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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour octobre 2016

Naissance des étoiles

Naissance des étoiles

7 octobre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Naissance des étoiles.

J’aperçois les nues de haute culture. En elles, certains espaces abritent davantage de densité, qui aspirent toujours plus de matières, diminuent de volume et chauffent. Dans les nuages des nobles pensers, des fœtus d’esprits émergent, se précisent et espèrent. Ces neurones hyperexcitables sont nos grandes espérances ; déjà ils attirent les regards de ceux qui veulent voir, — et bientôt constitueront nos plus belles guirlandes lumineuses, les plus précieux éléments des peuples : les étoiles les plus pures de nos ternes cultures.

 

2. Le crépuscule des astres et la semence étoilée.

Toujours, et encore : Quel pourrait donc être le but de toute culture ? La formation d’éléments lourds et rares, c’est-à-dire d’êtres d’exception : la création de la valeur même, produisant la valeur et la multipliant. Car ces corps célestes, lorsque viendra le moment, lors de l’implosion de leurs cœurs, répandront dans le dernier soupir, sur les générations présentes et à venir, leurs idées lumineuses, leur œuvre inestimable, leur trésor. Car en effet, l’histoire de la pensée dans tout ce qu’elle comporte de prodigieux, n’est en définitive, en grande partie, que poussières d’illustres étoiles du passé ; et c’est à l’homme actuel, et en son propre cœur, qu’il incombe de permettre à ces astres révolus de continuer d’étinceler. Car enfin, le point que tout esprit honnête vise, le lieu où il se propose de se rendre, la fin qu’il entend rejoindre n’est autre que l’ensemencement des terres, des mers et des airs ; n’est autre que l’enrichissement perpétuel du feu, que sont les vagues de nouvelles consciences, par les inaltérables, les continuellement fraîches, les éternelles graines d’or antiques, contemporaines et futures.

 

Photo © iStockphoto.com / Trifonov_Evgeniy

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Des rêveries

Des rêveries

6 octobre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Des rêveries.

Oh ! l’individu astucieux ! Comme sa situation est agréable et pittoresque ! Il s’est fait là, au milieu des hommes, un petit réduit paisible. En ce lieu commode et accessible, il reçoit avec aménité ces honorables invités : il lit son Lucrèce, son Nietzsche, son Valéry… Quelquefois, il se lève, se promène et s’accoude à une fenêtre ; alors, son regard s’enfonce dans d’étranges rêveries, y passant des heures entières, et de curieux êtres se mettent à lui rendre visite. C’est durant ces voyages à l’étranger, à l’intérieur de lui-même, que notre promeneur solitaire compose ses meilleurs tableaux, qu’il peint de la manière la plus juste ces autres, ses semblables, leurs passions et leurs effets, les mœurs et les êtres — les mouvements de la pensée et ses crises, la nature de l’esprit… la nature des choses. Vis-à-vis de lui et en lui, parmi ce fonds très riche, il entend exploiter les lignes droites, les courbes, les formes rares, les volumes ordinaires, les configurations géométriques étonnantes ; et il se détermine à rendre clairement et vivement la variété, à épouser, — dans cette débauche de sens et de non-sens, de détails et de sentiments, — non pas la condition de l’homme moderne, mais celle de l’artiste. Car en effet, en cet état de conscience singulier, en ces régions confinant les terres de l’illumination, seul le portrait, seule l’existence du grand esthète, lui paraît être ce qu’il y a au monde de plus souhaitable.

 

2. Vin exquis, Mer rouge.

Ô mes compagnons ! pour quelle raison le calice de la vie, la coupe aromatisée, l’amie délicieuse est-elle si rarement portée aux lèvres ? Pour quelle raison si rarement sa magnifique robe rouge danse-t-elle devant vos yeux subjugués et pénètre-t-elle dans vos sens et vos coeurs troublés d’ivresse ? Mes aimables compagnons, c’est que les mains par trop tremblent et, ce qui est bien plus grave, qu’elles craignent indiciblement les secousses. C’est ainsi que les consciences, fuyant quoi qu’il en coûte l’éventualité de la peur, — l’intensité, la beauté, la volupté, les plaisirs de l’âme et du corps ont beau se trouver tout près, beau dire et beau faire, et le vin exquis déployer toute sa magnificence, les hommes, las ! par beaucoup de ruses, de dissimulations, de cécité et de pusillanimité, ne cessent, à leur insu, de parfaire leur maîtrise de la noyade, dans la plus sûre et toutefois plus tragique des mers.

