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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour août 2016

Toilette mentale

Toilette mentale

31 août 2016 par Vincent PAYET

 

1. Toilette mentale.

Sans respect pour son sommeil, un vacarme d’enfer l’arrache. Et quelles formes ses yeux encore lourds de sérénité commencent à sentir sur eux se former ? — Des hydres incontrôlées ; des aspirateurs fin soûl sur pilote automatique ; des ventres affamés n’ayant point d’oreilles ; des esprits inconscients avalant prestement des huîtres, des lapins, des métaux… tout ; des estomacs détraqués courant en tous sens… : des âmes et gobant et gobées. Alors, en son for intérieur, une pensée sourd de la terre, et lui donne ces mots : « Ces consciences sont obstruées ; considérable est le besoin, colossale l’urgence, primordial le remède : voici venu le moment, pour la petite planète, de prodiguer — en vue de lutter contre la deuxième loi, de se prémunir contre le froid, les virus, la culture actuelle, de repousser ces forces désirant transformer les cervelles en un tonneau d’entropie toujours plus vaste, toujours plus dense — des soins à la malade, à elle-même, de convoquer la grande hygiène, de pratiquer, quotidiennement, sa toilette bronchique, gastrique… mentale. » Dès cet instant, notre rêveur éveillé saisit par l’intelligence le concept d’« écologie de l’attention1 » — il entend ses lois, son importance, sa valeur ; et, descendant, mi-nu, dans les ruelles des villes, il lui prend comme une irrésistible envie de cracher jusque sur les places, jusque dans tous les recoins des cœurs, tous les replis des esprits, comme possédé d’une toute-puissante empathie, d’un altruisme inégalable, d’un désespéré secours pour les souffrants excessivement atteints : ses soeurs et frères ne sachant ni ne pouvant bien tousser.

 

2. Tableaux en pendant.

On pouvait admirer, disposés sur le grand mur des sociétés, le portrait du Conformisme, de la Prolétarisation, de la Bêtise — le Vortex noir ; et, en pendant, le portrait de la Noèse, de la Singularité, de l’Intelligence créative — la Fontaine blanche. En cette curieuse, en cette bien humaine symétrie se trouvaient donc, d’un côté, le Nihilisme, la Crise de l’esprit, l’Entropie ; de l’autre, la Création de valeurs, la Possibilité de rêver, la Négentropie…

 

  1. Titre d’un ouvrage de Yves Citton (professeur de littérature à l’Université de Grenoble et co-directeur de la revue Multitudes), Pour une écologie de l’attention, 2014.

     

 

Photo © iStockphoto.com/ ericb007

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La nature de la conscience

La nature de la conscience

30 août 2016 par Vincent PAYET

 

1. La nature de la conscience.

Il faudrait se représenter la conscience, non pas comme une surface fixe, rigide, un cadre immuable au sein duquel viendraient glisser les émotions, les sentiments, les idées les plus variés, mais bien plutôt comme un tissu souple, malléable : une matière, une toile, une pâte modelable et continûment sillonnée. L’attention serait alors, cette capacité du cerveau humain à donner une forme à l’étendue — cette masse inachevée, indécise, informe —, ces mains du potier engendrant, par une grande application, des constructions de toutes espèces ; ainsi, en se concentrant sur un objet particulier, il lui serait possible, à lui, l’artiste consommé dans la pratique de son art, de modifier sa propre courbure, de changer sa conformation et, ce faisant, d’imposer au contenu psychique de suivre telles déformations, telles trajectoires, telles circonvolutions de préférence à telles autres. Il posséderait le pouvoir d’influencer le cours de l’expérience éprouvée, d’orienter ses flots, ses remous même, ses messagers nerveux, ces mouvements migratoires, tous ces grands flux auparavant désordonnés, vers des voies plus harmonieuses, davantage propices. — Parmi ces circonstances, une carence de maîtrise, d’une manière toute différente, serait la principale responsable d’une configuration cabossée, d’un état défectueux, d’une géométrie morbide — la mère d’une vague éperdue, d’une onde affolée cavalant en tous sens, d’un influx à bout de souffle, ne sachant plus où il se trouve ni où aller.

 

2. Sustentation déséquilibrée.

Les paroles exquises sont faites pour sustenter l’esprit. Cependant, les bouches modernes engloutissent, encore et encore, tout ce qui flotte dans le champ de leurs indécentes mains. Une chose est sûre : tout estomac de pareils agissements n’est pas en mesure. La raison de cela n’appartient pas seulement au domaine du goût ; elle est bien plus profonde : là, essentielle est la physiologie, centrale la question de la nutrition. Chez les individus dont je parle, les aliments morbides insultent l’anatomie, pervertissent les processus, l’ordre de l’organisme, entravent le bon fonctionnement de la machine… de telle sorte que s’il se laissaient aller à la tentation, à des envies contre-nature, dans la promptitude ils connaîtraient l’organique décadence. C’est qu’ils n’ont pas dans le cœur un grand sac noir aveugle aspirant et broyant l’infâme aliment, mais un espace singulier, une place accordant à l’odeur, à l’aspect, à la texture, à la saveur, à la sonorité de qualité supérieure la priorité, un endroit inspiré choisissant la matière, sélectionnant ses lumières, accueillant sa substance, — sustentant son essence, son ballon… sa haute sphère.

