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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Vincent PAYET

Sur la cime des bûchers

Sur la cime des bûchers

2 décembre 2016 par Vincent PAYET

 

— A : Je me dois de te confier, mon ami, qu’à la vue de tant de souffrances, de malheurs, de misères, mon monde intérieur se sent comme pris de fièvre et de vomissements ; que les images désolantes de ces terres et de ces âmes déprimées, que ces objets, ainsi formés, à toute heure, en tout lieu ne cessent par leurs assiduités de m’excéder ; et que, tombé à demi pâmé entre les langues des mêmes flammes m’ayant saisi par derrière, sur la cime de ces intimes bûchers, en la brulante agitation je trésaille de crainte, je désespère de tout, je m’étiole. La grande Coupe de la Tristesse ne cesse de s’emplir, je le sens ; ce sentiment est puissant — la substance me brûle le palais, la gorge, l’estomac, le crâne ! — ; ample est l’incendie, à ce point qu’il me semble que mes lèvres fugitives constituent la principale destination de la mauvaise destinée. Funestement, ma volonté, pour ainsi dire presque séduite, hésite, rechigne ; ses frêles jambes veulent se détourner — mais la voilà qui se fait piéger, agonisant nuit et jour dans les filets du plus amer baiser. — B : Le Clair et le Sombre, le Rugueux et la Douceur, l’Heureux et le Néfaste toujours ont habité les humaines contrées, toujours ont peuplé les expériences millénaires, tu ne saurais l’ignorer. Appréhender, éprouver, et cependant, dans la constance se fortifier l’âme, est-il tâche supérieure accordée à toute créature sentante et pensante ? Ne sont-ce point là précisément l’épreuve, le chemin et le but en un seul lieu assemblés ? En outre, il est nécessaire de continuellement chercher à voir et entendre le monde à travers ses organes propres ; ce faisant, sans doute à notre cœur l’état actuel des choses ne paraîtrait-il pas tel qu’il est aujourd’hui en face de toi… — et pour quelle raison devrions-nous vivre par procuration, nous entretenir parmi les chimères d’autrui, durer en une augmentation graduelle de l’éloignement de nous-mêmes ? Par quelle déraison tolérer qu’il soit demandé à notre conscience de se satisfaire d’une impression de phénomènes falsifiée, autre, dénaturée ? Et pourquoi ne nous efforcerions-nous point vers un esprit maintenu dans sa tranquillité, au beau milieu de la fortune adverse ? « Nous tenons toutes tes affirmations pour les pensées les plus claires, pour des pierres fort précieuses… », s’écrie chacun dans l’heure et par-devers soi ; mais demain, déjà, pour ne point paraître un étranger aux yeux du groupe, pour assouvir cette forme de mentalité grégaire fomentant les troubles dans les seins, on s’éloigne du lien authentique existant entre l’homme et les choses, et souvent pour jamais.

 

Photo © iStockphoto.com / Zffoto 

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Paires d’yeux

Paires d’yeux

1 décembre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Paires d’yeux.

Dans leur modeste retraite, sur de hautes collines boisées, ces bêtes étranges se protègent des pensées dominantes, de l’environnement délétère, de l’atmosphère suffocante. Aussi se les figure-t-on tout à fait à l’écart des réalités humaines, voire du réel ! Toutefois, combien on ne saurait davantage s’écarter de la vérité ! Que certaines visions déploient de si amples ailes au-dessus de si profonds champs, qu’il faille, et à bon droit, se représenter leurs éminents propriétaires comme dotés, non pas d’une seule paire d’yeux ordinaires, mais d’une bonne dizaine extraordinaires (extra ordinarius) est une évidence éclatante… Et cependant, comme cette dernière reste ignorée ! En outre, ces esprits sauteurs et sophistiqués, ces consciences solitaires merveilleusement ailées non seulement éprouvent la texture du monde, mais ressentent même ses vibrations, par la puissance des antennes de leur perception. Hélas !…     « Que vient-il encore nous conter là ? » serine soir et matin, sans fin face à la voix du joyeux sauteur, la foultitude de malheureux automates, en une manière de fort connu et bien funeste choeur…

 

2. Éclosions lumineuses.

Dès lors que les grands esprits s’éteignent, leurs semences vont pourvoir de nourriture les nouveaux cœurs incandescents. La lumière des étoiles qui éclosent prend pour aliment l’obscurité relative, de même que la vie la mort.

 

Photo © iStockphoto.com / zabgoe2525

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Du style laconique

Du style laconique

30 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Du style laconique.

