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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour février 2017

Nature ultime

Nature ultime

27 février 2017 par Vincent PAYET

 

1

Nature ultime

Considérant les choses, tu te figures atteindre parfaitement leur vraie, leur ultime nature. Mais, par combien de labyrinthes tout à fait extravagants les as-tu fait passer ? Au travers de combien de bizarreries complètement personnelles, d’irrégularités internes, de défauts fort intimes ont-elles dû évoluer ? Amenées à ta conscience par les canaux souillés, les déformations, par les transformations nombreuses et variées, forcées de naviguer sur les voies les plus étranges, les plus humaines, condamnées à se mêler à tant de défauts inhérents à ta propre nature, tu t’imagines encore leurs « corps » libres de toute impureté causée par les différents matériaux et les divers passages ? comme toujours bruts, comme entièrement vierges d’innombrables intentions conscientes et inconscientes dont seul ton esprit si imparfait, si tordu est si capable ?

 

2

Des corpus

Il faudrait assembler les importants corpus qui s’attachent à creuser la question de la « belle âme ». Et se rendre compte de la place centrale occupée par certains éléments tels que la maîtrise du développement individuel, la recherche constante de l’élévation et le goût pour le progrès véritable  : en somme, la connaissance du monde aussi bien que la connaissance de soi, l’excellence sise à la pointe d’un processus volontaire qui est à la fois l’objet, la voie et le dessein.

 

3

Duo majestueux

La cavalière se nomme Verbe,
Le cavalier Conscience ;
Celui-là a éprouvé la sublime danse,
Qui célèbre le sens et le son.

 

4

Présente récompense

    L’heure de la juste récompense…
Elle importe si peu !

 

    Cueille les petits fruits de tes labeurs,
Dans la main des lieux,
Parmi l’instant,
En la joie et la peine,
En la sueur ardente
Et la mer glacée !

 

    À l’intérieur de la belle activité
Tantôt ardue, tantôt aisée,
Au cœur de l’intime feu,
Telle la plus belle des flammes,
En pleine joie,
Lentement consumes-toi !

 

   Oui, chante, vrille, et chancelle.
Apprends à briller, à vivre —
Dans l’ivresse des jours à brûler.

 

 

Photo © iStockphoto.com / skalapendra 

Classé sous :Journal

Topologie des contraires

Topologie des contraires

24 février 2017 par Vincent PAYET

 

1

Topologie des contraires

« Afin que tu puisses entrevoir
La vrai nature des contraires,
Prononça la voix éthérée,
Représente-toi deux créatures ailées.
Après une âpre, une colossale lutte,
Une dispute presque éternelle,
En se tournant le dos celles-ci se promettent
Une séparation des plus parfaites ;
Chacune, aveuglément, va foncer droit devant elle,
Persévérer dans son exacte trajectoire,
Poursuivre l’effort, poursuivre l’erreur ;
Est traversée la superbe variété des époques,
Sont fendus des siècles et des siècles ;
Quand soudain, quelle commune surprise !
Dans l’instant, révélée, quelle méprise !
Voilà, se découpant graduellement sur les lointains,
La figure de l’ancienne ennemie tant redoutée ! —
Les deux amies ignoraient que les degrés de la vérité,
Que les innumérables nuances de ce monde
Ne suivent pas une distribution toute droite :
Que leur mystérieuse ordonnance appartient,
Épouse, et ce dès l’origine, une essence différente,
Une géométrie autre — une géométrie courbe. »

 

2

Sphère victorieuse

    Nulle distance ne t’effraie,
Nulle durée ne t’éloigne,
Par la pure aspiration
Tu te laisses entrainer.

 

    Et qu’importe l’impression faite,
Les tourbillons d’importuns,
Les spectateurs, les badauds,
L’attroupement bien malade ?

 

    Qu’importe les langues décadentes,
Les célèbres bifides frétillantes,
La bête, la gueule,
La vipère et ses pointes ?

 

    Tu ne demeures plus enchaîné
À tes propres ténèbres ;
Une intime vigueur te soulève —
Vers une plus furieuse destinée.

 

    Te voilà enfin, parmi le sombre,
Le tumulte, l’incertain,
Qui t’éveilles au monde… :
Ô naissance heureuse !
Astre infime, sphère victorieuse !

