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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour juin 2017

Le volume des possibles

28 juin 2017 par Vincent PAYET

1

Le volume des possibles. — Ce volume que compose l’ensemble des formes atteignables, j’entends ce nuage abstrait constitué des figures que peut s’approprier l’esprit, qui le conçoit ? le pressent ? l’effleure ? Quelles natures en retirent les formidables conséquences ? et en éprouvent la frustration, voire le vertige ? Car la question se hâte, onde paradoxale, songe, écho invincible ; au travers des époques, elle a constamment résonner sous la voûte des crânes : « Pourquoi, dans la diffuse nuit, en l’immensité de glace, voudrais-je émerger, perdurer et bruire une heure sous cette forme-ci plutôt que sous cette forme-là ? »

 

 

2

L’honnêteté des escrocs. — Chacun devrait posséder l’art de l’hypocrisie. Car dans ce monde où les langues, les becs, les aiguillons abusent l’autre, ceux qui sentent le besoin d’honnêteté, ceux que la généreuse physiologie conseille, passent immanquablement pour les derniers des escrocs.

 

 

 

 

 

 

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Culture, kitsch et authenticité

Culture, kitsch et authenticité

22 juin 2017 par Vincent PAYET

Culture, kitsch et authenticité. — Vouloir élever son point de vue, c’est vouloir s’arrêter un instant et déposer l’attention sur le caractère esthétique des phénomènes. Et c’est reconnaître la corruption du goût ainsi que l’émiettement et de ce parfum et de cette saveur ; c’est flairer les méprises, les alertes, les désordres inouïs de l’art. Une crise règne ; les multiples atteintes gênent cette faculté qui fait sentir les charmes et les brèches de ces productions des hauts-fourneaux, ces dons humains de l’altitude ; qui fait convenablement discerner les caractères atypiques des enfants de l’invention et de la culture. Que disent-ils ? Le goût ne tremblerait pas ? Le raffinement instable ne cheminerait sur la route de l’amnésie ? Ha ! ne s’agit-il point du mot de la preuve, bien que ce soit l’écoute de la mollesse ? Isolés du bon goût, aux têtes essentiel, on peine à voir les efforts soutenus de sa genèse ; et tout semble exciter une dénaturation sans entraves. De tels états imposent ceci : le naturel mesquin, de nos jours, recherche où jubiler de colère et de ravissement, le mesquin, bientôt l’habitent ; il s’accroît, court dans la débauche et déjà prodigue sa furie. — Et voilà que l’on nous affirme qu’il ne faudrait prendre ce faux, cet anti-art, ce Kitsch au sérieux ? On observerait donc l’inauthenticité, la surcharge, la laideur se renouveler sans cesse, éprouverait les tourments et les périls d’êtres parmi la décrépitude, et en nous efforçant toujours davantage vers le plaisir ? Las ! quoique visible, quoique ténébreuse, nombre d’individus de la vérité ne s’étonnent ; et bien peu nourrissent encore, à l’endroit de ces choses, un sentiment digne : qui gronde, qui s’échauffe, qui va jaillir… cette aversion, ce haut-le-cœur, cette nausée.

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / yayayoyo 

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Curieux expédients

Curieux expédients

14 juin 2017 par Vincent PAYET

1

Curieux expédients. — Pour charmer leur estomac famélique, les corps ingèrent d’étonnantes fumées. Pour fuir des souffles bileux, les cervelles s’arrondissent de vide.

 

 

 

2

Tombes ambulantes. — En pleins frimas, les carcasses traînent leur vie. Quelques hommes se recouvrent de gaieté. Le reste tombe nu comme le ver.

 

 

 

3

Discrètes trajectoires. — Une enfant accomplit ses premiers pas, et s’oriente vers le fond d’une venelle… À peine revenue de cette extrémité, une nonagénaire quitte la voie. Quel croisement invisible, quelle transition discrète, quels passages de mystère ! Le temps badine : les deux âmes sont une ; et toujours leurs trajectoires se rencontrent, aveugles, dans le sourire inaudible.

 

 

 

4

Nefs ligotées. — Belles apprêtées, les ondes marines s’étalaient, toutes sémillantes. Elles élargissaient leurs bras, dénudaient les horizons, libéraient de capiteux effluves. Mais les poules moites, les cœurs flaccides, ces zèles disloqués, se regroupèrent et s’alignèrent, comme des nefs en amarres sur des bords interdits : décapitation, évidage, ensablements, de coques pures — misérables carcasses dans une grève tombale.

