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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour avril 2017

Beatitudo

Beatitudo

30 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

Beatitudo. — Il s’arrêta un instant, se retourna et, songeant d’où il venait, où il était et où il se rendait, sentit l’envelopper promptement la jouissance extrême, le bonheur sans bornes… : imprégnant le présent, la réelle félicité terrestre. À la vue de ses idoles abandonnées, de ces convictions erronées mises de côté, de l’éloignement des immenses méprises, il éprouva, pour la première fois, un sentiment sans pareil, respira, se délecta d’un air indicible : d’une satisfaction sereine, d’une gaîté, d’une plénitude — d’une douce béatitude.

 

2

Nature expansive. — Limites, mais aussi force répulsive, expansion de la nature même de la pensée ; instrument donnant l’aperçu, et véhicule amenant en plein inconnu ; outil reconnaissant certaines sensations étrangères, ouvrant sur les phénomènes internes et externes tapis en l’indicible ; destructeur d’habitudes de perceptions, d’habitudes de réflexions et d’habitudes d’actions ; créateur d’alternatives, bâtisseur d’hypothèses, de systèmes, d’empires… Ô lettres, ô concepts, ô recherches ! Ô Verbe, que tes pouvoirs, que tes vertus, que ta force ressent l’altitude ! Hélas ! si essentielle entité, combien à présent ta figure éprouve ce profond mépris, cette ignorance, cette indifférence : par le nombre toutes les impuretés sur ton corps déversées !

 

3

Couleurs de l’encre. — Si l’alternative est présente, petite plume, délaisse le malingre, le vicié, le triste, le morbide, et choisis le vigoureux, le frais, le gai, le sain. La délicate question des influences, pour autant que nous sachions, se présente quand ton humeur, ta complexion, ta nature, quand tout en toi et à l’extérieur te semble réclamer le sombre : — l’encre ne doit-elle alors couler que pour que l’on voie se répandre en toi et alentour des teintes claires et dansantes ?

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / non157 

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Nature humaine

Nature humaine

28 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

Nature humaine. — A : Quelle est cette lumière, qui pleut dans nos grands yeux, en grains bien étranges, en photons séparés ? Quelles images fortes, presque inattendues veulent frapper nos sens, poindre dans nos consciences ?… — B : Quelles scènes singulières ! Quel sentiment mêlé ! Quels cœurs ! quelles postures ! Toutes ces particules, tous ces champs et ces chants : quelle humaine nature !

 

2

Sous le manteau. — Toi qui soutient, transforme, enveloppe, qui t’approche, transporte, emporte, qui te cache en tout lieu, voilée parmi le nuage de chiffres, de brume, toi, Matière, élégante, signifiante, invisible pour les pauvres yeux, impénétrable aux flambeaux des esprits, à ces lueurs par trop imperceptibles, par trop négligeables, — ne daigneras-tu donc point confier tes derniers secrets, dans l’un de tes murmures ?… À cette poignée de regards, à ces rares chercheuses et chercheurs dignes et purs ne consentiras-tu jamais à révéler quelques-uns de tes ultimes, de tes intimes aspects ? Si à ces sens si faibles, mais si fiers, si à ces hautes volontés de même qu’aux mains de la connaissance tu désires te dérober toujours, si finalement à ne jamais manifester ton essence tu te résous, du moins manifesteras-tu la ravissante couleur, celle que tu as de tout temps portée : l’éclat enivrant — de ton manteau l’exquise teneur ?

 

