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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Vincent PAYET

Couleurs dogmatiques

11 septembre 2017 par Vincent PAYET

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1. Couleurs dogmatiques.

Ho ! combien ils emmêlent les esprits ; changeant une lueur en divines ténèbres, et nos doutes en bien vagues lumières. Et que notre choeur aimerait à se diviser en deux demi-choeurs ! L’un enflerait des coups justiciers, l’autre contracterait l’amour indéfectible.

 

2. Les tatouages de l’irrévérence.

« Voyez, nous dit l’inconnu, comme ses tatouages se révèlent et s’élargissent ! Sur le crâne insolent, les empreintes : HOMME DE SAVOIR. Sous la voûte des pieds : DIEU EST MORT. La figure des bonobos enlacés vous indique : AMOUR ENTRE LES PEUPLES ; et la racine plongeant dans le terrain : LA SOURCE DE SA MORALE, DE SON EMPATHIE ET DE SA CIVILISATION. Des regards pénètrent ces symboles, et quelques-uns se réveillent en sueur. — Que des tableaux savent à petit bruit allumer des audaces ! et par leurs rayons polychromes évincer les coutumes ! »

 

3. Sottises ordinaires.

Quoique ces braves inondent leur propos de : « vérités absolues », « caractères inébranlables », « desseins intelligents », etc., nous sommes surpris qu’ils n’aient point chercher à établir ces « preuves », mais à grossir leurs préjugés ; se tournant en cet avocat qui « finit par se persuader lui-même », en ce bâtisseur se jouant de la perspective et de ses lois ; rejetant avec faiblesse la démarche scientifique — seule propre à nous rendre ce que nous sommes, à nous édifier entre les sottises ordinaires, à nous constituer si lumineux, si gais et si indépendants.

 

4. Inimitié féconde.

C’est dans nos gènes qu’on découvre la sympathie à l’égard des hommes, et non pas dans les influences merveilleuses : aussi l’abandon de ces hautes chaînes devient-il raisonnable, et même salutaire. Par vos haineux embrassements, votre fréquentation des autres cube les preuves d’un singulier amour. Témoignez encore à vos adversaires vos bonnes oeuvres ; étreignez d’une belle façon les orgueils qui vous compriment et vous souillent, comme Hercule serra le lion de Némée en Argolide. Soyez celui qui a pu dans les anneaux irrités d’un commerce fielleux se joindre hautement aux bassesses publiques ; soyez celle qui dans une grande posture signala comment guérir toutes les entailles et adoucir tous les saignements parmi les peuples. Vous devez l’inimitié, et on vous la doit ; et telle est la nature de ces liens heureux, telle est la forme de ces nœuds utiles, qu’il vous faut non seulement la gratitude quand on vous oppressent, mais encore le venin quand on la réprouve. Ha ! les ennemis persévèrent en l’injuste négation de votre assiduité ; ils bannissent vos fraternels empressements, tous ces fruits de vos méditations, tous ces loyaux présents pour affermir votre assemblée : pardonnez-leur, mordez-les bien, car ils brisent les sentiments les plus féconds, et lacèrent les compagnies les plus durables. Nous le disons, la continuité des cercles repose sur deux mots ; haine chaleureuse envers les farouches, pondération quant aux alliés.

 

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Dévouement funeste

8 septembre 2017 par Vincent PAYET

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1. Dévouement funeste.

Parce que nous sommes unis dans les « vérités » de la science, ils nous regardent comme des ennemis achevés. Eh quoi ! nous sentons le besoin de réconciliation ! nous éprouvons en notre juste biologie le devoir d’unité au sein des peuples, un devoir de cœur sensible et sans haine. Quelque fiel que drape votre science, nous ne laisseront point nos dispositions en un pareil état, nous n’abandonnerons pas nos sentiments dans les graves blessures de la colère. Parmi le feu de vos injures, au centre de vos crachats, nous verserons les eaux tranquilles de notre courageuse affection. Et, sans doute, grièvement calcinés, nous verra-t-on gésir sur le sol, brusques victimes de notre dévouement.

