1. Funeste Primat.
Le primat du chiffre sur l’affectivité : au sein de nos sociétés, est-il constat plus sérieux ? De froids systèmes, sous le couvert du bien commun, de raisonnements fort variés et colorés, de démonstrations regardées comme puissantes et lumineuses, développent, en vérité, sur les cœurs humains, sur ces organes angoissés, leurs lianes verdâtres, leurs visqueux et détestables tentacules — répandent l’immonde. Là où les émotions et le sentiments s’estompent peu à peu, où la vie intime de l’être est graduellement réprimée, cadenassée, étouffée, en ces lieux tellement ordinaires, est-il toujours permis d’espérer la jouissance dans un paysage autre que celui de terres calcinées ? L’individu, en vue de se protéger, ou bien, et ceci est le cas le plus fréquent, de dominer, vaincre et « posséder » son prochain, soustrait, à son insu, des forces de vie incomparablement saines un élément si essentiel : la capacité de considérer, de comprendre, de sentir pleinement ce voisin et, davantage — de sentir ce dernier de la même manière que soi-même. L’équilibre est repoussé vers les lointaines contrées, et l’harmonie potentielle, ce lien tant nécessaire, tant cher entre le soi et l’autrui, cette sorte d’heureuse promesse se trouve, en conséquence, pour ainsi dire exilée. Dans cet état actuel des choses, atteintes d’un fléau destructeur, funeste à ne pouvoir l’être davantage, c’est-à-dire ignorant leur propre morbidité, comment pourrait-on encore attendre, qui plus est, avec confiance, que ces civilisations, situées aussi loin de l’empathie et de l’altruisme, se résolvent jamais à se soigner ?
2. Spectacle de dévastation.
Tant d’humilité unie à tant de connaissances ! tant de grandeur d’âme avec tant de richesses et de puissance ! et la tranquillité de l’esprit en pleine tâche !… Voilà ce que l’on nommait autrefois un Homme. Ainsi, au milieu de la crise « écologique », en plein cœur de cette forêt abattue, au pied de la dévastation de la culture comme du caractère, il ne se trouve que le fou ou le philistin pour ignorer, ou bien nier l’évidence : l’extinction imminente de cette manière d’espèce. Les provinces, les campagnes, les villages… les sols, les pousses, les récoltes… par les ouragans, par les épidémies, par les incendies… essuient les furieux tourbillons, les intraitables flammes, les pertes inestimables, — le feu continu de l’invisible ennemi ; ne nous laissant, à nous les consciences dans les sphères de la révolte, que notre bras afin d’ôter la sueur de nos fronts tout plissés — afin d’essuyer cette surface de chair… toute souillée par les larmes et les poussières.
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