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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour août 2017

Cliché sur négatoscope

31 août 2017 par Vincent PAYET

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1. Cliché sur négatoscope.

Radiologues de la psychè, allumez vos négatoscopes ! Premièrement, déroulez la photo satellite de la curieuse boule, et observez la planète ! Les zones les plus lumineuses montrent les grandes villes de l’Occident ; les cités d’ailleurs et de même étendue occupent les endroits les plus sombres : la lueur détermine, non pas la densité de population, mais la richesse — et quelle richesse ! Secondement, d’une manière analogue, disposez sur votre œil l’image de vos sociétés, celle des convictions et des jugements très ordinaires, puis, remarquez la littérature, les maximes, les savoirs, et appréciez combien les individus qui se dandinent sous les feux de la rampe sont les barbouilleurs émus d’une pâle critique, sont les gâte-papier accrus par le goût du jour et le verbeux, sont les faibles bénis par ces doigts et ces têtes gaillardes en pleines vénérations du lustre et du prestige. Ô déplorables humeurs étendues parmi le vide et le non-sens ! Mais la minorité d’écrivains supérieurs, elle, flotte dans les espaces de culture les moins illuminés ! D’où vient un tel phénomène ? Que tout ceci ne vous étonne davantage : les rayons artificiels, l’éclairage kitsch n’a jamais été, au fond, le signe de la délicatesse et du talent ; plutôt celui du superficiel, de l’orgie et de la servilité. Quand on évoque la distinction, le raffinement, les joyaux de l’esprit, les volumes éminemment occupés diffèrent toujours de ceux-là qui de leurs perfides et fallacieux éclats séduisent les nuées… — si riches de faiblesses, si riches de manques, si riches d’ennuis bien terre à terre.

 

 

 

2. Nos faveurs au levant.

Un Soleil rougit les terres, et, s’y exposant, engage ces cœurs sensibles dans ses clartés. Ses mains radieuses avancent, se courbent, et émaillent les têtes de ses attentions, de ses charmes, de ses bienfaits. Si doux sont ces enveloppements, que la poursuite devient naturelle ; les âmes les trouvent peu à peu, et elles les recherchent davantage. À la faveur de son obligeance, elles traînent avec moins de brûlures et d’embarras les misères de leur course : car où qu’elles aillent, une tendre humeur en une même action pousse et apaise leurs foulées. Cette orbe se manifestant aux jeunes complexions, c’est l’éveil de leur aptitude à se renforcer, à se conquérir, à l’amour ; et quoiqu’elle s’ouvre à nos compagnons de voyage dès l’enfance, elle s’endort bientôt chez la plupart. Ceux-ci excluent les rayons et leurs achèvements : et les voilà enrobés de caramel urbain, et nous voici impuissants à convaincre des corps non habiles à percevoir. « Celui qui ne se lève pas avec le soleil ne jouit pas de la journée », disait un Espagnol, mais, soit on l’ignore, ou l’on dispense ses faveurs au couchant plutôt qu’au levant. La Poésie, la Science, la Philosophie, l’Art, ont imprimé leurs affects et leurs grandeurs sur nous, et leurs substances ont infiltré la noirceur de nos chairs ; nous avons assimilé nombre de leurs éclats, notre caractère s’y est laissé conduire et éclore ; et on nous ligoterait en des manières de vie moins dissidentes, moins prononcées — plus inhumaines parce que trop froides, trop communes, trop disjointes de nos aurores ?

 

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Classé sous :Journal

Larves humaines

24 août 2017 par Vincent PAYET

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1. Larves humaines.

L’esprit qui lâche les préceptes dogmatiques, et par qui l’on connaît la désintégration opportune, en qui réside le courage, le soin et la vraie indépendance, anime aussi la bouche qui enseigne la putréfaction des idoles et leur substitue, avec une autorité si supérieure, les éclats du transformisme et de la théorie sélective. Qu’il glorifie le Hasard, ou qu’il dénude le Miracle, qu’il dévoile les Misères infinies, ou qu’il fustige la Bonté suprême et consent la terrible variété de ses Rudesses, il peint aux faces inquiètes leur propre langueur et leur déchéance. Il suspend à leur yeux, d’un côté la perceptible forme embryonnaire, de l’autre la tangible métamorphose ; il confond, par le renversement des pâles enclos thaumaturgiques, la bête insignifiante et la créature singulière ; il trace enfin, dans les âmes possédées, tout ensemble les lignes froides de la Nature et les boucles de sensibilité humaine : il leur montre que là où les tribuns savent épandre les artifices et enjoliver la voie, dans ces délicatesses du style mais ces petitesses du fond, les humbles vérités, pareilles à de généreuses flammes, en silence se préparent, dans la visite des sphères, à dévorer les doutes, les affres et les brumes dernières.

 

2. Le grand schisme.

Encore ils tentent de montrer ce bien curieux schisme, cette impérissable brisure entre l’esprit et la chair ; ils se sont faits les champions très résolus d’une singulière croisade, et la pensent quasi éternelle. Que ne lisent-ils ? Que n’entendent-ils les dernières nouvelles ? La science a conclu : « Freinez cette vaine agitation, leur dit-elle : les deux choses, autrefois disjointes en pensée, n’existent que par l’unique élément, s’originent en une seule et même matière. »

 

3. Potentiel de développement.

L’affirmation est spécifique, robuste, elle se soustrait à la couronne du hasard : autour de la connaissance, les natures aériennes se voient orbiter dans un flux dont l’ardeur varie exactement en raison inverse du carré de la distance au réel, et en raison directe des carrés de l’aptitude pour la métamorphose.