Cet homme ne porte attention qu’aux personnalités passées maîtres dans le genre de l’aphorisme, dans cet art de s’égarer et de tromper d’une belle manière. Toute pensée humaine étant, dans l’absolu, bien contagieuse et fausse d’autant, il choisit ceux qui lui feront le moins perdre son temps. Il sélectionne ces bouches sachant qu’elles se trompent et s’exprimant en conséquence par la forme la plus adaptée : sur le chemin du bref, que par pointes — dans la voie du laconique. Il ne s’entretient qu’avec ces créatures heureusement élevées, qui honorent constamment la belle valeur, celle du majestueux silence. Oui nous pouvons l’affirmer, sans risquer en l’erreur de tomber : l’estomac de notre ami tolère exclusivement les salives honnêtes — les matières de ces organes dignes… les productions de Substances grises versées en concision lacédémonienne…

 

2. Soie dévoreuse.

Les humains, telles de petites araignées toutes besogneuses et affairées, inlassablement tissent leur toile. Ils y attrapent toutes sortes de choses : des croyances, des préjugés, des représentations, des interprétations…, par dizaines, par milliers — la plupart affreusement fausses. Mais comment pourrait-on les blâmer ? puisque tout ceci participe de la nature du besoin, de l’instinct, tient de leurs nourritures spirituelles « nécessaires » ?… — Et voilà comment, par la force de l’habitude, en cette soie si « vitale » les pauvres âmes finissent par s’emmêler elles-mêmes : dans la gueule des enchevêtrements de fils pernicieux, à l’intérieur d’un piège d’acier, en ce fatal tombeau se rétractant insensiblement — en ce « Soi » cruellement devenu… Grand Dévoreur !

 

Photo © iStockphoto.com / lolloj

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Du Palissage et de l’Émondage ou l’Art de la taille

Du Palissage et de l’Émondage ou l’Art de la taille

29 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

Les ruminations, l’humeur, les instincts, le caractère forment cette végétation abondante et confuse se développant dans le champ entremêlé des cerveaux. C’est cette flore dense et prodigue qui est généralement laissée sans culture, à l’état de nature, de folle chevelure en désordre, chaotique — de broussailles ; c’est elle, que l’on abandonne à l’évolution spontanée, à l’aléa, aux fluctuations bien souvent malheureuses, à son triste sort. Mais tout individu est en mesure de monter à l’échelle et de palisser ses arbres fruitiers. Il est même tout à fait nécessaire que chacun effectue constamment la taille de ses végétaux intimes en considération de les amender et de favoriser la belle fructification. Cependant, manier d’une façon habile et heureuse les instruments de taille dans l’intention d’une mise en oeuvre efficace, d’un résultat élégant et vivifiant, d’une production délicate est une action réservée à ces horticulteurs raffinés gravissant les degrés supérieurs, aux artistes affrontant le vertige, recherchant son ivresse — aux créatures des hauteurs. Assurément cette dernière opération ressortit à l’art, car ce qui est visé n’est rien d’autre que la formation, le renforcement — au sein d’une voie harmonieuse — de l’équilibre, de l’existence même, de la croissance de chaque élément comme de l’ensemble. Donner une direction complètement rectiligne et ascendante à ses pêchers, pratiquer le palissage et la taille rigoureuse de ses pulsions et de ses passions, qui donc, au beau milieu de cette entreprise si délicate et si essentielle, armé de son audacieux sécateur, de son honorable serpe et de son égoïne scie, convoite de s’élever à présent : qui, en pleine ardeur, désire encore croître en la distinction ? En somme, quelles volontés, et quelque effort que cela exige, tout au long de leur courte existence, vers les trajectoires, les espaces, vers les clartés les plus radieuses et les plus généreuses osent s’élancer ? — Davantage : quelles sont ces grandes arborescences tâchant, en altitude… de toujours se maintenir ?

 

Photo © iStockphoto.com / hchjjl

 

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De la souffrance et de la défense

De la souffrance et de la défense

28 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

« La souffrance pèse de tout son poids sur ma conscience, me dis-tu, et en chacune des parcelles de mon être, se nourrissant d’absence, désire enfoncer son accablante présence. Insensiblement, la solitude approche ses pas, ses griffes, ses dents ; le profond repli sur soi-même constamment me guette ; dans la nuit noire, la bête assoiffée sent graduellement en elle monter l’impatience… » Créateur ! cesse d’être le jouet de tes folles humeurs ! Fuis ton angoisse, et promptement rassemble ! tes volontés, tes forces, ton énergie vitale ! Oui, perçois ! Perçois l’alarme, entends ton état ! Et parmi l’urgence, face au danger, fais appel à ceux qui, de tout temps, ont été tes meilleurs alliés : réunis donc tes amis éternels — réunis, en vue de ta défense, dans l’intention du salut et de la vie, la Confiance en soi, le Dessein, le Travail.

 

Photo © iStockphoto.com / cammep 

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Physica et Approximation

Physica et Approximation

27 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

Temps, espace, matière, objets bien étranges ! créatures à peu près inconnues, qui dans vos vastes bras bercez le monde, qui, depuis des millénaires, stimulez vos Aristotes, vos Newtons, vos Einsteins, vos Heisenbergs… — qui étonnez vos braves enfants !…

Ô notre Mère ! notre Père ! Oh ! notre Dieu ! apercevez-vous ces corps immergés dans les fluides, baignant dans les champs ? Ces sous-marins de chairs et de sang, ces constituants même des choses comme des phénomènes ?