 

3

Illuminée ou sombre

    Sens-tu, âme du monde,
Volonté cahotée,
Esprit si voyageur,
Cette énergie mentale ?
Illuminée ou sombre,
L’impérieuse puissance,
Son invisible champ ?
Ô la Main ! ô la Force !
Le Ressort souverain !
Des personnalités
Gouvernant le dessein ?
Parmi certaines lignes,
Se déchire la masse,
Fort bien déstructurée,
Puis tout à fait vidée.
Et quelle prétention !
En celles se figurant
Voir leur proche avenir,
Celles s’imaginant
Posséder en tout point
De l’espace psychique
De leur propre futur
La très haute maîtrise !

 

 

Photo © iStockphoto.com / chuntise 

Classé sous :Journal

Les dépossédés

Les dépossédés

22 février 2017 par Vincent PAYET

 

1

Les dépossédés

Dans les maisons, les mains déploient leur activité en vue d’accumuler biens sur biens, à l’intérieur d’un acharnement, d’une constance rare. Mais ne voient-elles pas que, ce faisant, elles se privent de la possession de quelque chose d’autre ? que la liberté elle-même est insensiblement traînée vers le cruel paillasson ? Mêlées à une vision aussi étonnante qu’effroyable, parmi une sorte de passion fort furieuse, les Richesses aspirent à s’accoupler, sans faiblir et sans fin, et cependant, dans l’intimité des êtres, les plus profondes valeurs répandent leurs cris assourdis : leur affreuse pauvreté, leur atrophie, leur anéantissement — leur profonde misère de dépossédées. Face à l’uniformisation, à la propagation culturelles, face à la crise globale des valeurs, comme les consciences exprimant leurs inclinations individuelles et leurs propres voies font défaut ! Combien s’est installée à l’intérieur des sociétés une hiérarchie des principes morbide, irrespectueuse envers le soi, l’environnement et l’autrui ! une manière de vivre et de concevoir ce vivre étrangère au bon sens et aux nobles sentiments ! Combien les transformations internes, intimes, à une époque pourtant prodigieusement effervescente, au sein d’âmes tout à fait soumises aux influences extérieures aveugles, appartiennent à l’inhabituel et, surtout, sont si peu décisives ! Que le superficiel enfin, parmi le domaine de la culture, qui est de tous celui qui forme au plus haut degré le sentiment et la raison, gagne du terrain, telle une herbe des plus vivaces et des plus pernicieuses, tel un torrent de maux impétueux, une diabolique volonté impérialiste ! Incontestablement, la « pauvreté » marche à grand pas, à pas feutrés : les personnalités, les esprits, les âmes « riches », semblables aux bonnes graines au cœur de l’ivraie, sont pour ainsi dire hésitantes à naître, à germer, à se montrer. Par ailleurs, en les observant de très près et bien soigneusement, l’on croirait apercevoir des manières de frêles esquifs, ballottés et presque flasques ; des consciences se débattant des pieds et des mains, comme des possédées, au milieu des désordres et des peines sans nombre de leurs sœurs insouciantes… — si insouciantes.

 

2

Rendre l’infini

Dans le vague, ses regards
Cherchaient les points très espacés,
Les fort curieuses ondes,
Les prodigieuses lignes de fuite ;
Son bras, ses doigts, l’esprit,
Tout près, dans le lointain,
Sans relâche était à la quête
Des possibilités dissimulées,
Des nuances toutes variées,
Des formes indéfinies :
Sa peinture louait le réel,
Son imagination goûtait l’infini…

 

3

Intelligence bornée

Ah ! quels angles innombrables !
Quelle habitation remarquable !
L’étonnante, la complexe,
La superbe et puissante figure !
Singulier polygone inscrit dans le cercle,
À l’intérieur des lois de la nature,
Front altier, vaste intelligence
Développant sa très longue nappe,
Multipliant ses bien précieux plis !
Une volonté si déliée, presque illimitée !
Et cependant une âme si en mesure,
Dans sa recherche de la perfection,
Dans son voyage vers la réalité,
Sur les sentiers des choses vraies,
De se maîtriser et d’épouser les sinuosités des bornes ;
Si en mesure, enveloppée de liens d’airain,
D’éprouver, de continuellement embrasser,
Animée par une vigueur toujours fraîche,

La noble activité et la charmante gaîté.

