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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour mai 2017

Méprise instinctive

Méprise instinctive

7 mai 2017 par Vincent PAYET

 

1

Méprise instinctive. — Il ne s’agit, en l’occurence, que d’une méprise sur le sens qu’il convient de donner à une action, à une conviction, à un état. La pâleur de l’idée que l’on se fait communément de l’individu, la valeur conférée à l’homme en tant qu’homme, c’est à dire comme un bel animal « évolué », a toujours crû la main dans la main du dégoût de soi-même. Ses conceptions emplies d’images de pureté, de candeur, de vertus ont fini par constituer le terreau propice où plongent à présent les racines de l’opprobre jeté sur ses plus profonds instincts. Ce qui s’est produit n’est ni plus ni moins que la création d’un ciel d’hiver au teint blême, au-dessus des considérations actuelles, qu’une extraordinaire floraison maladive, qu’une dépréciation dans toutes les règles de la nature humaine, qu’une amputation et de sa gaîté foncière et de son innocence, avec, pour conséquence prompte et spontanée, une dégradation par degrés de la confiance et de l’estime portée à la vigueur, à la couleur, à la santé naturelle de la vie. Voyez si l’esprit se croit désormais distingué et fort élevé sitôt qu’il sème, qu’il couvre d’infamie ses pulsions, ses réactions immédiates, tout ce qui forme le soubassement et les fondations si spécifiques et si nécessaires de son espèce. Voyez à quel point il s’imagine escalader à vive allure les marches de la bonté et de la grandeur, de la vérité aussi bien que de la profondeur dès que par ses mains sont voués à la haine ainsi qu’au déshonneur extrême, public, le résultat d’années et d’années de mutations, l’aboutissement, en la lenteur et la joyeuse assurance, de toutes ces lentes et variées, de toutes ces inévitables transformations.

 

2

Honteuse et confuse

Et dans l’aube du jour vint une âme hardie,
Chantant, courant, qui clame une vérité neuve :
« J’appellerai Vertu toute chose bannie ;
Je nommerai Honte votre noblesse veuve. »

 

3

Valsez !

Valsez ! Toute danse soulage les misères ;
Blâmez ! Bien, bien inférieure est l’estime aisée.
Donnez ! En l’éloge les fils soignent leurs pères :
Si vous savez donner, vous ne pouvez léser !

 

4

Multiples représentations. — Esprit, qui toujours conçoit, invente et cherche, prends donc l’habitude de saisir le solide, le fluide, l’onde… une émotion, un sentiment, un penser ; observe cet objet quelconque, et tente de te le représenter de multiples façons. Ainsi, tu t’apercevras bientôt, en t’efforçant de l’enseigner à toi-même aussi bien qu’aux autres, que ce que ta vision embrasse dans l’instant s’éloigne sans arrêt de ce que tu t’imaginais jadis, lors de la rencontre initiale, et qu’à présent même, après d’innombrables points, lignes droites, surfaces courbes, force dessins, schémas, cartes mentales, après l’abondance d’images plates et de reliefs de tout ordre réalisés… après mainte et mainte transformation, caractérisation, explication, cette chose forme non pas la chose réelle mais uniquement une construction mentale plus ou moins précise, floue, possible — une fluctuation psychique bien modeste en pleine probabilité.

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / cienpies

 

Classé sous :Journal

Se donner bonne conscience

Se donner bonne conscience

4 mai 2017 par Vincent PAYET

 