 

Photo © iStockphoto.com / night_cat

 

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Musa

Musa

5 octobre 2016 par Vincent PAYET

 

1. Musa.

Ô sublimes déesses, ô filles de Zeus et de Mnémosyne ! De grâce, n’abandonnez point vos sujets ; de grâce, secourez-les ! Du mont Hélicon, à l’égard de vos pauvres créatures ayez donc quelque pensée ; Uranie ! Clio ! Euterpe ! Thalie ! Melpomène ! Terpsichore ! Calliope ! Érato ! Polymnie !… : Sœurs immortelles, quand condescendrez-vous jusqu’à vouloir bien visiter ces âmes qui gémissent et s’éteignent ? et soufflerez-vous l’inspiration sur ces petites flammes au teint pâle comme la mort ; ces minuscules chandelles, dont les charmes au milieu de la tristesse se fanent, dont les rires languissent parmi la faiblesse, — dont les larmes même sont devenues… affreusement fades ?

 

2. L’art de se mourir.

Ô illustres âmes ! Comme votre œuvre déjà éternelle, sur les sentiers vers vos cœurs, dans le bois ténébreux égara la mort ! À peine le monde quitté, vous voilà de nouveau parmi nous ! fraîches comme une rose, fraîches comme le jour ! C’est que vous saviez quelle était la plus belle manière de vivre, et que celle-ci vous instruisit, lorsque l’heure funeste descendit, de l’art de se mourir, qui seul permet le grand départ, dans la sublimité des pensers et du style.

 

3. L’étranger.

Cet état de choses où tu te trouves,
Ne le considéreras-tu pas même un instant ;
Est-il seulement possible,
D’être si étranger parmi la connaissance, l’art et la nature,
D’être une étrangère en son propre pays ;
Est-il permis de survivre ainsi,
Au milieu des fariboles, des vétilles, des bêtes :
Au cœur des demi-hommes,
Éloigné des sentiers les plus purs,
Des monts les plus élevés —
Loin de tout ;
Tes racines ne te poussent-elles donc point
Aux actes dans la grandeur, —
À monter, à escalader, à goûter sans la peur
L’immense voûte claire ;
Et ton aile presque rognée,
À rejoindre l’éclair, à planer dans l’altier —
À éprouver au-dessus des humaines mers,
L’admirable éther ?!

 

Photo © iStockphoto.com / palau83

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La statuaire grecque et l’astre des nuits

