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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour mars 2017

Ligne d’artiste

Ligne d’artiste

30 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Ligne d’artiste. — En sa qualité d’artiste, de profane qui sans trembler et avec intensité dans la pénombre se reconnaît, il a droit de diriger son attention vers ces moments qui, assemblés, formeront dans la suite une certaine renommée. Dans l’instant, il a devoir de travailler au souvenir bientôt laissé, par une vie s’écoulant toujours trop promptement, sous l’apparence d’un ouvrage de forme comme de sens, de lettres accouplées, d’unités recherchées. Il faut que par sa voix encore jeune, comme le sont toutes celles qui avant de s’éteindre osent et chancellent, une intériorité, après s’être quelque peu décelée, tente de se définir, de se regrouper ; il faut qu’un pur sentiment humain puisse quelque jour se préciser, prendre forme, naître pour jamais. Car ce n’est que par là que sa vérité s’érige en juge, en sage, en souveraine et que la pleine vigueur se fond en principes directeurs d’une vie, par là, que la salubrité du corps et du cœur se fait et se nomme ligne directrice ; que l’expression vigoureuse d’une intimité par trop souvent refoulée trouve enfin, en toute étude réalisée avec tant de patience et d’assiduité, sa force, sa fantaisie, sa folie… sa grandeur, son vertige… ses couleurs propres : nuances bien sombres et teintes très colorées — sa propre lumière, sa profonde obscurité.

 

2

Mesure de la force. — Volonté, qui flotte dans l’abondance de la nature, dans sa froideur, dans son indifférence… Je connaîtrai ta force en mesurant ta capacité à croire en ta propre puissance au sein d’un monde, d’un processus, d’une expansion où tes effets sont déplorablement vains, où ton essence même est à peine capable d’amorcer des actes démontrant un fragment, une parcelle, une once… un grain de présence.

 

3

Remède d’artiste. — Il ne sait plus supporter l’être, sinon à l’intérieur des transformations, sinon en pleines métamorphoses : saper de même que bâtir ce qui le constitue et ce qu’il devient — voilà son remède d’airain contre l’éternelle et superbe insatisfaction, son vigoureux poison pour la pérenne et cruelle pesanteur.

 

 

Photo © iStockphoto.com / marigold_88

 

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Mise au point préalable

Mise au point préalable

27 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Mise au point préalable. — L’un : Grand singe, compagnon ! quelle est la nature de tes modèles ? quel est ton crédo moral, esthétique, politique ? Quels sont les principes essentiels auxquels tu adhères, auxquels tu te réfères ?… Ciel ! quelle énergie, quel temps ! toi, l’humain, n’inhumes-tu point à l’intérieur de paroles aussi vaines que quotidiennes ? Car, oui, combien, avant que de tenter d’allonger la conversation, la conservation, la liaison, et ce, vers l’infini, il serait bon comme raisonnable de se poser et d’adresser les profitables questions ! de former l’indispensable mise au point ! — L’autre : Assurément !… Hélas ! stupéfaite, impuissante, la foule est vue — quelle curieuse entité ! dans ce funeste jeu, quel social animal ! — en train de s’engouffrer à l’intérieur de relations, de cercles, d’anneaux, à l’intérieur de nœuds à chaque âme fatals : voici qu’on poursuit — oh ! triste trame ! — de stériles efforts en des gouffres où desseins, où espoirs, où tout est continuellement fuyant — où rien ne passe en constance cet hideux, ce détestable, cet aveuglement monstrueux.

 

2

Du dialogue. — Il faut qu’en soi puisse se former un silence « monumental », si l’on souhaite éprouver l’architecture authentique des sentiments de solitude et de séparation, mais aussi d’empathie et d’harmonie — afin que soit en mesure de s’ériger et de s’épanouir la profonde structure, ce dialogue intime avec la nature.

 

3

Coeurs blessés.— Meurtris par la froideur des hommes, assommés par leur folle insouciance, exilés par l’insoutenable indifférence, les artistes du monde se retirent là où certains savent encore se soigner : dans ce lieu où la plupart portent un infime coeur blessé, où coule, sans discontinuer, la belle douceur du baume, en ces espaces adjacents à la perfection — à l’intérieur des rougeoyantes profondeurs de leur art.

