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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Vincent PAYET

Les introspectifs

Les introspectifs

10 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Les introspectifs.

Je ne sais quoi, dans les profondeurs de la vie intérieure, dans le cours impétueux de l’âme, les oppresse, leur ôte la respiration, les secoue, anime les statues de l’intime, enflamme l’inanimé… Qu’est-ce donc qui les engage alors tous si vivement, ces diaristes, ces essayistes, ces poètes, ces philosophes, ces créatures aventureuses, ces explorateurs des cœurs, ces introspectifs de leur nature, à saisir brusquement le verbe, à vouloir former l’indicible, à tenter l’improbable expérience, — celle de produire avec le secours de leurs intimes matériaux leur œuvre propre ? C’est qu’un étrange phénomène a lieu, qui consiste en se sentir dans une manière d’impérieuse nécessité de faire naître le chaos d’émotions, de sentiments, d’imaginaire… de produire ce monde d’ébullition intérieure… d’être en mesure de voir ce dernier, de le palper, de le ressentir dehors soi, — afin de le mieux saisir au milieu de ses multiples facettes, cet objet logeant dans toute sa complexité, en sa pleine irrégularité, — afin de mieux l’observer, de mieux l’éclairer, cet « autre » tout à fait à part se trouvant dans l’exceptionnelle circonstance. Je dis : Cet « autre », et j’entends par là ce « soi-ci » éclairé, en face de ce « soi-là » se découvrant lui-même ; celui-là offrant ses aspects à sa propre vision, à l’oeil de celui-ci — cet objet vivant semblant également plonger ses regards dans l’esprit du sujet conscient… cette structure remarquable restant là, comme attentive… comme une nouvelle-née posée devant soi, installée dans sa surprenante unité.

 

2. Destinée d’une belle âme.

L’esprit d’un homme abrite continuellement un affrontement terrible. Dès sa naissance, une lutte des plus âpres s’opère entre la contraction et l’expansion, c’est-à-dire l’appel du néant et le désir de durer. Devant ce spectacle si ordinaire et pourtant si singulier, la question de l’observateur quant à savoir si les forces de la Décadence enseveliront définitivement celles de la Vie est toute légitime, car à cette réponse s’accroche la destinée de chaque âme. Il existe donc deux évolutions qui peuvent être : la conscience embrasse graduellement de nouveaux savoirs, se complexifie, s’intensifie, et rayonne, ou bien elle se ratatine, se recroqueville tel un enfant malade, et peu à peu emporte son propre souvenir dans les espaces glaciaux et inertes, en la froideur — en l’obscure nuit du dernier silence…

 

Photo © iStockphoto.com / agsandrew

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L’art de modeler

L’art de modeler

9 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

1. L’art de modeler.

Jeunes esprits, matières malléables ! quelles sont donc ces formes que vous vous êtes choisies ? Substances indécises, masses informes ! quelle est cette destinée par vos mains pétrie ? Les enfants, il vous faut apprendre l’art de modeler : est-il possible, qu’à cette heure si grave et si propice, vous l’ignoriez ? De même que le corps se transforme par l’exercice, de même la conscience s’embellit par l’éducation — voici l’évidence ! Oui, jeunes gens ouvrez !… Ouvrez les yeux, et voyez ! Voyez enfin comme par des degrés presque imperceptibles l’eau creuse les terres, comme les doigts insensiblement vous modèlent… Ô fils de la Terre, puissances ensommeillées, beautés dans les ténèbres, que ne préférez-vous d’autres conceptions, d’autres occupations, d’autres actes ? ne vous dirigez-vous vers les grandes figures ? et ne montez-vous sur les épaules de ces personnages marquants, de vos guides… des illustres maîtres de l’histoire ?

 

2. Les puissances bâtisseuses.

Oh ! l’homme fou, le créateur ! Qui respecte, non pas les êtres, mais les oeuvres ; non pas toute activité, mais l’énergie, le sens, la valeur artistiques — les instincts, les seigneurs, les Puissances bâtisseuses. Qui tente, par un travail acharné, de parvenir à la perfection dans son ouvrage ; éprouve toutes sortes de moyens et de routes ; — qui même s’enivre de cette expérience, de cette pure démence… de l’impossible !