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Dr_Microbe 

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Calme blanc

Calme blanc

8 juin 2017 par Vincent PAYET

 

1

Calme blanc. — Il y a peu, une monumentale lettre m’instruisait de la récente disparition de Friedrich von Schiller ; et sur les ondes, et à l’écran, et parmi la toile, en tout lieu où ma détresse errait, d’un pareil drame nul ne paraissait s’affliger ! Le calme était tellement blanc, ou le désordre me trompait, que j’entendais l’ensemble, même le silence de ce qu’il aurait fallu entendre ; j’étais assis, presque éteint, sur la terre nue, éteint à ce point que la force seule d’une rêverie put me cueillir et parvint à me dégager de ma stupeur ; il me semblait que si l’on donnaient à l’existence de chaque individu un prix infini, il n’était pas moins vrai qu’un ordre, tout démontrable, existe entre ces nombres étranges  : ainsi, l’ampleur de mon affliction et le détachement général accélérèrent les apprêts, lesquels me prescrivirent en quelque sorte l’usage de quelques moyens, qui amenèrent la grave méditation suivante. — Quelle est donc la cause que la gratitude à l’endroit des personnalités glorieuses est tant faible dans les cervelles ? Quels accidents ont agi, quels monstres ont saisi, quel prodige a ravi cette admirable reconnaissance ? Quelle est la cause que les cœurs désapprirent le naturel de leur vibration, la légitime alternance, l’honorable soulèvement, et que rien ne les enveloppe ni ne les pénètre que ce que la mollesse leur confie ? Pensée curieuse, camarades, mais faits bien établis ! bien qu’il soit de la nature d’un sentiment et d’une raison salubres d’asseoir de belle manière ce qui mérite de l’être, c’est cela qui passe parmi le monde sans moucheter le dedans des êtres de sa plus infime nuance. On veut découvrir, on veut éprouver, on veut atteindre. Si l’on accordait à l’entendement comme à la sensibilité le « droit » au verbe, si on leur offrait le soin et la confiance nécessaires, avec quelle force enseigneraient-ils que de merveilleux bouquets s’apprêtent dans les rares natures, et qu’il les faut beaucoup connaître pour savourer sans réserve l’exposition ! Et néanmoins la pauvreté de nos lectures et la platitude de notre amour composent ce paradoxe où le beau nous paraît indigne de nous ; l’estimable, la bassesse même ; le grand, une inanité, une bagatelle ignoble. Juste ciel ! quel mystère se répand sur notre sol ? Ne croyons point toutefois les racines de l’affaire entièrement recouvertes ; nous nous sommes faits nous-mêmes les horticulteurs de cette décadence : nous avons enseveli notre patrimoine collectif sous nos graines malheureuses, nous avons délaissé l’amour des jardins harmonieux ; et par un grave hasard, une pluie tragique est descendue, qui dans les pousses où logeaient d’innombrables espérances excite une sève flétrie. Voyez ! L’accablement est tel qu’un secret ressort presse un petit nombre ; leurs tristes regards s’inclinent vers l’arrière : « Mais, notre mère, d’où vient que tout s’abat sur nos cœurs ; d’où vient qu’en écoutant, nos yeux, nos yeux émus sur la désolation s’affaissent ? »

 

 

2

Culbute dans les abysses. — … Qui nous consentira que nul n’en sait davantage, et qu’aujourd’hui peu importe la matière, s’il se trouve quelque apparence raisonnable ? Qui nous consentira, compagnons, que nos mâts si superbes balancent sur des vagues d’incertitude, que souvent les climats culbutent le pilote, et que nos vaisseaux stupéfaits vagabondent sur des étendues délirantes ? L’océan fiévreux déploie son activité assoiffée, et il ne refuse aucun trouble, aucun tourbillon, — aucune âme ! Ah ! que les profondeurs ténébreuses ont faim de doutes, d’angoisses, de sentiments très humains ! Ha ! quel plaisir gigantesque ! quelle voracité monstrueuse et véritable ! Messieurs, les maîtres s’efforcent en vain à ne pas glisser du pont ; ils transpirent, ils luttent, ils s’obstinent dans leur vanité et leurs tromperies ; fendre le sceptre des éléments, soumettre Neptune lui-même ! voilà le dessein dissimulé, voilà le tumulte fort visible : leurs bonds, leur véhémence, leur révolte est toute sensible, — mais combien ses effets manquent — combien le résultat soit s’abîme dans le dérisoire ou sombre dans l’absence !

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Franck-Boston

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Lumière et Horizon

Lumière et Horizon

4 juin 2017 par Vincent PAYET

 

 

1

Lumière et Horizon. — L’homme ne sait cueillir qu’une information limitée, la nature n’admet que l’expérience finie. En cette bulle si restreinte, les véritables explorateurs filent vers l’horizon, engloutis dans l’invisible, comme affamés d’au-delà ; les autres se meuvent étonnamment, se nourrissent de redoutables reflets, se complaisent dans la parcelle, en plein savoir réduit. Les seconds guettent la lumière, les premiers fuient à sa rencontre : au milieu d’un coin dérisoire, le plus grand nombre se prodigue pour le succès de ses vastes synthèses ; dans une réserve gaie, les rares irréprochables vagabondent tout autrement.