 

 

Photo © iStockphoto.com / Route55 

Classé sous :Journal

Haute et commune culture

Haute et commune culture

20 février 2017 par Vincent PAYET

1

Haute et commune culture

Vous qui vous efforcez chaque jour à gratter les choses, à creuser dans les ruines, le roc, sous terre, dans les profondeurs, à soulever davantage ce coin de l’immense voile du réel, vous vous imaginez pouvoir retenir longtemps la radieuse espérance de voir grandir promptement le nombre de consciences gambadant autour d’une communauté de vues lumineuse, changeante, resplendissante ? Le phénomène est d’une certaine importance ; aussi, ayant pour votre personne une certaine sympathie, et considérant que cette affaire n’admet point de retard, souffrez qu’en compagnon de route je vous glisse dans l’oreille ceci. Au sein d’une aversion aussi profonde qu’ordinaire pour les métamorphoses, de particularismes qui n’aspirent ça et là sur le globe qu’à s’épanouir encore et encore, au milieu d’une pensée dominante assoiffée de baumes et de mirages, une posture commune à l’intérieur d’une conception qui n’accepterait de se nourrir et de se délecter que de ce qui peu à peu se rapproche du vrai se fera, parmi cet esprit moderne, cette entité mondiale hantant par trop souvent notre temps, formidablement attendre… Oui, eu égard au point où en sont les choses, la durée ne saurait être que… cruellement considérable.

 

2

Obsession de la maîtrise

Nappes de brouillard, tourbillons de poussière : comme les phénomènes, comme toutes les choses t’enveloppent et t’emportent ! Et avec quelle rigueur, avec quelle fureur tu t’évertues pour te conduire en gardien des secrets de la Terre et du monde ! Avec quelle impression d’étrangeté, avec quel étonnement l’oeil se pose sur un bipède doué, entend-on couramment répéter, de raison, mais agissant cependant telle la plus déraisonnable des créatures ! Oh ! quel désir de domination, de pouvoir, de puissance contenu dans un si modeste crâne ! Seulement, constate donc ! Tout ! tout passe et te dépasse ! Pourtant, au sein de ton obsession de la maîtrise, si vaste est ta persévérance, tant considérable ton transport, colossale la mystification ! — À un degré pour ainsi dire inimaginable, indicible.

 

 

Photo © iStockphoto.com / thedafkish

 

Classé sous :Journal

Littérature et Art

Littérature et Art

17 février 2017 par Vincent PAYET

 

1

Littérature et Art

Ah ! ton âme s’assèche,
Éprouve l’ardeur terrifiante des vents,
Se trouve comme condamnée
Au brûlant, à l’éternel désert ?
Plonge-toi dans les eaux fraîches :
Bois à l’onde saine et revigorante !
Dans l’étendue de la littérature et de l’art,
Parmi les œuvres exquises de la Nature,
Au sein des productions humaines d’exception,
Loin du vil, du laid, du barbare,
Cherches-y le labeur, la valeur, ta récréation,
Décèles-y ta lampe, ton pain, ton bonheur !

 

2

Authentique figure

    Mais le choix, tu ne le possèdes pas !
Puisque ce n’est qu’en la vie même
Qu’il t’est permis de puiser ta matière,
Ton art, la nature de ton sort.

 

    Goûte donc de nouveau aux choses,
Graduellement, embrasse encore le monde,
Sereinement, connais-toi toi-même !

 

    Afin de t’élever au degré de tes possibilités,
D’évoluer toujours à ta propre et pleine hauteur —
En vue d’être en mesure d’étreindre ce pour quoi tu es fait !

 

    Armé d’un bras sûr et robuste, d’une main qui sait,
Dessine-toi une ligne, une course, un visage :
Montre-toi les traits authentiques,
La figure véritable, celle de ton âme.

 

3

3-sphère

Tu te figures rejoindre graduellement l’infini,
Mais, ami, quelle que soit la durée de ton voyage,
Et quelque direction que ton esprit suive,
Les mêmes vérités de départ sont sans cesse traversées.
C’est que même parmi le bien vaste champ des idées
La pensée progresse continûment et sans s’en apercevoir
À l’intérieur d’un étrange système : une très curieuse sphère.
T’enveloppant mystérieusement, songeras-tu à présent
À ce drôle d’objet ? — à cet espace fini et sans bord ?