 

 

2. Finesse de touche.

Oh ! l’action et l’effet qui en résultent ! Par quel soin la couleur est posée et le caractère des choses se découvre ! Libre, puissant, assuré : quel pinceau ! quelle couleur ! quelle variété dans la touche ! Et cependant, voyez l’application et dans la fatigue et dans la manière ! En ses multiples ouvrages, où que les pas soient amenés, où que raison ainsi que sentiment, où que le couple repose, c’est la figure de l’artiste excellent qui sans cesse se détache ; et que l’observateur examine toujours le sujet ou qu’il considère la façon personnelle de l’auteur, l’impression revient et revient, identique à soi-même : toute heure en sa marque, toute excursion en ce Jardin, lui envoie mille présents, comme une richesse descendue droit du ciel ; et chaque bribe de travail, et chaque oeuvre bientôt sentie, tout déjà lui donne le ton : ces mots si harmonieusement assemblés, ces idées claires si bien rendues, ce langage, cette saveur où jamais les défauts et les manques ne s’éprouvent, et où déborde sensibilité et esprit. Le jugement s’exalte sans indécision, puis il approche les lumières, les juxtapositions et les douceurs des mélanges ; dans l’heureuse union il goûte le chatoiement des idées et des formes. Le cœur et la volonté impatients, l’humeur agréablement disposée, il n’y va pas, il court vers ces toiles, ces joyaux, ce portrait ignescent… Et qui serait surpris de la nature de ce spectacle : chez l’excellent, notre privilégié veut tout joindre. Au reste ni les forces ni le talent, ni rien à cette complexion ne semblant faillir, notre gourmet tendra peu à peu à l’appeler par ses noms : Homme divin et Exemple fort à l’écart.

 

 

3. Impérissable inimitié.

Nous voulions bien rendre l’inimitié entre les lois physiques et les concepts divins. Pour cela, nous usons d’une toile inconnue, et nous nous effaçons sans rien ajouter, sinon : « Qu’il y a des notions d’elles-mêmes si claires qu’on les obscurcit en les voulant définir à la façon de l’École » (Descartes). Une signature si peu visible dégage notre œuvre ; laquelle forme notre dédicace au Réel et au Savoir. Par le silence, nous ne rabaisserons pas notre Logique.

 

 

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Classé sous :Journal

Cliché sur négatoscope

31 août 2017 par Vincent PAYET

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1. Cliché sur négatoscope.

Radiologues de la psychè, allumez vos négatoscopes ! Premièrement, déroulez la photo satellite de la curieuse boule, et observez la planète ! Les zones les plus lumineuses montrent les grandes villes de l’Occident ; les cités d’ailleurs et de même étendue occupent les endroits les plus sombres : la lueur détermine, non pas la densité de population, mais la richesse — et quelle richesse ! Secondement, d’une manière analogue, disposez sur votre œil l’image de vos sociétés, celle des convictions et des jugements très ordinaires, puis, remarquez la littérature, les maximes, les savoirs, et appréciez combien les individus qui se dandinent sous les feux de la rampe sont les barbouilleurs émus d’une pâle critique, sont les gâte-papier accrus par le goût du jour et le verbeux, sont les faibles bénis par ces doigts et ces têtes gaillardes en pleines vénérations du lustre et du prestige. Ô déplorables humeurs étendues parmi le vide et le non-sens ! Mais la minorité d’écrivains supérieurs, elle, flotte dans les espaces de culture les moins illuminés ! D’où vient un tel phénomène ? Que tout ceci ne vous étonne davantage : les rayons artificiels, l’éclairage kitsch n’a jamais été, au fond, le signe de la délicatesse et du talent ; plutôt celui du superficiel, de l’orgie et de la servilité. Quand on évoque la distinction, le raffinement, les joyaux de l’esprit, les volumes éminemment occupés diffèrent toujours de ceux-là qui de leurs perfides et fallacieux éclats séduisent les nuées… — si riches de faiblesses, si riches de manques, si riches d’ennuis bien terre à terre.