3

Embryogenèse sociétale. — Quelle complexité ! Quel aspect, quelle masse, quel résultat formidable ! Les cellules se segmentent, se différencient ; les petites se meuvent, migrent ; l’embryon s’enfle… : la forme de même que la fonction adviennent ! Nombreuses sont celles sacrifiées par mort cellulaire programmée ; les autres prospèrent, à leur manière. Et le tout se dirige vers une sorte de « développement » complet. Parmi cet étonnant système vivant, on remarquera aussi des structures particulières, aux caractéristiques et aux comportements tout à fait à part : des volontés, des natures comme indépendantes des informations qu’elles reçoivent, ces humeurs, ces caractères, ces développements… ces consciences inconditionnées, affranchies — nous les nommons personnalités, âmes, existences autonomes. D’ailleurs le rôle que jouent ces dernières, leur importance, quoiqu’elles soient d’un nombre bien faible et d’une apparente inutilité, ne doit pas être sous-estimée. Mais, en vue de les mieux comprendre, de les mieux « utiliser » des efforts devront encore être produits : si l’on ne souhaite perdurer dans cette représentation où l’on se trompe en s’imaginant qu’elles fonctionnent suivant les mécanismes de régulation et d’intégration ordinaires, suivant… les désirs, les ressorts, les impératifs communs.

 

4

Équilibre perdu. — Ou la teneur des productions en objectivité est trop forte ou la subjectivité y est dominante. Peu d’oeuvres contiennent l’heureux mélange, l’humide harmonie, la belle totalité : l’unité rayonnante. Ainsi, de nos jours encore, ce ne sont essentiellement que des fragments, des fœtus, des entités en la recherche de leur conformation juste qui peuplent le paysage artistique, qui envahissent cette si grouillante, si bouillante culture moderne.

 

5

Suppression salutaire. — De nos jours, tant et tant de choses méprisables, tant de dangers, de ténèbres environnent les consciences de toutes parts, leur procurant leurs médiocres nourritures terrestres, leurs bains pestilentiels quotidiens et leurs plus basses réjouissances. Face à tous ces livres, à toutes ces paroles, à tous ces objets : que les cérémonies ne sont-elles menées ? Que les jugements ne connaissent-ils l’exécution ?… Dans le cas contraire, les foules assisteraient, ô manifestations ! ô visions prodigieuses ! à des boules de feu libératrices, à des destructions d’hérésies salvatrices — aux autodafés salutaires.

 

6

Valeur du minimalisme. — Ils entrent alors, les uns après les autres ; et, passant devant la bibliothèque du grand homme disparu, y plongent tous un regard à la fois si furtif et si curieux. La réponse à leur interrogation visuelle ne se fait point attendre, voici la réalité qui arrive, voici que son galop vient : le nombre d’ouvrages séjournant sur les tablettes est modeste !… Ils s’en étonnent ; mais il y a plus, cette vue les tourmentent ! C’est qu’ils n’ont jamais su que qualité et quantité sont rarement chose mêlée, que, ainsi qu’en tout écrit remarquable, les trésors de fluidité, la justesse et la belle sonorité, le nectar inestimable coule au sein des espaces libres, — mais davantage, que ce dernier se nourrit de ces suppressions, de ces vides, de ces choix, qui forment la valeur même du créateur ; — que ce qui importe véritablement, c’est autant, sinon essentiellement, qui, par une volonté éclairée, avec une habileté et une finesse supérieures a été sélectionné afin de ne pas figurer parmi les rares invités. En la connaissance, de même que dans l’art, une place particulière a depuis toujours été octroyée… aux personnalités en quelque sorte capables de pousser le « minimalisme » à l’intérieur de ses propres extrémités.

 

7

Coloration psychique. — L’humeur est cette manière d’énergie à même de modifier les espaces mentaux. Elle forme sur la surface de la conscience les courbures positives, négatives et l’absence de courbures. Les idées, qui dans la suite épousent la diversité de ce sol, acquièrent, dans ces déplacements, une masse, une vitesse, une teinte, quelques unes de leurs caractéristiques fondamentales. C’est ainsi que la complexité grandit, celle de leur structure propre, de leur forme, de leur nature. En traversant graduellement, au cours d’une même journée ou d’une existence entière, les diverses régions, les différentes aires, elles rencontrent et se mêlent pour ainsi dire à leurs futures colorations.

 

8

Épitaphe sur pierre

J’écoutais la voûte illuminée
Désormais je danse dans le sombre
Ma pensée flottait parmi les sphères
À présent mon ombre gît sous pierre.