La statuaire grecque et l’astre des nuits

4 octobre 2016 par Vincent PAYET

Alentour, les évènements mineurs grouillent, pareils à des vers indisciplinés plongeant dans l’écume des instants, et le précieux présent s’enfuit sur ses humides ailes toutes déployées. La raison de cette fuite accélérée est évidente. L’exigence, pour les cœurs qui peuplent le temps où nous vivons, est une parfaite étrangère ; nous voyons l’esprit errer de-ci, de-là, — flottant sur des épaules n’ayant plus l’habitude des choses denses, de la masse de la valeur, — ne sachant où donner de la tête, et ne se nourrissant, en passant, complètement éperdu, que d’éléments indignes d’y faire époque — si bien que la conscience non préparée, non avertie, par une manière d’insidieuse indigestion est happée. Cette âme saisie, dont l’estomac éprouve moult tourments, cette âme toute malade est comme prise par la surprise même ; et les causes étant ce qu’elles sont, les effets, inéluctablement, appartiennent aux plus tenaces : l’état morbide s’installent dans l’avenir, la rendant incapable de faire face d’une part aux éruptions en son sein, de l’autre à l’éclosion des crises du milieu. C’est ainsi qu’elle ne prend pas en considération la belle religion — qu’elle s’établit dans une complète indifférence à l’égard de l’Art ; piétinant ses plus charmantes plantes, elle délaisse ses pensées élégantes, ses émotions épurées, son grand caractère naissant : l’important de l’existence, le sel de sa vie est laissé de côté. Ainsi, au crépuscule de sa destinée, en ces moments où le sentiment de la limite, où la dureté de la barrière, où l’inéluctable borne… en ces éternelles heures où il semble que le Terme lui-même veut imposer, incessant, ses propres sentiments, sa loi à la vaincue, la pauvre pensée… lorsqu’elle lance ces regards vides en direction de ce passé par trop fuyant, de ce paradis perdu à jamais, c’est pleine d’une insoutenable certitude que la malheureuse se voit dans la glace : envahie par les ombres, emplie de noirs désirs, de sombres regrets. « Ciel ! qu’aperçois-je ? s’écrie-t-elle alors, en plein désespoir. Autrefois tant de grandeur s’offraient spontanément à mon cœur, tant de charmes, de forces, de bontés flottaient là, proches, auprès de mes hautes espérances ! mais j’étais si aveugle, si sourde, si froide !… ; entreprendre de les étreindre, d’épouser mes propres formes, d’enlacer de mes bras mes enfants ! tout cela, ma condition me le refusait ! Ah ! toi, misérable créature que je suis devenue ! l’occasion inestimable était… d’habiter les nobles actions, de rencontrer le courage, de déposer des empreintes impérissables — telles celles de ces seuls femmes et hommes antiques dont on se souvient encore des noms, tels ces monuments des Égyptiens défiant continûment la flèche du temps, telles les plus élevées et les plus pures constructions humaines —, mais… elle était. » Ô petite flamme qui tremble désormais ! qui sent venir le vent froid ! si tu eusses su tout ceci, comme toute la face de ton œuvre aurait changé ; comme la valeur, la vigueur, l’essentiel, dans les déserts de l’absence, dans l’étendue aride de ta vie… — comme la plénitude se serait faite jour ! Las ! tu sens maintenant jaillir, de l’avenir que tu te figurais lointain, les rouleaux de la longue nuit ; tes oreilles devinent les ondes amères assoiffées et les tourbillons glacials hurlant de faim ; tu pressens un malheur : la venue du lourd manteau des sombres vagues infinies, les longs replis obscurs du futur exalté, les pas galopant dans la rigueur, le destin inexorable réduisant sans faiblir l’intervalle vacillant !… Ô drame ! N’ayant pu maîtriser l’art de vivre et de périr, tu n’es point en mesure d’opposer à la terreur le calme d’airain du sage ! lequel sait que le marbre des siècles possède ses marques pour l’éternité, lequel sait que sa nature, tout de même que la statuaire grecque, atteindra la pérennité, lequel n’ignore point… que même lorsque sa chair disparaît, l’astre du jour, quant à lui, devenu astre des nuits, à l’intérieur de l’âtre immortel, dans sa splendeur intemporelle ne cesse de flamboyer.

 

Photo © iStockphoto.com / ChiccoDodiFC

 

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Heureux les pauvres d’esprit

Heureux les pauvres d’esprit

3 octobre 2016 par Vincent PAYET

 