 

4

Poignée d’immensurable. — Installer l’idée, la forme et le destin du monde… loger tous ces invités dans une poignée d’équations bien humaines ; et transporter l’Infini, et murmurer à son oreille, et badiner avec lui, dans le creux même de son immensurable main… Quelle étrangeté en ces songes ! quelle démence fondée et enchanteresse ! Quelle vision, quelle voie, quelle joie étourdissante vers l’improbable royaume — vers le délicieux séjour, presque céleste, de la pure, de la sublime, de la suprême Ivresse !

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Samuil_Levich

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Existences grises

Existences grises

22 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Existences grises. — Voilà les images, oui, les images que peuvent faire naître en une âme certaines existences ; voici les vases rigides et ternes emplis de feuilles mortes.

 

2

La clef. — Ah ! qu’on apporte la clef de cette affaire ! qu’on éclaire le sens caché de ce mystère ! Soudainement son attitude changea ; il s’était figuré avoir été investi d’une destinée surnaturelle, avoir été élu, parmi le peuple, pour guide des aveugles et des sourds ; mais, n’étant ni homme d’esthétique ni homme de science, n’étant pas même homme d’action, comment une telle pensée, comment une telle démence put-elle voir le jour ?!

 

3

Importance du jeu

Qu’il s’agisse de mathématiques
Ou de physique et de chimie…
De biologie ou de philosophie,
Que la pensée effleure de sa main naïve
Les champs de la poésie, de la peinture
Ou de la musique, de la sculpture…
Est-il chose, dans l’importance, supérieure
À l’esprit qui cherche, creuse et excelle,
À la volonté qui s’exerce, se déploie et sourit —
À tout ce qui ressortit au jeu, parmi le difficile ?

 

4

Jardin cultivé

Modeste mais riche laboratoire
espace mental bien semé
sereinement en secret
sereinement en secret
poussent poussent les pensers
d’abord laissés de côté

 

puis en un jour non connu
après mille attentions
dans le temps dispersées
éclot parmi la surprise
une forme bien faite
enveloppant un fond assuré

 

C’est ainsi que peu à peu
une aurore se révèle
qu’une création déjà transparaît
pleins et colorés
des sépales des pétales
si insoupçonnée une beauté

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / bee32

 

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La charrette

La charrette

20 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

La charrette

    « Qu’est-ce donc que cet animal
Si accablé par le terrible fardeau ? »
Demande la créature ailée
Par-devers elle, bien étonnée.
L’oiseau considère l’étrange vache
Tirant dans sa charrette mainte peine :
« Comme j’éprouve, figé devant toi,
Une compassion jamais ressentie !
Un sentiment des plus barbares :
Un ennemi qui saisit, un fauve qui dévore ! »
Lui confie-t-il dans un état de trouble,
Comme touché par un indicible vertige,
Par une manière d’extrême empathie.
Et le regard bovin de se tourner vers lui —
L’air ailleurs, le visage tout étourdi,
La tête très lourde, ses chairs si meurtries,
La conscience fort pâle, presque ensevelie…

 

2

Veulerie foncière

    Tous aspirent à la grandeur,
Mais en eux, absents sont l’énergie,
Le courage et l’enthousiasme ;
Tout prospère hors de l’ampleur,
Tout manque de sel, de vie —
Tout manque de tout.

 

    La terre est par trop légère,
Bien faibles sont les branches,
Misérables les caractères :
Approchez donc, et voyez ; voyez
L’insalubrité régnant en des âmes,
Voyez si… la veulerie recouvre les êtres !

 

3

La Bohème

    Règles féroces, cadres étouffants,
Routine desséchante, invisible Sépulture !
Que tremble votre substance, votre sol,
Que se fissure votre culture, votre essence !