 

9

Abstraction, hypostase et esprit chimérique. — Ici réside un écueil illustre, une problématique énorme, un monstre aussi lugubre qu’éternel. Celui de tenir abusivement une pure abstraction pour une réalité. Celui d’hypostasier les idées, les dogmes, les doctrines religieuses, les représentations nombreuses et variées. Ah ! au milieu des entités abstraites, des concepts on ne peut plus baroques, comme les individus aiment à se noyer ! On se figure ordinairement que pour juger sainement d’une âme, il ne faut considérer que la clarté de sa pensée, que sa richesse et sa profondeur, que son bon sens et ne pas prendre en considération ses convictions intimes, ses croyances secrètes. Mais, alors, que faire quand l’idée abstraite diffère tout à fait des faits concrets, de l’expérience du réel vécue, et que cette déformation de la vision dénature complètement l’ensemble des espaces et des objets à la fois intérieurs et environnants ? Pour celui qui sonde l’Histoire, la méprise, l’illusion n’est pas une abstraction. Que d’innombrables consciences fassent litière de la réalité, délaissent la vérité, que l’on semble se donner de la peine pour se perdre dans des imaginations vaines et sans fondement est loin de constituer une manière d’envisager les choses confuse et bornée, une vue de l’esprit banale, comme une autre, — une constatation objective dépourvue de conséquences et vastes et sérieuses.

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / liuzishan 

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Vaine ostentation

Vaine ostentation

24 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

Vaine ostentation. — Il y a tentative, mais aussi échec continuel à vouloir constamment réprimer l’envie de déployer sa gorge, de se tenir les côtes et d’étouffer… quand parmi le regard se déverse à gros bouillons l’affectation, la basse, la lâche, la vaine complaisance : toute cette ostentation grotesque dans laquelle on s’évertue à donner à voir les qualités que l’on possède. Car comment en face de ces vils ornements, de cette cruelle absence de sobriété, devant ces recherches répétées de compliments et d’admiration, devant cette science, ces connaissances, ces opinions variées, ces bijoux pour la plupart des plus factices, comment, en présence de ces vitrines, de ces emballages, de ces produits ignorant le naturel et l’authentique, parmi ce brillant si terne, si faible, cette allure, cette posture qui ne cesse de faire de toute chose grand étalage… ne pas sentir au fond de soi comme un tremblement, une secousse, une onde galopante qui sans discontinuer désire monter, et jaillir — ne pas percevoir l’irrésistible Besoin languir, à ne plus savoir se contenir, de leur opposer, en hissant cette arme sans égale bien haut, le plus grand, le plus majestueux des Rires ? A-t-on jamais ouï parler d’architectures uniques, de styles sublimes, d’augustes âmes courant aussi ridiculement après la renommée ? Assurément cela n’a été vu en la mémoire de nul homme.

 

2

De la démonicité. — Il arrive que soit décelé chez de grandes âmes le témoignage d’un phénomène particulier, la présence d’une influence singulière qui toujours semble présider. À celui qui entend en prendre la mesure, l’invisibilité de la chose ne doit pas faire perdre de vue que les impressions et les effets, en quelque sorte semés en eux en tout lieu, sont bel et bien réels, et fort puissants. Ce « démon », cet irrationnel les accompagne, où qu’ils aillent, laissant s’épanouir son irrésistible champ de forces selon une logique propre, l’intensifiant où et lorsque cela lui paraît nécessaire. Habitées, « possédées », sa puissance est à ce point éprouvée que les consciences inspirées s’efforcent, à quelque prix que ce soit, d’épouser les chemins « proposés ». En cet océan d’inconscient, le corps, l’esprit, la vie entière d’un certain nombre de religieux, d’hommes d’État, de scientifiques, de penseurs, d’artistes… a constamment baigné, — attirée par cet irrémédiable vortex spirituel qui jamais ne faiblit à fournir ses courants de motifs, de justifications et d’actions. Aussi, quand il vient à l’idée de quiconque d’insister en voulant leur faire entendre raison, rien ne semblant être à même d’échapper à l’autorité ni à la volonté de l’impérieux tourbillon, c’est en efforts bien futiles que les énergies s’épuisent dans les sillons : il regagne alors ses bords — il en est capable puisqu’il n’est pas la victime, puisque lui, en tant que simple observateur, est d’une nature tout à fait étrangère à ces manifestations —, il s’assied, et, impuissant, son étonnement assiste à la vaste dépense de toutes ces existences, à la débauche de curieux objets, de réflexions et de réalisations si étranges. Oui, quelquefois, quelle surprise ! il devient témoin d’événements formidables : d’une atmosphère aux conséquences des plus étranges, et aux effets des plus prodigieux.