 

Photo © iStockphoto.com / Alvina_Denisenko

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Excès de paroles

Excès de paroles

8 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

Que ne s’arrêtent-ils un instant afin de reprendre leur souffle ? Que ne peuvent-ils s’abstenir d’inonder les villes, de répandre le trouble, de prodiguer leur boue ? Que l’on examine les journaux, les télés, les livres, et que l’on constate ! Trop de mots sont utilisés. La langue humaine inonde le monde de paroles non pensées, de verbes incompris, d’entités malmenées ; le manque, hélas ! réside dans l’excès d’une substance rarement connue, encore moins maîtrisée ! Fréquemment, dans l’intention de ne pas laisser paraître — bien souvent sans qu’elle s’en rende compte — son incompréhension des phénomènes la cervelle brouillée use des termes les plus compliqués, s’imaginant qu’en passant par là elle approche ceux-ci ; mais, en vérité, c’est un éloignement croissant qu’elle gagne sans arrêt. Voir dans l’océan de la complexité les archipels, les îlots de simplicité, et être en mesure de les exprimer, voilà les éléments ordinairement absents. C’est ainsi que le vocabulaire freine davantage la réflexion qu’elle ne la stimule, perd davantage l’esprit qu’elle ne le soutient ; ainsi, qu’au sein des esprits divagants le réel est embrumé, au lieu d’être éclairci. Ah ! combien, dans l’état actuel des choses, l’individu saisit et sent peu ! et combien il ne semble point se résoudre à cesser ses persistants et exaspérants commentaires ! — alors même qu’il devrait, tout au contraire, réunir temps et forces en vue de comprendre et éprouver autrement, puis partir au plus vite à la recherche de ces mots rares et précieux confondant en eux les propriétés foncières, l’exactitude et la plénitude de ses expériences vécues… Devant ce panorama de l’esprit moderne, devant ce parfait désordre relativement clair, il semble permis d’énoncer la remarque suivante. La recherche des composants primordiaux des choses, des interprétations, des représentations intérieures… la quête des lois fondamentales, des vérités, de la simplicité, dans les têtes et au dehors… la volonté et le goût de la sensation pure, de l’idée intègre et de leur juste traduction dans le royaume de la forme, des lettres, du langage, ensemble sont autant de paramètres nécessaires à l’épanouissement scientifique, artistique, littéraire… — autant de conditions indispensables à l’appréhension, à la transmission et au développement harmonieux de cette singulière expérience que constitue au fond toute existence.

 