 

4

Sagesse la plus haute

    Qu’il s’en aille loin,
Refus, Pessimisme,
Volonté de nier,
Abattement !

 

    Qu’il arrive prestement,
Acceptation, Gaîté,
Affirmation,
Engouement !

 

    Le sage n’aspire, et sans cesse,
Qu’aux mêmes conditions initiales,
Qu’aux mêmes évolutions,
Qu’aux mêmes actions et réactions :

 

    Le bon et le mauvais,
Le sémillant et le morose,
La chose identique toujours et encore —
Les mêmes voies du dénouement.

 

5

L’humain bien élevé

Le noeud de l’éducation parentale,
Et de toute l’éducation d’ailleurs,
En une seule question s’assemble ;
Et si celle-ci dans l’histoire de la pensée
N’est assurément pas une nouvelle-née,
Elle mérite d’être continuellement évoquée :
Quelle sorte d’homme doit être nommé,
Voulue, enfantée et patiemment formée
Qui porterait en soi une valeur autrement élevée ?

 

6

Sinistres présages

    Tristes tropiques,
Lancinants soupirs de la Nature… :
Perçoit-on le cœur oppressé ?
Parmi les déserts, les forêts,
Au cœur des rivières et des prés,
Un vent funeste brûle de se lever… :
Ressent-on la poitrine angoissée ?
Et que dire sur les multiples naissances,
Les pressantes approches, les alarmes,
En l’horizon, les ombres des futurs proches ?
La rumeur des mers, des rocs,
L’étrange visage, les sinistres présages,
La houle, tout semble n’aspirer qu’à s’enfler. —
Quelle scène formidable ! Quel moment décisif ! —
Les grondements de l’orage balbutient encore,
Un calme trompeur égare l’âme qui dort.
Toutefois, d’aucuns ne s’y trompent point ;
Au loin, tout à côté, le cruel vacarme s’apprête,
Tandis que dans les songes la petite se baigne.

 

7

Modelage salutaire

    Un jour, ne saisissant plus grand-chose
De ce qui se passait et tourbillonnait
Au-dehors aussi bien qu’au-dedans,
Il se résolu à s’arrêter en lui-même un moment.

 

    Saisissant la glaise dans l’urgence,
Il commença à modeler ses discrètes sensations,
Ses insensibles affects, ses muettes considérations ;
Lorsqu’il s’arrêta derechef : ses mains abritaient le soi.

 

    Peu à peu les tourments en tous lieux s’évanouirent,
Le calme, la plénitude dans le nouveau logis s’installèrent ;
Et quoique les spirales du monde continuassent de mugir,

En son sein régnait affermie une amène atmosphère.

 

 

Photo © iStockphoto.com / Aluna1 

Classé sous :Journal

Le bon grain et l’ivraie

Le bon grain et l’ivraie

13 février 2017 par Vincent PAYET

 

1

Le bon grain et l’ivraie

    Dans nos yeux s’élèvent, silencieuses,
Les collines majestueuses.
Et déjà à l’intérieur de nos têtes ardentes,
Sous l’intime voûte,
L’effort, l’ascension, la subtile invitation
De résonner semble ne plus vouloir s’arrêter.
Toutefois, nous devrons d’abord traverser…
Traverser les vagues,
Les vagues étendues,
Sans cesse éviter,
Encore, et encore,
Éviter les lames,
Les fruits fatals,
L’ivraie enivrante ;
Et, regardant les hauteurs,
De celle-ci, de ses effets
Continuellement nous éloigner :
Tout en nous hissant graduellement,
Avec une constance,
Une ardeur journellement renouvelée, séparer —
Séparer à toute heure le bon grain et l’ivraie.

 

2

Quand il faut se taire

Qu’on m’éclaire, que l’on m’instruise de l’intérêt de tant et plus de paroles expectorées, quand, au préalable, le temps nécessaire n’est pas consommé afin de percevoir et d’imaginer, de sentir et de créer ? Quelles saveurs, quelles valeurs prendraient les morphèmes — insipides ! —, les concepts — imités ! —, les modèles — tout usés ! —, sans les sentiments, sans l’intuition, sans la vision personnelle du créateur qui par la fureur du sort aurait été rendu éloigné des images mentales du monde extérieur… à l’écart de sa propre réalité intérieure ? En ces déplorables circonstances, en ces vaines conditions, pour quelle raison une intelligence neuve s’obstinerait-elle ? Et parmi quels desseins ? — Parmi quelles platitudes ? Au milieu de combien de folie ?