 

3

Policée. — Tant d’années d’évolution, et la bête très souvent semble ne s’être jamais véritablement adoucie, paraît n’avoir en aucun temps mis tout à fait les pattes dans le civilisé. Des moyens qui, en la prenant par la main, l’amèneraient graduellement à un certain degré d’éducation, de courtoisie, de raffinement, c’est-à-dire de possibles actions si hautes et des effets naturels si favorables : voilà le genre de considérations, et voilà le type de culture qui devraient importer, et à la pointe de l’épée l’emporter ! Mais, au lieu de cela, nous échoit l’éternel constat : loin se trouve l’idée, le songe, la flatteuse illusion — bien loin flotte la belle potentialité, cette conscience planétaire heureusement policée.

 

4

Des avatars. — En politique comme ailleurs, combien d’excès de variations, quelle extrême variété, quelle profusion de formes au sein des hommes ! Que d’avatars pour une seule âme ! Et l’on s’étonne que parmi cette confusion, ce chancellement, ce tourbillon, que si à l’écart de la constance, l’excellence elle-même ne sache pas poindre. Quoi qu’il en soit, tenez-vous prêts, Français ! Car déjà les institutions écartent leurs grands bras, et selon toute probabilité s’apprêtent, par un embrassement glacial, à abriter l’un d’eux.

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / ChrisGorgio

 

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Coupages de cheveux

Coupages de cheveux

20 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

Coupages de cheveux. — Combien cette plume est légère, fluide, surprenante ! Voyez avec quelle volonté, quel sentiment, quelle impétuosité elle déverse son inspiration. L’intelligence ainsi que les doigts déliés, telle une peintresse exquise conduite par une force surnaturelle, elle réalise ses multiples compositions, et non pas en usant de coupages de cheveux en quatre, mais par la main de l’enthousiasme, de la fougue, par la foudre ! Observez !… C’est dans l’éloignement des sombres bords de la technique aveugle que sa liberté ose respirer, à l’écart des règles mortifiantes pour les organes du corps et de l’esprit que l’éternel artiste toujours aspire à évoluer ! Et il a presque réussi… — Mais comment y est-il parvenu ? Qu’a-t-il fait ? À quel prix ? Il s’est d’abord intéressé au réel, au naturel, à la vie ; puis, après l’avoir bien observée, il s’est demandé quels étaient les procédés capables de la lui faire mieux représenter. Dès le départ, il a simplement voulu saisir le présent, le fond, la spontanéité, et, habité par cette aspiration aussi tenace que légitime, propulsé par un puissant élan, une détermination, une certitude inaliénable, le cœur envahi de grâce, il n’a eu qu’à s’abandonner, en pleine conscience, aux véritables actes — à ces seules manifestations en mesure de lui en communiquer directement les moyens.

 

2

Troublantes lectures. — On croit, en approchant l’écriture de ces auteurs, qu’au préalable, il n’y a eu chez eux nul effort de pensée ; en outre combien la réalité à représenter paraît fidèlement respectée ! Yeux et oreilles du monde accourent, se rassemblent… les écoutent et les voient parler d’opinions, d’impressions, de souvenirs, de ces divers objets formant la matière hétéroclite de la curieuse expérience terrestre. Et il y a là, et avec quelle force ! en ces troublantes lectures, si sincères, si naturelles, si limpides ! l’intime sensation que jamais les maîtres ne connurent les achoppements ni les fatigues de la composition : car, tout n’est que sons, accords, langage inouï… lignes courbes, fluidité… — jaillissements ! Tout se lève et vient et se mêle aux configurations délicieuses — se comporte à l’égal de ces sources fabuleuses qui, après avoir longtemps reposé dans le secret des entrailles, dans le flanc, au sein de la terre, commencent, avec une assurance indicible, de se dresser, de verdir, de s’enfler et de sortir.