Quelquefois, il lui souvient d’abriter des matériaux exquis, des flux endormis, des énergies latentes ; il le sait, il le sent ; ils sont là, dissimulés, se reposant en son sein. C’est que ces phénomènes inouïs ne tolèrent pas si aisément qu’on les approche ; que la délicatesse et la grande pureté forment nécessairement la pudeur distinguée ; c’est là, dans le silence et à l’écart, que les entités pures prétendent évoluer. Pourtant, toutes ces formes de vie cachées, si elles ne sont pas déposées dans la clarté du jour, risquent fort de le payer cher, de faiblir et, telles des fleurs ayant absorbé un excès d’ombre et de fumées létales, de se flétrir pour jamais. Car certes leur âme recèle mille formes, cependant elles ne sauraient supporter dans la durée celle de l’oubli. L’aisance, la spontanéité, l’agréable zéphyr, l’ineffable liberté sont empreints sur ce visage protéiforme ; celui-ci possède un fonds de probité, un profond puits de vigueur qui, au fond, n’aspire qu’à la pleine expression, à vibrer, à se réjouir, à jouir de soi ; il éprouve en lui le souffle ; il désire donner la vie, et danser au milieu de ses enfants. Ici, nous entendons l’interrogation lancinante se cogner la tête contre le chambranle de notre porte : « Qu’est-ce donc que cette étrange existence sans ces sensations, ces sentiments, cette capacité de ressentir tout ceci, et sans la volonté de le révéler ? » Quand nous connaissons par expérience de telles forces, de telles promesses, de telles femmes et de tels hommes ; quand nous voyons qu’ils se remuent pour tellement peu et ne laissent pas de gémir dans leur caverne, de lustrer leurs chaînes, de se courber devant les conventions, les hiérarchies, les vaines récompenses, et que leurs actes ne constituent rien moins que des coups de pioche et de pelle enterrant les années les plus belles et les plus prometteuses de leur tellement courte existence ; que cette joie et cette assurance superficielle ne sont qu’un éclat si trompeur, si fatal ; cet état des choses, immanquablement, s’entend parfaitement à nous affliger. — Que les adultes nous semblent d’éternels gamins, leurs certitudes grotesques, leurs désirs habituellement vils, leurs plaisirs encore davantage et leurs buts atrocement méprisables ! Et quelle carrière pour la politique de la carotte et du bâton ! Las ! que peu de gens nous en croient ! « Heureux les pauvres d’esprit, ceux qui ne s’embêtent point à saisir le monde, qui abandonnent leur lamentable échine aux coups de fouet, qui tirent la langue et poursuivent leur route inlassablement ; heureux ceux qui iront visiter un jour le royaume inexistant », devrions-nous être tentés de penser. Mais nous nous reprenons : « Ah ! comme une belle averse ferait grand bien aux cultures ! Une averse de grêle, de prise de conscience, de réveil ! » La réponse à cela pourrait encore être : « Il ont pris leur parti, que cela leur soit profitable ! » Mais, aussitôt ces paroles en tête, nous ne savons nous empêcher de saisir notre plume, d’élever nos plaintes, de souffrir dans la compassion ; et bientôt nous nous endormons de chagrin, car il est déjà tard ; alors il nous semble que tout ceci ne peut être qu’un mauvais songe, et la réalité commence à trembler, à devant nos yeux se troubler, et nous nous mettons à rire… Dans la gaieté sincère, dans la douceur d’une certaine gentillesse nous nous moquons de nous-même, et nous nous réconfortons : « Tu t’es bien abusé, tout à fait égaré : Égaye-toi désormais, tournoie, valse pour jamais — trinque enfin à la santé de ton illustre société ! »…

 

Photo © iStockphoto.com / AdrianHillman

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Une brève histoire de la lumière

Une brève histoire de la lumière

2 octobre 2016 par Vincent PAYET

 