 

3

Expériences perdues

    Tranches de vie,
Expériences successives,
Que votre présence est sentie ;
Combien parmi les veines-cuves
S’écoule par la fissure
Un sang toujours vif !

 

    Mais si, pour vous fixer,
Nul ne s’arrête un instant,
Alors que deviendrez-vous… ;
Où irez-vous vous perdre ? —
Belles, Belles à robe vermeille,
Qui, qui de votre éclat se souviendra ?

 

4

Végétalité du poème

    Le poème se tient là,
Dans sa verticalité propre,
Respirant, observant.
Il n’éprouve pas le lieu et le temps
Ainsi que le font l’aigle et le guépard,
Ainsi que l’animal humain ;
Non seulement tranquille,
Mais très dynamique,
Il ne forme pas uniquement
La vague hurlante,
Le mont immobile,
Le désert silencieux,
Ne court pas simplement au cœur
Comme la flèche, ou le glaive,
Ou le baiser, ou l’amour.
Dans toute sa force,
En l’instant renouvelé il se présente :
Serein spectateur et bouillant acteur,
Image inerte et tableau parlant,
Témoin muet et bouche invitante.
Semblable aux charmes de la plante,
Il est noblesse de même que fierté,
Exubérance aussi bien que réserve,
Pudeur ainsi que prudence. —
Il naît, croît et éclot,
Telle une évocation, une suggestion…
Telle une offrande patiente.

 

5

Jeunesse retrouvée

    Au loin s’élève une lueur,
Une élégante humeur,
Un air mélodieux :
Entend-on le poète ?

 

    Autrefois, son cœur accablé,
Ses poumons angoissés,
Sa voix railleuse et déclinante,
Tout en lui vacillait et grinçait.

 

    Mais combien il a retrouvé
La grandeur ! Combien, derrière lui,
Il dépose et laisse les souffrances,
La détresse, la misère, ses victimes !

 

    Et quelle joie à présent répandue !
Quelle ampleur nouvelle,
Quelle sagesse retrouvée,
Quelle jeunesse heureusement renouvelée !

 

6

Quelle prétention

    Composer des vers, quelle prétention !
Qu’on ne me noie pas dans l’humiliation !
Le torrent fait ce qu’il fait, est ce qu’il est,
Courez comme lui, impétueux et heureux.

 

    Lorsque vous l’entendrez rouler ses tourbillons,
De grâce, ne le couvrez pas d’immondices ;
Accompagnés de meilleures considérations,
Vous pourriez même vous y baigner !

 

    Composer des vers, quelle prétention !
L’onde déborde volontiers dans cette saison !
Danseuses timides, souliers presque libres,
Approchez ; approchez l’enfantine ronde.

 

    Et lorsque certains percevront la modeste vibration,
Sauront-ils vouloir l’accueillir aimablement ?
Car, si en un cours heureux l’oreille s’ouvrait,
C’est une âme amie qui jovialement se montrerait.

 

    Au reste, quand bien même elle devrait essuyer les outrages,
La pauvre petite ne vous fustigerait davantage :
Sa nature est ainsi faite que, depuis toujours et partout,
Elle apprend à éprouver la rude tempête.

 

7

Jeu vital

    Que l’on considère les phénomènes
De même que tous les objets du monde,
Que soit posé sur toute chose,
Concrète, ou bien immatérielle,
Un regard nouveau, comme enfantin.

 

    La vie forme un vaste jeu, très sérieux,
Qui dès sa naissance refuse la médiocre attention ;
Aussi ne suffit-il point d’y folâtrer trop légèrement.
Le nécessaire ? La toucher, la soulever,
Avec de gaies petites menottes la manipuler et l’aimer.

