phénomène humain et du cosmos un tel cauchemar enveloppe autant d’âmes désertées, d’intelligences fragmentées… autant de crânes négligés, abandonnés — désintégrés ? Est-il possible enfin à ce degré tellement élevé et sans verser cependant dans le ridicule le plus profond de se figurer être fondé à dénigrer de cette manière le type même, la caractérisation, les traits — le visage de l’Esprit libre ?!

 

 

Photo © iStockphoto.com / Panacea_Doll 

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