C’est une histoire étonnante que celle du cosmos, du développement des structures, de l’émergence de la complexité, de l’évolution de cet univers, de la naissance et de la croissance de formes conscientes capables de peindre ce flanc céleste qui les a enfantées en se racontant leur propre genèse et leur propre croissance ; que celle de ces harmonieuses combinaisons complexes se faisant le récit de la vie de la complexité, de leur propre histoire donc, où les acteurs sont des créatures à la fois issus du récit cosmique et le formant eux-mêmes ; que cet Homme résidant dans ce qu’il tenait naguère pour un tableau fixe, se croyant alors l’objet principal, le héros du portrait, et réalisant progressivement, en ce cadre, en cette géométrie qui se dilate, la présence hautement probable d’autres formes conscientes ; que cette création de notre héros, c’est-à-dire cette culture, qui, de nos jours, est une soupe faisant du « rayon-nement » sa prisonnière… — En ces conditions, quelle histoire serait-il judicieux que notre héros bien haut et droit sur pattes dessine à son tour ? Celle d’une transmutation des valeurs, d’une nouvelle aurore : l’aventure de la libération des particules du rayonnement, ces corpuscules vifs, ces entités lumineuses de l’esprit ; une aventure qu’il pourrait dignement transmettre aux visiteurs en devenir, aux générations futures ; l’expérience d’un jaillissement, d’un feu d’artifice, d’un bain de photon ; la représentation d’une humanité débarrassée de ces unités d’information culturelles tout à fait défectueuses, pernicieuses, opaques ; l’aventure enfin d’une héroïne, cette Eau claire et abondante apportant une manière de purification, une fabuleuse pluie de lumière pour l’esprit — en d’autres termes l’histoire des éléments bénéfiques du patrimoine collectif des nations en fuite du tissu scléreux, le découplage entre les idées altières et les pensées décadentes, — la venue au monde du « rayonnement de fond psychique » !… — Car, afin que l’avenir emprunte un chemin prometteur, est-il d’autre voie que d’oeuvrer pour ce précieux découplage entre les choses basses et obscures et la vision haute et claire ? que de séparer la hauteur de la bassesse, la connaissance de l’obscurantisme, les lumières des ténèbres ? et que de permettre à la conscience, ainsi libérée, de parcourir les vastes espaces, les prometteuses contrées ? Car, toute particule lumineuse — et nous émettons l’opinion qu’il s’agit ici d’une question de justice cosmique… — ne devrait-elle point être en mesure de répandre son rayonnement, de prodiguer son flux, de dévoiler sa nature ? toute vérité d’offrir la beauté de son visage ? — Ah ! pour tous ces explorateurs du réel, dont l’âme frissonne de plaisir, frissonne de tout son corps lorsqu’ils reconnaissent ces belles lignes, ces traits délicats ; pour ceux qui osent goûter la félicité cachée en toute vérité ; pour tous ceux qui, en pleine confiance, et le cœur enivré, et l’âme enchantée, boivent à la délicieuse coupe de la vie ; pour toutes ces âmes fougueuses… l’heure du démiurge de la connaissance, du daimôn de la science, — conscient de ses lacunes mais aussi de sa puissance ! —, est venue ! — L’heure d’un nouveau… : « Fiat lux » !

 

Photo © iStockphoto.com / neyro2008

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L’inclination naturelle

L’inclination naturelle

1 octobre 2016 par Vincent PAYET

 

1. L’inclination naturelle.

L’être libre ne saurait légitimement prétendre être véritablement délié que s’il épouse ses propres formes, sa nature authentique, que s’il cesse de lutter contre sa biologie, son essence, sa physique. Comme ses propriétés courbent son esprit, il doit, au sein de ses circonvolutions, dans ses chemins propres, glisser. C’est, en effet, l’inclination naturelle de son espace mental qu’il se doit de chercher et d’emprunter. Et certes, il peut agir à l’inverse, en s’affrontant lui-même, mais, alors, quelle dépense de matières, quelle perte d’énergies, quel gaspillage de substance humaine il connaît ! — Que quelqu’un nous dise donc comment l’on peut devenir qui l’on est, sans embrasser spontanément, sans s’adapter exactement à sa courbure, sans suivre la pente, la trajectoire aisée de son âme — sans, le mot est emprunté à Luminet, le       « couplage entre matière et géométrie » !

 

2. Les immortelles.

Certaines conceptions basses et fausses sont immortelles seulement parce qu’elles possèdent l’unique avantage — issu de leur faible masse, de leur inconsistance — de courir plus vite, et cela en dépit de leurs minuscules jambes, que les hautes vérités ; seulement parce qu’elles sont en mesure de fuir sans arrêt, et au sein d’une célérité continuellement croissante, les preuves massives désirant, au nom de la loi, les arrêter… C’est ainsi qu’ordinairement légèreté et superficialité emportent la victoire sur les pistes mentales du monde. En cet état actuel des choses, à l’intérieur de lois fondamentales fort singulières, comment la douce et chaude lumière elle-même, la noble connaissance, oserait-elle espérer un jour combler l’intervalle, rattraper l’expansion, saisir sa grande rivale, la grande fuite ! Même : Comment saurait-elle faire le poids face à un tel adversaire fonçant dans un tel avenir : un étourdissant désert froid et obscur se formant implacablement, une étendue, une entité, une si puissante absence — cette formidable présence à venir ?… « Les données ont ceci de merveilleux qu’elles enterrent les théories », assène Frans de Waal — et pourtant…

 

Photo © iStockphoto.com / CHAIWATPHOTOS

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