 

8

Encre rouge

    Qu’y a-t-il de si singulier dans son âme ?
Avec de l’encre froide, des mensonges,
Avec de la faiblesse, de la peur
Ses paroles ne sont point écrites.
Plutôt, ses caractères révèlent,
Aux yeux s’y penchant suffisamment,
La folie sans doute, mais l’ardeur également,
La fureur même, la haute et belle énergie,
Aux natures sachant voir,
Leur vraie nature, leurs substances vraies :
Un monde d’émotions, de sentiments,

Une encre dans l’intensité, une âme en ignition.

 

 

Photo © iStockphoto.com / Pepe_Saavedra

Classé sous :Journal

La Raison

La Raison

8 février 2017 par Vincent PAYET

 

1

La Raison

    Que sur le chemin de l’école
Les jeunes âmes s’ébattent !
Que leur joie débordante
Soit innocemment exprimée !

 

    Qu’à l’ombre des grands bois,
Au sein des vastes ramures,
L’écureuil continue de batifoler ;
Que la gaîté sous ses pas ait logé.

 

    Les plaisirs de notre âme,
Nous, nous les trouvons
Dans la découverte des vérités,
Parmi le jeu et la liberté.

 

    Notre pensée, notre corps tout entier,
Lorsqu’il s’exprime avec aisance dans les mystérieuses
Et rieuses régions du rêve et de l’imagination,
Retrouve le soi, l’envie… de vivre sa raison.

 

2

Des obligations

    Si toutes ces tâches dérangent les autres,
Comme à l’intérieur du créateur elles ennuient et entravent,
Combien les obligations l’irritent et l’accablent !
Qu’en lui, où les mouvements intérieurs ne s’épanouissent
Qu’à l’air libre, où le cœur se nourrit de hauteurs,
Le banal, le stérile… qu’en ce sein tout passe la gêne !

 

    Étrange destinée, ne laisseras-tu donc point vivre l’âme artiste ?
Ne lui sera-t-il point permis d’embrasser sans menottes,
D’épouser sans barreaux ni cachot
La course toute naturelle de ses ardentes inclinations ?
Ah !… que les considérables faveurs ne sont-elles point octroyées au mérite ? —

 

    Tonnerre ! Qu’à l’honnête homme soit accordé qu’il hume
À l’abri des vaines alarmes ses plus doux vertiges !
Que le poète chemine, que la nature libre croisse et se réjouisse
Dans la simple respiration, dans la pure inspiration :
Parmi son art, dans la spontanée, la déliée, la céleste ampliation !

 

3

Hallier venimeux

« Dans le lointain, va-t’en donc les chercher,
Et amène-les sur un sentier plus clair !… » —
Mais l’enchevêtrement est si serré, grand diseur !
L’accès si difficile, presque intangible, comme indécis !
Outre cela, ne devines-tu point l’extrême hostilité de l’endroit,
Sa méchanceté, son inconscience, sa décadence ?
N’entends-tu, dressées en ces sinistres lieux, parmi les sombres buissons,
Siffler en chaque point les innombrables têtes de vipères ?
Ne pressens-tu enfin la pleine vigueur de leur venin ?
Eh quoi ! tu voudrais qu’armé de mes seules espérances
J’allasse hardiment y semer quelqu’autre rayon, doux et bon !
Qu’un être doué d’une petite dose de bon sens s’y enfonçât et,
Dans ces forêts toutes sépulcrales, dans l’impasse instable,
S’essayât à affronter l’Hallier venimeux — l’Hallier impénétrable !
Allons ! devant de tels desseins, et surtout face à la réalité,
Ecoute !… Et entends !
Puisses-tu considérer tout cela, ensuite dans la confidence éclairer ma question !…
Pour lors, qu’y aurait-il en mon ambassade…
Qu’y aurait-il en la tentative qui ne soit l’oeuvre d’un fou ?

 

4

Vérité sidérale

    Espaces, temps, particules,
Champs quantiques,
Invisibles,
Immenses,
Proches,
Étrangers,
Que l’on s’imagine
Emplis d’amour,
Bien illuminés,
Amènes même,
Mais qui, en vérité,
Ne sont que de multiples divinités
À humeur volatile,
Pour l’ordinaire froides et obscures,
Des manières d’esprits
Essentiellement rieurs,
Si ce n’est tout à fait
Persifleurs !

 

 

 

Photo © iStockphoto.com / nadyaillyustrator 

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