Photo © iStockphoto.com / olegganko

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Le pinceau et la lyre

Le pinceau et la lyre

7 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

Voilà l’être sans âge qui de nouveau apparaît. Il vient du fond des siècles, des lointaines mers ; le regard hissé bien haut, il se moque de l’indifférence des peuples, brave sur leur propre territoire la puissance des millénaires — défie la flèche du temps en combat singulier. Qu’on l’observe, qu’on l’admire, qu’on l’acclame ! le poète ! l’homme puisant dans sa connaissance du monde ses couleurs irréelles, ses configurations géométriques régulières, ses indicibles vérités — cet ensemble qui, mêlé à la parfaite maîtrise du verbe, constitue graduellement son crayon, sa palette, son pinceau… le matériel d’un peintre se rendant gaiement, à toute heure, en tout lieu, à son atelier. Qu’on honore le sage-enfant ! qui, tel le nourrisson saisissant dans la ténacité le sein de sa mère, n’aspire à rien, rien qu’à boire le réel, à savourer la sève et à alimenter la vie. Oui, brûlez l’encens, brûlez ! Brûlez car c’est à cet être étrange que la tâche a été confiée : celle de sentir, ainsi que le peintre de talent, ce qu’il doit rendre ; ce qui crie pour être exprimé en dehors de soi et en soi-même — les motifs exquis de la nature si silencieuse et si hurlante. Afin que dans le futur, c’est-à-dire à présent, cette mission délicate, périlleuse, inhumaine se pût convenablement faire, certaines conditions sans nul doute furent nécessaires : l’artiste de nature devait déjà posséder le sens des nuances, du beau, du réel ; il fallut qu’il désirât la vérité, la recherchât ardemment, la révélât quoi qu’il en coûte ; son cœur enfin n’avait le choix, celui-ci dût abriter la faculté d’apprécier d’une manière intuitive et immédiate les choses « ordinaires » qui l’entouraient, de porter en soi une manière de sens inné des phénomènes… de galoper en pleine sérénité sur ce rayon secret, qui relie tout sujet sentant aux objets infimes, lui permettant d’éprouver et de vibrer près des événements, lui autorisant l’expérience de ces choses en leur rythmique la plus intime. — Ah ! qu’il est heureux que l’essence de cet homme soit ainsi faite ! Tout bien considéré, le pinceau et la lyre résident en des situations presque identiques. Car au milieu des fragments, des masses, des contours… au sein de la multitudes de tons, de senteurs, de saveurs… devant tant d’éléments inconnus, enivrants… dans une sorte d’obscurité, en un fonds d’une richesse inouïe, tous deux tâtonnent en vue de perceptions inédites, d’impressions d’une fraîcheur continuellement renouvelée, de prodigieuses variétés — en quête d’improbables puretés, de trésors cachés, de réalités dépouillées de leur saleté. — Car c’est tenir et l’infini, et le particulier, rassembler dans la paume de leur main et l’éphémère et l’éternel, c’est dans la voie du sens esthétique que leur favorable personnalité entend sans relâche s’immerger. C’est dans l’oeuvre d’art, que leur âme nourrie d’un feu inextinguible, hier, aujourd’hui et à l’avenir à faim et soif de se déverser…

 

Photo © iStockphoto.com / suricoma

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De la faiblesse de l’impression

De la faiblesse de l’impression

6 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

Des personnages s’agitent continuellement sur la grande scène : ils veulent nous montrer quelque chose ! « Approchez, camarades ! nous lancent-ils, et voyez ! Là, devant nous, la verte prairie, la paisible vallée, la mer étoilée…, nous offrent leurs nuances, leurs substances… la vigueur de leur véracité, le puissant concret… la belle impression… » À l’intérieur de leurs constructions mentales, au sein de leurs images, en leur domaine ils convoitent de nous instruire ; « le monde », un désir immodéré de nous l’offrir leur inonde la bouche de salive !… — Mais que ce présent tant estimé présente des contours flous, et, surtout, quelle grossièreté dans ses traits ! Car c’est un endroit qu’eux-mêmes ne se sont pas fait la peine de véritablement voir, un paysage dont ils ont méprisé le temps nécessaire pour bien percevoir : une demeure, un îlot, un océan, un univers tout à fait inconnu et inhabité qu’ils prétendent avec nous partager ! Ah ! que s’imaginent-ils donc ?! Oh ! Oh ! qu’irions-nous faire, nous, en pareil lieu, pauvre de sensations et de sensibilité, oublié du corps et de l’esprit, déserté ?! Comment enfin une toile aussi faible, un travail hâtif à ce point, un fruit d’une si médiocre qualité pourrait-il satisfaire nos sens, enflammer notre goût… combler notre cœur ?