 

    En cette heure, ennemie ! veuillez hisser l’oreille,
Veuillez, dans la certitude qui vient, trembler !
Car à présent, dans les lointains, et avec force,
Les pas de vos illustres assassins se pressent ;

 

    Déjà les dignes hommes rient et à vous-même s’adressent :
Déjà galope, suprême, l’irrésistible colonne,
Cette volonté, ce jugement, cette sensibilité émancipés,
L’Affranchie, la haute Bohème — la Bohème littéraire, artistique…

 

4

Heureuse inspiration

    Puisses-tu te soulever,
Ô vieil homme !
Que des vents nouveaux
T’emplissent de réjouissance,
Que ton humeur rejette son propre déclin :
Telle une mer vomissant sur ses bords
Les restes de ses multiples naufrages !

 

    Que tes poumons accueillent enfin
La fraîche et douce espérance !
Ce souffle autrement aimable,
Ce mouvement assurément vital,
La venue sans doute possible
D’un futur bien moins pénible.

 

5

Scène ordinaire

Homme et femme ordinaires
conversation dans la rue
quel spectacle quels acteurs
et cependant quelle matière
quelle misère quelle honte
si ces mêmes paroles
se trouvaient tout à coup
transportées sur les planches
comme vomies sur la scène

 

6

Éloignement

Contrition parfaite
fuite dans le dogme
éloignement de soi-même

 

7

Des réfugiés

    Surgit leur ombre,
S’épanouit le doute,
La peur intérieure
Peu à peu les assaille ;
Les voilà qui courent, courent
Se réfugier en nombre infini
Dans le giron familial,
Dans le giron de l’Église —
Dans le giron de leur certitude.

 

8

Bouche mensongère

Sa gestuelle, sa posture,
Tout en lui annonce son futur ;
Celui d’une conscience qui sent
Grandir en elle la mission nouvelle,
Fleurir une forme jusques ici
À son propre cœur
Entièrement étrangère ;
Seulement, hélas,
Non pas la figure de l’Art,
Mais la répugnante,
Mais l’infâme Parole mensongère.

 

9

Grains de lumière

Folie, ténèbres :
Parmi l’obscurantisme,
Qui donc agitent encore
Les quanta de lumière ?

 

10

Fenêtre ouverte

Écrivain plongé dans les lettres,
Tisserand devant son « métier »…
Tandis que par la fenêtre ouverte
Les hurlements du monde extérieurs
Toujours, toujours prétendent pénétrer,
L’artiste sans cesse se recueille,
Se recueille et se rassemble,
Au-dedans de soi, au fond, à l’intérieur.

 

11

Paradis descendu

Assurément, il existe un paradis,
Accessible à l’Homme pour toujours,
Et d’où nul ne saura jamais l’expulser :
Non pas dans l’espoir de l’au-delà,
Mais sur Terre, à l’intérieur de soi-même.

 

 

Photo © iStockphoto.com / bausela

 

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Buste brûlant des monstres

Buste brûlant des monstres

18 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Buste brûlant des monstres

Nuit profonde
buste penché en avant
jetant des monstres

 

le feu se réjouit
arrivent arrivent
arrivent par milliers
les hordes de considérations
de mauvaises doctrines
de sinistres pensers

 

un miracle se produit
le déclin assuré
la guérison attendue
entière consomption des idoles
naissance et réjouissance
d’une fumée tout autre

 

Couleur odeur saveur
émanation purifiante
essence si salvatrice

 

2

Funeste prédicateur

    Le voilà qui arrive, le voilà qui jaillit,
Parmi les pensifs et mornes esprits,
Les consciences bien sombres,
Les caractères, les âmes taciturnes ;

 

    Tel un chef devant ses troupes,
Un général à l’aube d’une grande bataille,
Il encourage la présente assemblée,
Il exhorte ses fidèles, infortunés ;

 

    Mais survient un orage, rugit un Éclair,
Qui anime les affligés, ces figures décadentes :
La lumière divine exhorte les blessés, les mourants…
Elle les incite à la connaissance — à la prudence.

 

3

De la grandeur. — La grande poésie est comme la grande musique, comme la grande peinture, comme la grande physique : elle s’adresse directement à l’intimité de l’âme, et ouvre ses yeux, sur la délicatesse, sur la pudeur, sur la sublimité des choses.