 

4. Temps de latence.

Les hommes examinèrent la preuve, mais ils ne croient que ce qu’ils « entendent ». Et comme le son se propage plus timidement que la lumière, des siècles de siècles languirons encore et encore que ses effets soient « reconnus ».

 

5. Histoire et Indétermination.

Vous voulez découvrir une minuscule région d’un temps ancien ; vous appliquez vos efforts sur un génie qui s’y meut. Mais cet endroit se dérobe à vos attentions, en une fugue chronique : plus vous aller, plus cet individu, plus ses liens avec les objets et lui-même vous glissent des doigts. Un principe d’indétermination élève une sorte de barrage entre nos conjectures et nos expériences ; — toute vie modèle repose sur une Histoire bien coquine.

 

6. Signatures et apparences.

Saurait-on affermir nos sens, où les recherches sont arrêtées ? saurait-on élever nos représentations, où les fêtes de l’esprit sont méconnues ? saurait-on illuminer les aveugles, où tout le monde se hâte vers l’incohérence ? saurait-on extraire les prisonniers des cellules, où le goût des liens surpasse celui de l’autonomie ? saurait-on unir les hommes en un copieux savoir, où l’on n’engloutit que les adiposités de la fable ? saurait-on enfin accueillir les empreintes du réel, deviner signatures et fumées, et ne pas laisser couvrir les objets d’illusions, où l’on affaiblit ses oreilles, où l’on trahit les jugements de sa vue, où tant de superfluité et de couardise se dégorgent sur l’ensemble des phénomènes ?

 

7. La vielle graine.

Ni l’actualité, ni la preuve, ni la modestie, ni le charme d’un concours au progrès de la science ou le simple bienfait d’une lumière sans vices, je veux dire ces souffles de l’altitude inodorants, ces rayons immortels, ces pluies bienfaisantes et délicieuses, qui d’ordinaire, excitant les joies aussi bien que les pensées, en font croître de divines, étaient donc impropres à dresser une graine de croyances si archaïque loin de la trahison et de la boue, en l’engageant à émettre dans la culture des racines glorieuses ; et les lacunes en ces croissances renouvelées, et les pleutreries en ces éveils misérables, et les tares en ces lugubres poussées, que la teneur rendait si inhabiles aux gracieux développements, faisaient s’éloigner d’elle les natures les plus braves, les plus hautes et les plus aimantes.

 

8. Trait impatient.

Elle surprend colonnes et chevrons, et balaye les édifices ; encore son trait perd patience, toujours sa cure veut châtier. Ho ! la voici qui accourt ; elle éventre la nue, sa rage tombe, et le dôme s’étoile joliment, et le cerveau zébré s’illumine par bonheur. Pour éclaircir les grottes, pour exorciser les fables, pour rendre aux jeunes téméraires leur bravoure et leur génie, et déchirer leur stupeur, seule la foudre altière, seule une main chirurgienne, seule une médecine brutale doit jaillir dans les corps, et si fermement toucher.

 

9. Lutte inégale.

Nul homme raisonnable, sachant les règles, n’imagine qu’un combat entre science et religion est équilibré, encore moins que celle-ci prédomine. D’où l’on ne saurait concevoir que, l’erreur admise, une rude médecine appliquée, et toute influence de peur, de culpabilité et de mort vaincue, elle courbe son ennemi plus circonspect et moins vaniteux, ni donne la dernière main à sa conquête des esprits. Car dans cette lutte inégale, un objet déterminant est la lourde probabilité, et non l’infime, et non l’absurde contingence.

 

10. Graduation.

C’est par les graduations de ses vérités propres que toute conscience rejoint son idéal. Posons nos regards sur ces chemins de vie, considérons les fortunes célèbres par la grandeur ; ne constaterons-nous point les marques de leur élévation ? Ne croirons-nous point que les initiatives et l’audace y provoquent l’affermissement de leur exceptionnalité ?

 

11. Résurrection inabordable.

Dans ces vues, non seulement la raison s’abêtit et s’efface, mais sa « résurrection » excède le hasard, devenant folie, devenant fantôme de l’esprit.

 

12. Ce qui doit être.

Nombreuses sont les personnalités qui se satisfont de ce qui est, rares s’élevant à ce qui doit être. Ô potentiel ! ô développement ! ô répartition désastreuse ! En ces convictions faibles et dégénérées, celui qui se cherche n’a d’autre alternative que le refuge dans les arts et la science, sinon au-delà des catégories même, en l’altitude de ses embarras, de ses invincibles rigueurs, de ses secourables tourments. À l’abri des structures humaines basses et contiguës, dans les volumes de beautés où l’air se dilate avec aisance, sa nature sait advenir, et elle se le promet. L’artiste s’y aide soi-même, sans relâche ; il s’y maintient et s’y accroît, jusques à l’épreuve : aimer les autres, et souffrir leur condition — cet état, juste ciel ! si peu en dehors du séjour où ils entendent culminer.

 

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Classé sous :Journal

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