 

Photo © iStockphoto.com / Ann_Mei

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La nuit étoilée

La nuit étoilée

5 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

1

La nuit étoilée

Cesseras-tu jamais de remuer cette tête en tous sens, curieuse créature ?! Et apprendras-tu, non pas à regarder, cela ton œil sait le faire, mais à voir ? En ta conscience, et à la fin de ta course effrénée, t’arrêteras-tu sur une meilleure perception des éléments qui t’environnent : te résoudras-tu de fuir les obscures zones de tes globes ?! discerneras-tu enfin par la fenêtre de ton esprit, de la nuit étoilée les formes les plus pures ? Car c’est ainsi que tes oreilles internes sauront entendre la musique des lignes, des surfaces, des courbures…, des formes, des figures, des objets…, sauront percevoir les lois de la nature, la nature des choses, l’harmonie des propriétés cachées — ainsi que le monde t’apparaîtra soudain tel qu’il est. Et ne te méprends pas, je te prie, il ne s’agit pas d’un coup porté à la valeur de tes sens, mais d’une mise en relief du caractère essentiel de ceci : d’abord, sentir des organes la profonde défaillance, puis, par les vigoureux bras de l’entendement les secourir… — Comme jadis Lucrèce, Einstein, Heisenberg te l’ont montré, que ne recherches-tu l’essence, les principes, les secrets du réel — la vérité encastrée dans le puissant mouvement de l’illusion… le diamant emprisonné dans sa gangue ?

 

2

De la valeur des productions

Ce qui devrait importer davantage ?
La puissance évocatrice du Verbe :
La vie repliée, tapie dans le terme,
La tension, les mondes latents,
Les potentialités dormantes
Ainsi que la prodigieuse capacité de connexion.
Sans nul doute la véracité est-elle d’une valeur moindre, —
Puisque tout mot comme toute intelligence sont d’illustres menteurs, —
Que la sensation, l’émotion, le sentiment ;
Que la communication de ce magma de l’intime,
De cette matière d’un cœur bouillonnant de vie,
D’un organe en pleine rage d’exister. —
Le propos n’acquiert donc sa valeur, ressentons-le bien,
Non pas dans les preuves scientifiques,
Mais dans l’épreuve d’exaltation des affects,
Dans la qualité des réalités abstraites produites et partagées :
Dans son influence sur le corps, le cœur, l’imaginaire
Du couple changeant et tournoyant —
Ce duo dans la constance…
Créateur-observateur.

 

Photo © iStockphoto.com / olegkalina

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Chez Soi

Chez Soi

4 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Chez Soi.

À table, au milieu du vacarme d’une soirée ordinaire, elle se sent en sécurité, paisible — comme chez elle. Devant la caméra, à l’intérieur d’une pièce grouillante, il évolue en sa sphère, à l’abri — à l’écart. La première éprouve la musique emplissant son esprit, les délicats murmures ; et peu à peu ses mains s’animent : elle est emportée vers le doux tourbillon, dans la danse de son instrument, pour ainsi dire ravie du chant du Piano. Le second perçoit les lignes, les cases, les pièces, le champ de bataille se mouvant devant ses yeux, et, sur cet Échiquier vivant, sans trembler son bras vole, ordonne, dispose : le général se tient toujours prêt, menant ses belles troupes dans la continuité. — À toute heure, en tout lieu, les intelligences supérieures sont chez elles. Car c’est en elles-mêmes qu’elles portent le monde, en elles-mêmes qu’elles honorent leur propre chaleur, leur propre vigueur, leur propre foyer… en elles-mêmes qu’elles abritent leur vérité, leur art — leur soi.

 

2. De la clarté de l’image.

Un problème d’importance se déverse dans le champ d’une conscience, occupant un volume croissant de régions mentales. Celle-ci, submergée, se débat comme un beau diable, cherche à s’opposer aux volontés des flots, à surmonter d’au moins quinze coudées les plus hautes crêtes de l’entité démontée. Mais fréquemment elle échoue, par manque de patience. C’est que, dans sa précipitation, elle empêche la formation même de la pleine étendue de la question, et que, ce faisant, elle entrave également la clarification de cette dernière. — Il semble appartenir au fait qu’il soit souvent nécessaire de permettre à l’esprit son immersion complète dans les eaux troubles de l’Interrogation, puis d’exciter l’attente, dans une manière d’inconfortable apnée, si l’on souhaite jamais être en mesure d’émerger et d’embrasser une vision calme et claire de cet imposant et essentiel objet.

 

Photo © iStockphoto.com / vsmayafoto

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