 

4

Plainte charmante

    Une plainte dans le lointain
une figure une voile
qui se forme et se perd
procession ordinaire

 

des chants religieux vibrant
flottant enchaînés dans les airs

 

Quelles paroles étranges
quelle tristesse puissante
mais aussi quel charme
quelle beauté singulière

 

5

Maladie aiguë. — La bouche se déforme… la langue tourne, virevolte, s’exprime dans une apparente licence… À la fin, le diagnostic est posé : l’évidence se manifeste — maladie aiguë du bon sens. Il existe ce moment de la vie d’un homme pendant lequel le trouble est à son plus haut degré de développement ; il gronde, frappe, se répand dans ses veines, corrompt même la conscience la plus pure, soudainement, et avec une intensité rare ; la crise est profonde, le péril considérable. En cette période qui emporte la décision, seuls quelques individus perçoivent l’intime canon d’alarme, et parviennent à s’ôter le doux et lent poison : après d’âpres et longs combats, ils s’en expurgent ; faisant face à la terrible substance, ils réussissent, en une sorte d’effort surhumain, à l’écarter de leur esprit, devenant des manières de héros pour avoir atteint l’exploit, à l’écart de la crainte, de la bannir complètement. Ils ont presque vaincu la sottise, par la raison qu’eux détenaient une arme quasi décisive, qu’eux seuls possédaient le souverain remède — le sens aigu des réalités.

 

6

Exorcizare. — Croit-on vraiment en l’inexistence des démons ? Ne les voyez-vous point se fortifier à l’intérieur de vos propres natures, à l’intérieur de la nature des possédés ? Délivrer, délivrer… exorciser, exorciser ces entités : voilà une hantise bien réelle ! Voilà une tâche agitant les grands esprits depuis des siècles, et ce, que celles-ci soient nommées infini mathématique, infini physique ou infini absolu.

 

7

Surface et sensibilité. — Voyez sa surface aérienne externe, sa surface interne et sa surface racinaire ! Admirez la gigantesque, l’époustouflante créature ! De par l’ampleur de ses surfaces d’échange avec le milieu, de par sa nature même, le créateur ne peut que posséder une formidable sensibilité : il a germé, et se déploie désormais, dans la vue de capter, de goûter et d’éprouver invariablement, il communique avec les éléments d’alentour, danse sur les rythmes intimes du monde… — Ressentant l’intensité des choses, palpant, épousant de tout son être les ardentes palpitations du sol, au milieu d’« autres espèces » bien étonnantes il vibre tout à fait différemment ; sa volonté emploie sa vigueur d’une manière autrement bénéfique, son existence circule avec aisance au sein d’une modalité autrement singulière.

 

 

Photo © iStockphoto.com / Leysan

 

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Désir d’artiste

Désir d’artiste

15 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

Désir d’artiste

    Au fond, le ressort du musicien,
Le désir même du peintre,
L’intime aspiration de l’artiste
N’est-elle point ordinairement de se savoir,
Du moins pour quelques instants,
En une âme isolée, mais parente,
Considéré et un peu compris ;

 

    De pouvoir s’étendre sans crainte,
En fleuve courageux, impétueux,
En élément naturel, bien vivant,
Et l’âme libre, et la conscience claire,
Parmi le sein si rare d’un ami inattendu —
À l’intérieur de cette Compréhension vive,
En plein cœur des affinités électives ?

 

2

Se faire jour

Fausse personnalité…
Mais au travers des masques
Peu à peu elle s’éveille,
Des profondeurs
Vers la surface
La vérité jaillit —
La conscience se fait jour.

 

3

Les âmes de boue

    Ruelles, avenues, cités pleines de boue,
Ceux-là tombent, et bien souvent rient,
Ceux-ci se débattent, et ne s’en aperçoivent,
Si peu se relèvent ; qui est-ce qui s’en soucie ?

 

    Des bains, des bains, combien sont nécessaires
En vue de combattre les mortelles affections,
De vaincre l’invisible ennemi, cette sinistre fange,
De bannir le noirâtre, le hideux, le si méprisable ?