 

 

 

2

La dérive des éducations. — Où s’origine une si sévère faute, si ce n’est au fond de nos éducations défectueuses : défectueuses dans l’estime, parce qu’on les méconnaît et on les négligent ; défectueuses dans leur valeur, parce qu’on les diminue et on les rabaissent ; défectueuses dans leur application, parce que, la mine satisfaite au milieu de la platitude, on fuit avec nos filles et nos fils l’amour du savoir, la curiosité, les excellences, parce qu’ignorant nos besoins, on n’aperçoit pas les secours empressés : nos manques nous semblent irréels ; tant nous oublions leur rôle glorieux, ou plutôt tant nous passons à côté de nous-mêmes.

 

    Où se tapissent les conséquences ? Là encore nous ne ferons que décrire. Les encouragements n’atteignent pas la jeunesse ; la pâle culture reçoit tout juste les restes de nos faibles attentions ; nos soutiens sont distraits, nos fermetés supérieures s’épuisent et s’écoulent ; l’indépendance et le risque se font deux inconnues ; le développement de l’esprit glisse sur nos priorités : les nombreuses mains vident les énergies fraîches et posent sur ce lit asséché trois pierres noires, nommées emprise, fiel et désintérêt ; les familles rejettent l’amour et l’harmonie ; le goût ne porte plus à la complexité et aux efforts ; les affects positifs s’estompent… Voilà la détestable peinture. Et la colonne parentale arrachée, et la société dissoute, et la liberté perdue, et les forces psychiques taries, les individus voudraient toutefois que tous sussent se défaire du port, gagner le large et voguer en pleines activités exigeantes et profitables !

 

 

 

3

Se faire esclave. — Si devenu esclave, la fortune livrait ton corps au bras d’un maître, en cette ordonnance nouvelle, tu t’offenserais ; mais lorsqu’avec zèle, tu exposes par toi-même ta joie à l’amertume de l’étranger, s’il épanche sa noire gêne au fond de ton être, tu ne t’irrites point ?

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / ayvengo

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Par sauts

Par sauts

1 juin 2017 par Vincent PAYET

 

 

1

Par sauts. — Nous sommes surpris lorsque les personnalités exceptionnelles varient par « sauts » : leur transformation semble se jouer de toutes les formes intermédiaires. Ces esprits mobiles et indépendants esquivent en quelque sorte l’influence sociétale et les « mutations » imposées, si pressante et souveraine sur les cerveaux les plus stables. Les jolis papillons oscillent dans la nature ; nos ondes rieuses volettent hardiment sur les arrêts, les coutumes, les tables de valeurs : des lois propres les soutiennent, des inspirations robustes et singulières les élèvent — des souffles généreux et individuels les emportent, vers l’insoupçonné.

 

 

2

Esprit animal et Esprit végétal.

    Le diplôme en valoche et les bancs de l’école bien loin, l’« esprit animal » conserve ordinairement ses dimensions jusqu’à sa mort ; et si certaines vies expriment une croissance régulière, cette poussée ne fait que traîner une manière de langueur : le développement intellectuel se trouve en quelque sorte fermé, ou presque.

 

    « L’esprit végétal », au contraire, germe au rythme d’une extension constante, d’un élargissement indéfini, d’un progrès comme ouvert : racines, tiges, feuilles, les nouveaux organes pointent au sein d’un bourgeonnement sans fin.

 

    Les seconds subissent aussi la fortune adverse, mais chez eux opèrent uniquement les ralentissements ou les arrêts transitoires ; si leurs transformations s’essoufflent, leur structure, leur élan, la vie entière s’affaisse et s’éteint ; croître aussi bien que durer « composent » toujours un même « bouquet », une nécessaire unité : ainsi qu’un incendie, semblables à une forêt, ces êtres tendent spontanément à s’élever…

 

      Quelques arbres discrets portent leurs essentielles surfaces aux admirables hauteurs ; et les plus capables, et les plus lumineux précipitent leur faîte vers des régions impossibles : trajectoires hors d’atteinte de l’approche grossière, immensités inconnaissables pour le goût commun.

 

 

3

Rude monture. — Un malheur modeste choque la tête d’un homme, on dit : « C’est le mouvement de la vie ». Un drame foudroie le voisin, on ajoute : « Caresses et gifles alternent leur saison ». Mais lorsque les approches de la fortune fuient le domaine public et que nous sentons ses empressements, notre hardiesse se tait et les molles jérémiades pleuvent. Si nous n’avons pas la force d’appliquer le principe, apprenons du moins sa teneur… et essayons-nous malgré tout ! Progressons avec vigilance dans l’épineuse voie des affects ; reconnaissons parmi nos pâles agissements les alertes de leur incohérence ; soyons sévères à l’endroit des considérations claudicantes, et en la matière domestique ne présumons point trop de notre fermeté, car, de dessous ses décombres dégageons notre vue ! voici une certitude : l’orgueil et la méprise, ces bêtes les plus torrides, sont des manières de montures fantasques, monstrueuses, imprévues, qui ne sauraient emporter leur cavalier, fût-il le plus superbe, loin de son inconsistance, de ses terreurs, de ses fantômes.

 

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Vitalina 

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