Considérez-vous toutes ces créatures tout entières absorbées dans l’étude des propriétés, dans la formulation des élégantes lois, cramponnées à ces idoles séduisantes que sont le calcul, la logique, la science : vos regards se posent-ils sur ces matières humaines emportées par leurs paradigmes, leurs visions, par ces représentations du monde tout à fait incertaines, ces modèles de référence complètement changeants ?

Nous observez-vous, nous les esprits, les esquifs ballottés dans les réalités naturelles, mais, surtout, dans l’approximation : estimation d’une connaissance encore jeune, balbutiante, babillante, estimation des facettes du réel à peine entrevues, estimation enfin d’une nature formidablement drapée ?

Certes, c’est en la tâtonnante observation, en la description limitée et procédant par essais, en pleine incertitude que nous autres nous nous trouvons, cependant, lentement, prudemment, dans une forme de brume dense de principes et de causes, parmi les liens invisibles, au milieu des droites devenues courbes, des formes simples embrassant à présent la complexité, à l’intérieur de la configuration presque étrangère, nous tentons d’avancer — et, à l’intérieur de cet ordre de la nature voilé, devant les merveilles du monde, en face de ses collines et de ses soleils comme recouverts d’une opaque substance, notre entendement, sur des voies d’ignorance avalant l’obscurité, progresse en effet…

La Vérité semble ne vouloir se laisser approcher que par des évaluations approximatives, voilà l’évidence. Eh bien, que ces dernières soient ! — Par les sentiers loin de l’exactitude rigoureuse, par les voies des connaissances approchées, nous poursuivrons sans relâche notre quête, nous concourrons au développement de l’organe, à l’ouverture de l’esprit ! Attendu l’urgence du problème, nous découdrons les paupières des faucons. Puisque le doute n’est plus permis, nous réunirons les nobles instruments ainsi que les doigts les plus purs, puis, en dignes chirurgiens de la raison, réalisant de cette façon ce pour quoi l’on a été créés, nous produirons, poursuivrons, célébrerons l’utile, le beau, l’auguste travail : — endormies, debout sur les funestes planches du globe, tombées dans une manière de curieux coma : nous dessillerons, dans la patience, la constance et la remarquable sûreté de main, toutes ces intelligences en leurs interminables errances… l’ensemble de ces misérables consciences inconscientes.

 

Photo © iStockphoto.com / prawny

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Ils n’en ont cure

Ils n’en ont cure

26 novembre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Ils n’en ont cure.

Comment parviennent-elles, toutes ces têtes, à supporter ces tonnes de déchets versées sur leur tranquillité ? Au moyen de quelle puissance, réalisent-elles le tour de force de contenir la colère, qui en ces heures détone en leur cœur par révolte contre la fatuité des frivolités, lesquelles, sous de grands airs, se croient autorisées à oppresser la sérénité ?… Mais oui ! Tout apparaît à l’horizon à présent ! Ces personnes ne sentent pas ces choses ! Elles ne connaissent pas, elles n’éprouvent l’odeur ni l’insupportable ; elles ignorent leurs bourreaux même ! Ainsi, qu’il faille s’occuper sérieusement des bagatelles, elles ne peuvent le savoir ! Qu’il soit indispensable, et à plus forte raison de nos jours, de prendre l’inutile au sérieux, ces corps ne sauraient tout bonnement se le figurer. Et l’on palabre, et l’on pérore, et l’on dégoise, toujours et sans faiblir ! dans les livres, sur les sites, à l’intérieur des journaux, longuement et avec le plus de pauvreté d’esprit possible ! Et l’on vous frappe, et les coups pleuvent de tous côtés, sans prévenir, avec le moins d’empathie : les histoires les plus ordinaires, les plus basses, les plus inutiles, les ennemies arrivent de partout ! Armés de la trique du terre à terre, on assomme, sans relâche et sans merci… — Tantôt pauvre victime, tantôt main assassine, tantôt triste innocente, tantôt âme impure, dieu ! combien du ridicule, du mépris… combien de tout ceci on n’a cure !

 

2. L’Histoire enfantée.

La maîtrise de leur domaine, celui dans lequel leurs inclinations et leurs aptitudes les a porté, les habite continuellement, — et les voilà ! qui nagent en ce qui à leurs yeux possède un sens ; les voilà évoluant dans leur matière, à l’écart du temps, à l’intérieur des voies de l’excellence, propulsés par les puissants moteurs de la curiosité, de la détermination, de l’inventivité. — Les voici ! les âmes éternelles, les navigatrices, les fascinantes créatrices du passé et du futur… les têtes façonnant les idées, les mains transmuant les choses — les flancs divins enfantant le monde, enfantant l’Histoire.

 

Photo © iStockphoto.com / JuanDarien

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