 

3

Apprivoisés

Vous, qui grimpez,
Au plumage bigarré,
Comme vous savez imiter
La parole du poète !
Verts, gris,
Aux couleurs variées,
Parmi la multitude
Domestiques, apprivoisés…
Combien vos becs excellent
Dans l’art de parler, de réciter !
Qu’en la certitude
On s’imagine voler puissamment !
Oh ! des hommes si admirés !

Des illustres… de vrais perroquets !

 

4

Le Xénope et la Capselle. — Il se trouve, tout près, dans la nature des hommes, deux voies qui sur le fond se détachent. D’un côté, vivre comme une charmante petite herbe, parmi la discrétion, l’élégance et le silence, de l’autre, tel cette sorte de vilain crapaud, en l’agitation, l’enlaidissement et le coassement. Ainsi, soit dans la verdeur, dans la fluidité, en la gaîté ou en plein grisâtre, en pleine lourdeur, en la morosité.

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Oda_dao

 

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Méprises grossières

Méprises grossières

18 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

Méprises grossières. — Quelles paroles ! Et quelle extrême attention ! Combien les foules sont suspendues aux lèvres des piètres orateurs, au superficiel, au grotesque ! Dans le domaine des émotions, des sentiments, des idées pérorent sans cesse sur les scènes du monde les médiocres marketeurs, les parfaits menteurs ! Ah ! tous ces discours donnant au mensonge même, à la lourde, à la triste, à la grave méprise l’air de la sincérité, de l’évidence, de la certitude, de la lucidité ! Au-dessus les ombres flottent, des épées sont suspendues sur les têtes, menaces presque invisibles et cependant si réelles.

 

2

Du bon dans le vil. — Mépriser à ce degré le vil et laid, c’est une action non nécessaire. Car il arrive, et bien souvent, que par le contraste ils en fassent valoir le reste, c’est-à-dire le rare. C’est ainsi que les esprits détestables, par cette seule raison que leur figure possède moins de force, moins d’éclat, moins d’achèvement, sont à même de servir de repoussoirs à leurs voisins et que les choses de valeur, voire même les valeurs elles-mêmes apparaissent à l’intérieur de fraîches consciences, surgissant en quelque sorte… dans une manière de clarté nouvelle.

 

3

Éternels modèles. — Où que tu sois, tu te dois de ne point oublier et d’interroger encore et toujours les vieux maîtres, de te donner les moyens de faire sans cesse croître tes jeunes capacités techniques, et, tout en veillant que ton sentiment ne s’y perde, de grandir, de planer, parmi tes modèles, en ta propre émotion, en ta propre conception — dans l’éventail des possibles de ton imagination propre.

 

4

Moulins du Temps

Les moulins tournent tournent
les oiseaux volent volent
la Nature s’éveille
et cependant dort l’homme

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / melenka

 

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Les petits souliers

Les petits souliers

16 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

Les petits Souliers

Votre maître s’en est allé ;
Aussi je viens à vous maintenant.
Et me direz-vous votre histoire ?
Où l’on vous a porté ?
Toutes ces places, toutes ces âmes,
Ces objets jadis rencontrés ?

 

2

Portrait sincère. — C’est donc ainsi que l’on se souviendra de vous : sur le sommet, des cheveux déliés ; un front clair, dégagé, comme par les sillons épargné ; épais, longs, foncés sont les sourcils, fidèles soutiens du haut caractère, bien droit le nez, prolongement sûr et délicat ; une moustache garnie, une barbe soignée, vénérable, apparence de dignité mêlée à la nature ; des yeux rieurs plongeant continuellement dans l’avenir, un port sans cesse en la droiture… — Quelle détermination dans le maintien ! quelle posture formidable ! Quelle puissance de pensée dans un corps !… « Quel homme véritable, quel esprit il fut ! » entendra-t-on quelquefois, encore et encore. Et combien, oui, combien tout cela naguère se vérifiait !