 

4

Ardeur infatigable

Création continuelle
fortifications de l’esprit
le cœur s’émerveille
préservé de la fatigue

 

5

Le ponceau

Étrange ponceau,
Ravin tout étroit ;
La valeur est proche,
En face, à côté —
Pour l’âme enjambant
L’acide sourire.

 

6

Terre à terre

Que ne se languissent-ils de toi,
Toi le relief, le piquant, toi la saveur ?
Et que se jettent-ils en si grand nombre
Dans le plat, le terre à terre, le vulgaire ?
N’abandonneront-ils donc jamais leur conduite ?
Les croit-on bâtis pour abjurer quelque jour
Toutes leurs belles et puissantes erreurs,
Toutes ces visions enchanteresses,
Ces principes mystificateurs ?

 

7

Coudées franches

Que son être désire jouer librement !
Combien les choses et les personnes
Paraissent conspirer à le contraindre !
Mais le voilà qui proteste heureusement ;
Sa volonté s’insurge, se déploie tout à fait —
Conscience trop altérée de coudées franches.

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / Archv 

Classé sous :Journal

L’Écume des jours

L’Écume des jours

13 mars 2017 par Vincent PAYET

 

1

L’Écume des jours

    Promeneurs sur le rivage
visages qui s’estompent
comme emportés avalés
par la fuite du temps
par l’écume des jours

 

2

Des chaumières

    Denses montagnes
grand air
vastes champs
insondables mers
tant d’espaces
tant de vigueur
et cependant
les coeurs s’étiolent
et cependant
les têtes s’isolent
la sève se courbe
la vie se fane
en des vases
par trop étroits
dans les minuscules
minuscules chaumières
en ces prisons
si nombreuses
dans les tombes
tombes printanières
lieux funestes
époque stérile
formidables cellules
de nos jours

 

3

Petite brouette

    Petite brouette progresse,
Animée par un cœur.
Que porte-t-elle ?
Où se rend-elle ?
Qu’importe cela
À la foule ?…

 

    Puisque déjà la petite ralentit,
Puisqu’elle s’arrête subitement :
Puisque le mouvement
En sa chute
À entrainé
La vie.

 

4

Chaise et bougies

Flottent flottent les âmes
au-dessus de l’inerte chaise
bougies dansantes alentour
foule sans nombre sur l’objet
bientôt désormais laissé seul

 

5

Jeune fille. — L’Humanité n’est-elle point semblable à cette jeune fille dans le bois esseulée, à cette conscience environnée de grands arbres, enveloppée par les ombres monstrueuses de son ignorance ; cette âme encore fraîche ignorant ses propres racines, cette silhouette, ce souffle, ce souvenir naissant se tenant là, en sa curieuse verticalité, vacillant dans l’instant : un regard trouble, ivre titubant chaque jour parmi les vertiges de la nature, tout insouciant au-dessus du vide, au-dessus des derniers vestiges, au-dessus du gouffre, de l’avide gueule des jours ?

 

6

Sur la marine. — Des femmes et des hommes, tristes enfants des peuples, se déplacent sur le bord de mer, le visage fouetté par la véhémence des vents, attirés par on ne sait quelle force étrange, par l’élément humide, par la bouillante soupe, hantés par les puissants mugissements des flots, par l’Orgue funeste. On se croirait vraiment en présence d’innombrables crustacés courant, — courant se jeter dans de mortelles eaux, en la funeste écume. Mais qu’est-ce donc qui les meut, et qui les fait vouloir avec fureur tout ce qu’ils veulent ? Dans le sable tourbillonnant, en pleine tempête de vie et de mort, les yeux et les cœurs garnis de sable, les pas aveugles progressent des terres profondes vers le rivage, pareils à des créatures dépourvues de substance, à des spectres hideux, sans âme. — Sur les dunes, bien à l’écart, il faut posséder l’oeil du peintre, si l’on veut saisir l’intensité de la scène, et le cœur du poète, pour sentir son caractère décisif. Car l’impression, l’authentique, ne se laisse humer que par des nez préparés sinon nés pour la tâche, que par d’immenses psychologues : les grands artistes des sentiments humains — ces peintres de marines prodigieux, indispensables, inestimables.

 

 

Photo © iStockphoto.com / arborelza

 

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