 

 

 

2. Nos faveurs au levant.

Un Soleil rougit les terres, et, s’y exposant, engage ces cœurs sensibles dans ses clartés. Ses mains radieuses avancent, se courbent, et émaillent les têtes de ses attentions, de ses charmes, de ses bienfaits. Si doux sont ces enveloppements, que la poursuite devient naturelle ; les âmes les trouvent peu à peu, et elles les recherchent davantage. À la faveur de son obligeance, elles traînent avec moins de brûlures et d’embarras les misères de leur course : car où qu’elles aillent, une tendre humeur en une même action pousse et apaise leurs foulées. Cette orbe se manifestant aux jeunes complexions, c’est l’éveil de leur aptitude à se renforcer, à se conquérir, à l’amour ; et quoiqu’elle s’ouvre à nos compagnons de voyage dès l’enfance, elle s’endort bientôt chez la plupart. Ceux-ci excluent les rayons et leurs achèvements : et les voilà enrobés de caramel urbain, et nous voici impuissants à convaincre des corps non habiles à percevoir. « Celui qui ne se lève pas avec le soleil ne jouit pas de la journée », disait un Espagnol, mais, soit on l’ignore, ou l’on dispense ses faveurs au couchant plutôt qu’au levant. La Poésie, la Science, la Philosophie, l’Art, ont imprimé leurs affects et leurs grandeurs sur nous, et leurs substances ont infiltré la noirceur de nos chairs ; nous avons assimilé nombre de leurs éclats, notre caractère s’y est laissé conduire et éclore ; et on nous ligoterait en des manières de vie moins dissidentes, moins prononcées — plus inhumaines parce que trop froides, trop communes, trop disjointes de nos aurores ?

 

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Classé sous :Journal

Larves humaines

24 août 2017 par Vincent PAYET

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1. Larves humaines.

L’esprit qui lâche les préceptes dogmatiques, et par qui l’on connaît la désintégration opportune, en qui réside le courage, le soin et la vraie indépendance, anime aussi la bouche qui enseigne la putréfaction des idoles et leur substitue, avec une autorité si supérieure, les éclats du transformisme et de la théorie sélective. Qu’il glorifie le Hasard, ou qu’il dénude le Miracle, qu’il dévoile les Misères infinies, ou qu’il fustige la Bonté suprême et consent la terrible variété de ses Rudesses, il peint aux faces inquiètes leur propre langueur et leur déchéance. Il suspend à leur yeux, d’un côté la perceptible forme embryonnaire, de l’autre la tangible métamorphose ; il confond, par le renversement des pâles enclos thaumaturgiques, la bête insignifiante et la créature singulière ; il trace enfin, dans les âmes possédées, tout ensemble les lignes froides de la Nature et les boucles de sensibilité humaine : il leur montre que là où les tribuns savent épandre les artifices et enjoliver la voie, dans ces délicatesses du style mais ces petitesses du fond, les humbles vérités, pareilles à de généreuses flammes, en silence se préparent, dans la visite des sphères, à dévorer les doutes, les affres et les brumes dernières.

 

2. Le grand schisme.

Encore ils tentent de montrer ce bien curieux schisme, cette impérissable brisure entre l’esprit et la chair ; ils se sont faits les champions très résolus d’une singulière croisade, et la pensent quasi éternelle. Que ne lisent-ils ? Que n’entendent-ils les dernières nouvelles ? La science a conclu : « Freinez cette vaine agitation, leur dit-elle : les deux choses, autrefois disjointes en pensée, n’existent que par l’unique élément, s’originent en une seule et même matière. »

 

3. Potentiel de développement.

L’affirmation est spécifique, robuste, elle se soustrait à la couronne du hasard : autour de la connaissance, les natures aériennes se voient orbiter dans un flux dont l’ardeur varie exactement en raison inverse du carré de la distance au réel, et en raison directe des carrés de l’aptitude pour la métamorphose.