 

3

Parangons de cruauté. — Parmi l’Histoire, les plus cruels, qu’ils s’agissent d’individualités, de groupes ou d’États, ont toujours été les plus puissants. Mais ce qui étonne davantage, c’est qu’ils semblent n’avoir point cessé d’être tenus pour les représentants fidèles de la parfaite intégrité, du bon, voire du « Bien ».

 

4

Les Pavots

Vastes fleurs solitaires,
Ô mes sens si frappés !
Pétales colorés,
Ô jardins, officines !
Substances somnifères,
Vous, les pavots nocturnes !
Embaumant les passants,
Les pavots de la mort.

 

5

Vitalité d’artiste. — L’artiste parvenu en un lieu reculé, en une certaine hauteur, en une certaine grandeur de conception et de réalisation est capable d’exprimer la riche palette de nuances sises à l’intérieur des choses. En outre, il dispose même du droit de rendre les tons les plus sombres ; mais une condition lui est posée : c’est que l’ensemble de ses fatigues et de ses sueurs, que ses bouillons de sentiment, que chaque once d’efforts révèle la moindre goutte de cette vitalité irriguant tout objet. Car c’est la force de vie en dedans de soi et au-dehors qu’il à la responsabilité de déceler aussi bien que de faire parler. C’est là que se trouve sa tâche principale, et cela que ses sens, son âme, son art ont le devoir de humer continuellement et de représenter à quelque prix que ce soit ; ici s’origine, ou non, la beauté plastique de son esprit comme de ses desseins. — Au sein de ses valeurs naissent possiblement le frais, le chaud, l’éclatant… le coloris véritable — et, pour ce qui concerne ce dernier, sa beauté, sa vigueur, sa perfection idéale.

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Silmairel 

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L’Orgue de Barbarie

L’Orgue de Barbarie

14 avril 2017 par Vincent PAYET

 

1

L’Orgue de Barbarie. — Au bout de ta course, tu ne seras que cendres. Une plainte, cachée, sous-jacente, mais aux manifestations bel et bien présentes, et fort charmantes. Les bactéries, les fleurs, les animaux, toute la Terre sera nourrie par ta voix. Joueur infatigable, qui toujours semble devoir étonner, ta fin soutiendra le cycle, alimentera en énergie nouvelle la grande manivelle, chantera pour l’autrui la douce et joyeuse mélodie de la vie. Ce monde, que nul ne saura proprement connaître, ces formes d’existence, dignes, fières en ton absence, tout constituera l’auguste objet : se découpant avec majesté dans les espaces à venir, le monstrueux vase… sorte de magnifique cimetière, empli de cinéraires.

 

2

Se mieux faire comprendre. — Un homme d’esprit honnête, pour éviter de se mal faire comprendre encore davantage, doit parler par circonlocutions. Car tout ce qui est direct et brutal, en somme, tout ce qui, de près ou de loin, ressortit à la vérité dans toute sa force se trouve précisément et ordinairement être ces choses les moins bien entendues.

 

3

Dignité du laid. — « Ce qu’il dit n’est pas toujours gai, est quelquefois même morne, désolé, véritablement laid. » Eh quoi ! vos plaintes ne cesseront donc jamais ! Ne voyez-vous point cette sincérité qui imbibe de valeur le mot ? Ne considérez-vous point le sévère, le cruel, le déformé, le souillé comme des éléments tout aussi palpables, authentiques, réels, et donc, tout aussi dignes de réflexions, de représentations, de sentiments artistiques ? Car, au juste, ce que tente de rendre cette plume, ne sont-ce simplement les couleurs, les tâches, les marques indélébiles laissées par l’aveugle cours des choses : ces traces, ces sillons, ces crevasses creusés sur les fronts par le temps, le bonheur et le malheur, formés par la fougueuse destinée, et déposés continuellement, ordinairement, sur le visage d’un homme quelconque ?

 

 

 

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Valdas Jarutis

 

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