Combien l’homme en affrontant ses interrogations ne cesse d’immerger sa pensée dans les mythes et les dieux ! Combien en agissant ainsi il oublie et le monde qui l’entoure, et la vérité toute proche ; cette petite fleur présente en chaque grain d’espace et de temps, logeant à la nature même des choses ! Qu’il semble ignorer qu’une lumière éclatante baigne ces dernières, et qu’elle est visible pour ceux qui se font la peine de dessiller leurs propres yeux, pour ceux qui se laissent envahir par le désir de déchirer les voiles de l’ignorance ! Éclairé de quelques bonnes idées, l’individu sait, en soi-même, apprécier cet espace où l’on se réunit sur la place publique afin d’observer, d’analyser, de débattre, mais, hélas ! habituellement, le bon sens n’est pas invité à l’agora, fréquemment les arguments, les raisonnements, les histoires inconsistantes sont, par les humides et obscures grottes béantes, à sa place déversées — bien souvent la prudence, la modération, la raison… la pensée critique est mise de côté. Toutefois, d’aucuns l’ont sentie, et ils continuent à la nourrir, la belle et fragile Pensée scientifique aujourd’hui toute formée ; ces intelligences pénétrantes perçoivent ses mouvements, et à cette beauté ils se sont très vite attachés ; déposant leur oreille sur le flanc battant, ils écoutent émerveillés… elle s’agite, elle veut grandir : « Ô merveille vivante en ma présence révélée ! Ô naissant esprit de la si vieille et si naïve jeune femme ! Prodigieux fœtus dans le globe d’une Humanité prégnante depuis peu ! » sont les sentiments qu’ils ne peuvent alors s’empêcher d’exprimer. Mais, ces autres, n’entendent-ils donc pas les vibrations du liquide amniotique ? ne la remarquent-ils pas par les ondes à la surface ? Et déjà les membres de l’enfant à naître, depuis trop longtemps comprimés, ont grand’soif de dégourdissement ; déjà la volonté d’emplir ses vigoureux poumons, de respirer l’air frais s’empare de son être… et au monde, dont il a tant dû supporter les rumeurs, il entend se donner tout entier — et en celui-ci l’amender. Oh ! des pas résonnent on approche ! Mon dieu ! quelles sont les propriétés de ces mains qui accourent ? les doigts sont-ils accueillants et enveloppants, ou bien durs et méprisants ? — Et quelle est cette destinée qu’à leur tour elles convoitent de lui donner ?
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