 

4. Temps de latence.

Les hommes examinèrent la preuve, mais ils ne croient que ce qu’ils « entendent ». Et comme le son se propage plus timidement que la lumière, des siècles de siècles languirons encore et encore que ses effets soient « reconnus ».

 

5. Histoire et Indétermination.

Vous voulez découvrir une minuscule région d’un temps ancien ; vous appliquez vos efforts sur un génie qui s’y meut. Mais cet endroit se dérobe à vos attentions, en une fugue chronique : plus vous aller, plus cet individu, plus ses liens avec les objets et lui-même vous glissent des doigts. Un principe d’indétermination élève une sorte de barrage entre nos conjectures et nos expériences ; — toute vie modèle repose sur une Histoire bien coquine.

 

6. Signatures et apparences.

Saurait-on affermir nos sens, où les recherches sont arrêtées ? saurait-on élever nos représentations, où les fêtes de l’esprit sont méconnues ? saurait-on illuminer les aveugles, où tout le monde se hâte vers l’incohérence ? saurait-on extraire les prisonniers des cellules, où le goût des liens surpasse celui de l’autonomie ? saurait-on unir les hommes en un copieux savoir, où l’on n’engloutit que les adiposités de la fable ? saurait-on enfin accueillir les empreintes du réel, deviner signatures et fumées, et ne pas laisser couvrir les objets d’illusions, où l’on affaiblit ses oreilles, où l’on trahit les jugements de sa vue, où tant de superfluité et de couardise se dégorgent sur l’ensemble des phénomènes ?

 

7. La vielle graine.

Ni l’actualité, ni la preuve, ni la modestie, ni le charme d’un concours au progrès de la science ou le simple bienfait d’une lumière sans vices, je veux dire ces souffles de l’altitude inodorants, ces rayons immortels, ces pluies bienfaisantes et délicieuses, qui d’ordinaire, excitant les joies aussi bien que les pensées, en font croître de divines, étaient donc impropres à dresser une graine de croyances si archaïque loin de la trahison et de la boue, en l’engageant à émettre dans la culture des racines glorieuses ; et les lacunes en ces croissances renouvelées, et les pleutreries en ces éveils misérables, et les tares en ces lugubres poussées, que la teneur rendait si inhabiles aux gracieux développements, faisaient s’éloigner d’elle les natures les plus braves, les plus hautes et les plus aimantes.

 

8. Trait impatient.

Elle surprend colonnes et chevrons, et balaye les édifices ; encore son trait perd patience, toujours sa cure veut châtier. Ho ! la voici qui accourt ; elle éventre la nue, sa rage tombe, et le dôme s’étoile joliment, et le cerveau zébré s’illumine par bonheur. Pour éclaircir les grottes, pour exorciser les fables, pour rendre aux jeunes téméraires leur bravoure et leur génie, et déchirer leur stupeur, seule la foudre altière, seule une main chirurgienne, seule une médecine brutale doit jaillir dans les corps, et si fermement toucher.

 

9. Lutte inégale.

Nul homme raisonnable, sachant les règles, n’imagine qu’un combat entre science et religion est équilibré, encore moins que celle-ci prédomine. D’où l’on ne saurait concevoir que, l’erreur admise, une rude médecine appliquée, et toute influence de peur, de culpabilité et de mort vaincue, elle courbe son ennemi plus circonspect et moins vaniteux, ni donne la dernière main à sa conquête des esprits. Car dans cette lutte inégale, un objet déterminant est la lourde probabilité, et non l’infime, et non l’absurde contingence.

 

10. Graduation.

C’est par les graduations de ses vérités propres que toute conscience rejoint son idéal. Posons nos regards sur ces chemins de vie, considérons les fortunes célèbres par la grandeur ; ne constaterons-nous point les marques de leur élévation ? Ne croirons-nous point que les initiatives et l’audace y provoquent l’affermissement de leur exceptionnalité ?