1

Se donner bonne conscience. — Nous autres surpris regardons aujourd’hui l’agir des puissants avec une vive sensation de piqûre dans l’oeil, une souffrance physique d’autant plus intense que la vue est meilleure, et sommes précisément en cela des étrangers pour ces âmes tyranniques, pour ces personnalités criminelles résidant à l’écart de l’empathie, du bon sens et du remords. Ces natures déréglées, sous l’influence de la colère, de la haine rentrée, de l’odieux, sous l’empire de l’inhumain, considèrent leurs propres manières et moyens au milieu d’une gaîté folle ; et parmi leurs consciences si tranquilles, très caractéristiques, elles entendent au même degré, c’est-à-dire pas grand-chose, leurs propres sentiments, leurs propres comportements et ceux d’autrui. Une fraîche, une claire cécité rend possible l’émergence d’une coloration des événements particulière, et cette dernière produit en quelque sorte un petit miracle : la possibilité d’assister aux spectacles du tourment qu’on fait souffrir sans se mettre l’esprit à la gêne, pis encore, en éprouvant un plaisir d’une vigueur toujours nouvelle et allant croissant — la vision de réjouissances réunissant mouvements, lois, réalités antiques impérieuses… vérités atrocement humaines, toutes ces scènes pour lesquelles bien d’autres animaux moins « supérieurs » ressentiraient vraisemblablement, eux, une forme d’indescriptible et puissant malaise.

 

2

Nature de la nature. — Vois ce qui se lève, enfle et tout autour de toi tourbillonne : soutient-il ton caractère ? lui est-il contraire ? Aspire-t-il à délivrer ton âme des rigueurs diverses ? ou bien à la presser jusqu’à totalement l’accabler ? Ces choses, agissent-elles comme une voile apprêtée, amène, amie, ou pareilles à des liens souverains fort invisibles et prodigieusement ennemis ? Car que le spécifique, l’original, le noble en soi parvienne à durer au sein d’un climat toujours hostile à ce qui s’écarte de la norme forme une des grandes difficultés et, par suite, l’une des belles tâches à entreprendre. Aussi est-il de la plus haute importance de bien sélectionner, de la même manière qu’au cours de toute promenade heureuse, le paysage où l’on souhaite porter ses pas ; aussi est-il si raisonnable de se poser la question de la faune et de la flore, de l’atmosphère, de la tonalité des chemins empruntés comme des destinations espérées. Sans doute tout ceci s’applique-t-il exclusivement aux âmes véritablement sensibles, celles éprouvant maints ennuis dès qu’il s’agit de ne point absorber constamment l’ensemble des impressions qui conspirent à baigner leurs pieds, cette grande variété de sentiments qui, en ondoyant sur la palette tant étonnante, tant imposante, hurle son plaisir fou d’envahir les surfaces, les consciences, les cœurs sous-jacents . Et assurément, de là découle le fait que le sage s’attache inévitablement à la recherche d’une sorte de milieu harmonieux : un sol, un peuple, une ère… une manière d’espace, de terre promise, de mer, — à la quête passionnée d’une nature qui réponde à sa propre nature.

 

3

Des tribus modernes. — « Ce sont des pitoyables, est-il encore permis d’en douter ? ces marchands d’orviétan, ces conteurs de fariboles aux quatre coins du monde, ces philistins accomplis formant une seule et vaste famille, mais ils veulent encore nous faire accroire que leurs discours leur viennent tout droit du tréfonds du cœur, que les verbes ne sont que vérité, entier désintéressement, Amour même ! et que notre scepticisme est par trop injustifié, que nos réactions ne sont qu’irritabilité excessive et déplacée, qu’ignorance qui s’ignore soi-même, en somme, autant d’obstacles à notre propre joie, à notre propre ravissement ! Voit-on comme tous ces coquins, ces méprisables vendeurs, ces fieffés menteurs ne s’adressent qu’à des foules de condition servile en vue de liquider leurs stocks bien sinistres ? Se figure-t-on combien sur la qualité de la marchandise les passants sont sans cesse adroitement trompés, combien toujours on abuse ? Les paroles s’enchaînent avec une troublante facilité, cependant que, daignant poser leurs regards sur les crânes de leurs tristes troupeaux, le menton droit comme un cierge, si fier, et le front sans ride, l’âme si à l’abri du scrupule, ils osent nommer cela partage, communauté bienfaisante, admirable, “belle et indispensable action en une belle et indispensable tribu”. »

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Lonely__

 

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