 

11. Résurrection inabordable.

Dans ces vues, non seulement la raison s’abêtit et s’efface, mais sa « résurrection » excède le hasard, devenant folie, devenant fantôme de l’esprit.

 

12. Ce qui doit être.

Nombreuses sont les personnalités qui se satisfont de ce qui est, rares s’élevant à ce qui doit être. Ô potentiel ! ô développement ! ô répartition désastreuse ! En ces convictions faibles et dégénérées, celui qui se cherche n’a d’autre alternative que le refuge dans les arts et la science, sinon au-delà des catégories même, en l’altitude de ses embarras, de ses invincibles rigueurs, de ses secourables tourments. À l’abri des structures humaines basses et contiguës, dans les volumes de beautés où l’air se dilate avec aisance, sa nature sait advenir, et elle se le promet. L’artiste s’y aide soi-même, sans relâche ; il s’y maintient et s’y accroît, jusques à l’épreuve : aimer les autres, et souffrir leur condition — cet état, juste ciel ! si peu en dehors du séjour où ils entendent culminer.

 

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Classé sous :Journal

La matrice divine

18 juillet 2017 par Vincent PAYET

1. La matrice divine.

    Dilatez en votre esprit les preuves de l’incertitude : affermissez le doute et, sapez les barrières de la conviction, pour la saine conviction, qui ne donne point de limites à l’« inconnaissance » fondamentale. Celle-ci connaît la souplesse, la puissance, l’irréductible  ; elle veut s’offrir une étendue infinie, et qui s’oppose tant soit peu à son domaine écorche sa souveraineté.

    Débordez de l’entrave ou contenez-vous strictement. Célébrez votre permis, et inhumez-vous ! ou bien croyez en la Nature, — croyez en les dimensions muettes et éternelles de la matrice divine.

    Rejoignez les prudents, dans l’exclusion de toute doctrine. Lorsque vous arbitrerez les querelles adjacentes, vous direz à l’un : « Vous n’avez point tort » ; à l’autre : « Vos reproches sont fondés ». Et quand un témoin se plaindra que vos paroles taisent le paradoxe, vous lui saurez rétorquer : « Vous également, cher ami, avez découvert le vrai ».

 

 

 

2. Riantes doctrines.

     En plein désordre, dans le songe de travaux guerriers, les maîtres recourent à leurs funestes armes ; sangliers brutaux, loups mortifères, algides serpents : museaux, griffes, venins hurlent, projetés sur les rivales.

  Mais lorsque, le ciel rembruni, un surcroît d’alarmes fulgure, les mortels esclaves se retournent contre leurs dompteurs, telles des puissances irritées, en un terrible réveil.

   L’écume s’enfle, la rage éclate, le rouge se déverse ; les chairs se dénudent et s’éparpillent, les crânes se creusent sous les multiples piétinements ; les démons pilonnent de tous côtés ; — et les hauts et athlétiques seigneurs tressaillent, et ils s’efforcent en vain à la fuite.

   Les orgueils se figurèrent domestiquer les créatures ; ces énergies sépulcrales, invoquées lors d’une imprudence unique, crûrent, et se rebellèrent.

  Ainsi parmi la bataille contre les inquiétudes humaines, ces monstres illusoires, — la maîtrise des confessions providentielles, ces préceptes tant gouvernables qu’inoffensifs pour leurs hôtes…

 

 

 

3. Cuirasser ses membres.

    Tu devras cuirasser tes membres, jeune poétesse, si tu désires jamais te tenir droit et t’élever vigoureusement. Dès l’aube, apprends donc l’amour des travaux champêtres. Par tes soins vers cette culture délicate, ton nez devinera sans doute la pudique éclosion des rieuses variétés, et ta bouche les mollesses des fruits même les plus sauvages, rehaussant ta peinture morale avec de beaux vergers.

 

 

 

4. La face de la Nature.

    Ô natures incommodes, écoutez, et apprenez de la Nature que vous ne devez posséder d’yeux que pour admirer et faire admirer Madame, de souffle que pour inspirer la Nature, de palais que pour savourer ses largesses, de force que pour faire admettre ses lois ; et enfin que le jour ne vous a été accordé que pour le sentir, l’apprécier, l’exhausser, et pour le rendre humblement à la Nature.

  Mais qu’entends-je ? Qu’est-ce-ci ? Des tertres montent vers le ciel les mêmes empressements : « Secourez-nous, Très-Haut, Grand Être, Éternel ! » ?

    Ho ! avec quelle peine nous les voyons ajouter au malheur de leur condition celui de ne point reconnaître leur Mère, celui de toujours se tromper… de face !

 

 

 

5. Miracle et causalité.

    Le miracle est-il probable ? Entre un objet, un être, un phénomène, et le prodige, dans cet intervalle d’énigmes, une causalité se masque-t-elle ? Le nœud du problème ne se desserre point, de certitude, ailleurs. Mais on persifle la méthode scientifique ; on la connaît, on la sabote. Or que craignent-ils, puisqu’elle ne sait dissiper que les faux mystères ?…

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Lettre I

6 juillet 2017 par Vincent PAYET

1

Lettre I. — Monsieur, La pensée de nos conversations futures me réjouit… Puissiez-vous toujours, dans le calme, façonner votre propre conscience avec les matériaux de l’intime, faire éclore cette fleur par-delà le vulgaire, en présence de vous-même, et poursuivre sans faiblir l’éternelle quête de la justesse. Que vos longs membres fraient la voie nouvelle, et y conduisent une flamme pétillante, afin que nous ne trébuchions pas, nous autres faces craintives, grêles et défectueuses qui dans nos ténèbres nous enivrons de votre parfum. Avec mon estime. P.

 

 

2

Le réel grignoté. — Marchant de-ci, de-là, une âme poétique trouve des immeubles chiffonnés, des jardins bosselés, des figures vagabondes. Partout, ces formes, si claires pour les autres, la tirent dans le vague : couleurs, matériels, durées, l’agitation grignote les contours, effacent les structures ; en pleines vapeurs, en les paysages abstraits, loin des définitions humaines, seule jaillit la turbulence continue, la granularité versicolore, l’écume serpentine. Notre psychè glisse vers les remous du monde ; et quel tempo, quels effets, quel étonnement se joint à l’étrange secousse !

 

 

3

Étonnement philosophique. — Celles-là nous surprennent, qui ne voient en lui qu’inconséquence sur inconséquence ; mais, quelle main experte guident ces créatures bien folles dans les contraires, les paradoxes, les caprices de la raison ? Que perçoivent-elles en cette monumentale figure, ces pies jacassières et sans étonnement ? À leurs yeux, quels traits, quels reliefs, quelles significations se dégagent de sa bohème mais lucide nature ?

 

 

 

 

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Le volume des possibles

28 juin 2017 par Vincent PAYET

1

Le volume des possibles. — Ce volume que compose l’ensemble des formes atteignables, j’entends ce nuage abstrait constitué des figures que peut s’approprier l’esprit, qui le conçoit ? le pressent ? l’effleure ? Quelles natures en retirent les formidables conséquences ? et en éprouvent la frustration, voire le vertige ? Car la question se hâte, onde paradoxale, songe, écho invincible ; au travers des époques, elle a constamment résonner sous la voûte des crânes : « Pourquoi, dans la diffuse nuit, en l’immensité de glace, voudrais-je émerger, perdurer et bruire une heure sous cette forme-ci plutôt que sous cette forme-là ? »

 

 

2

L’honnêteté des escrocs. — Chacun devrait posséder l’art de l’hypocrisie. Car dans ce monde où les langues, les becs, les aiguillons abusent l’autre, ceux qui sentent le besoin d’honnêteté, ceux que la généreuse physiologie conseille, passent immanquablement pour les derniers des escrocs.

 

 

 

 

 

 

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