 

Photo © iStockphoto.com/ agsandrew

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Des artistes et du clair-obscur

Des artistes et du clair-obscur

29 août 2016 par Vincent PAYET

 

1. Des artistes et du clair-obscur.

Ô artistes du monde ! qui des mathématiques à la poésie, de la chimie à la peinture recherchez, à l’extérieur et à l’intérieur de vous-mêmes, le sentiment de vérité et de beauté, parcourant les domaines de la création comme un jeune enfant se livre à des excursions en sa propre maison, pressentant que connaître le dehors c’est s’instruire du dedans, que descendre en soi-même revient à explorer les contrées avoisinantes, vous n’ignorez que subjectivité et objectivité sont mêlées, que les interprétations les plus distantes peuvent communiquer, qu’en vérité, tout se rejoint, même les espaces les plus éloignés, la raison et l’émotion, le corps et l’esprit, le conscient et l’inconscient, le réel et l’imaginaire, l’exact et le vague, le vérifiable et l’indémontrable, la logique et l’absurde, oui, vous ! les esprits éternellement jeunes, qui saisissez qu’en ce clair-obscur que l’on nomme la Vie, en cet infinité de nuances, en ces paysages imbriqués, en ces phénomènes intriqués il est, certes, d’invisibles tunnels pour les yeux, mais qui sont autant de passages, de liens, de voies — ô combien réels !…

 

2. De l’insoutenable effort.

À peine a-t-on ouvert un auteur que l’on est en mesure de juger sa nature. Il suffit d’attraper les premiers mots du texte, et de les soupeser : les esprits massifs donnent naissance à des lettres lourdes, à des termes denses, à des phrases compactes ; leur intellect réunit, ses marteaux s’abattent, ses presses compriment. C’est de ce point de vue et pour cette raison que l’on peut appréhender convenablement la fuite de ces foules de lecteurs, aux membres insuffisamment musculeux — l’effort requis leur est par trop insupportable ; la paresse par trop développée. Il y a un prix a payé pour toute chose, et de cette loi la précision, la clarté, la beauté de la langue et de la réflexion ne sont pas exemptes : et voilà la solitude, le désert, le petit nombre ! Ne feignons donc point la stupéfaction : — de tout temps le rare, le délicat, l’altier ont dû s’accommoder de l’indifférence générale.

 

Photo © iStockphoto.com / rep0rter

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Les lettres, dans tous leurs états

Les lettres, dans tous leurs états

28 août 2016 par Vincent PAYET

 

L’état de choses, en quoi consiste le monde actuel, montre à quel point les grandes pensées ne sont plus en mesure d’assurer leur rôle architectonique ; la preuve habite l’actualité. La science, en élevant toujours davantage le niveau de sa réflexion, a fini par perdre la tête, attirée par je ne sais quelle sorte de désir de puissance incontrôlé, oubliant les paroles de Rabelais, que, sans la conscience, elle « n’est que ruine de l’âme » ; la raison, toute troublée, fonce tête baissée dans les systèmes de pensées destructeurs ; le « mal », est produit d’après une idée du « bien » qui ne cesse de se revêtir d’une clarté graduellement obscure. Profond est le trouble de l’intellect traversant le front de nos pays sillonnés de failles — de nos sociétés endormies en leur formidable frénésie, en une douce folie —, mettant au rebut l’importance et la valeur d’apprendre et, surtout, de bien apprendre, jetant aux oubliettes ses Goethes, ses Voltaires, ses grandes Lettres ; tellement, que rares sont ceux qui sentent les vibrations, les fusées montantes : ces périls latents, ces monstres grandissant, souterrains. Abreuvés d’informations de tous les types, l’homme sombre dans l’illusion d’une meilleure connaissance des choses, négligeant Montaigne lorsque celui-ci énonce qu’il « mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » — il y a, comme l’écrit Valery, « l’illusion perdue d’une culture européenne », et une incapacité à « se servir des mouvements de [l’]esprit »… Au sein de la basse nef titubante, les greniers des cerveaux voient les flambeaux de l’espérance virer, rouler, tanguer et se déverser. L’avenir, même le plus proche, est un pays, un ciel si nébuleux (car si compliqué), si embrouillé, que les conjectures avoisinant la vraisemblance aujourd’hui, le temps d’un souffle vont se jeter dans la complète incertitude ; le jeu est tant instable, ses règles vaporeuses qu’il installe tout homme s’efforçant de percer les voiles du futur dans une situation où il doit tenter de prévoir l’orbite exacte d’une planète étourdie de chocs, stupéfaite : une ivresse qui, immanquablement, s’injecte elle-même dans les calculs du malheureux, produisant ainsi les conditions faisant que c’est à peine si, avec autant de désordre, d’incertitude, il devient possible de se fier aux probabilités même ! Le plafond s’écroule, le navire connaît le feu, mais rien ne change ; et cela ne change rien au fait que notre grand bipède, dans le jour comme dans l’obscurité, ne peut faire autrement que de marcher. Entre la passivité et le chaos qui menacent, sur le fil étroit de son histoire, les voilà ! le craintif, l’insouciant, l’innocent, le coupable, l’insensé… les voilà ! tous emportés par l’impulsion originelle, par ce vent qui couvre de givre, qui rend absolument givré, qui, mettant les gens de tous les villages dans le même bateau, les poussent comme un seul corps, à courir, à s’en aller de tous côtés. — Une certitude reste : fût-elle la plus parfaite de toutes les créatures, le serpent de sort, odieux, ne bougerait pas le moindre doigt pour elle.

 

Photo © iStockphoto.com / scisettialfio

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Vision autre de l’épistémê

Vision autre de l’épistémê

27 août 2016 par Vincent PAYET

 

1. Vision autre de l’épistémê.

L’être exceptionnel — un Démocrite, un Newton, un Darwin, un Einstein, un Lemaître, un Feynman… — est cette conscience qui, par la densité de sa pensée, irrésistible, est capable de courber un pan entier de la culture, quand il ne s’agit pas de sa totalité. C’est alors qu’à l’entour presque tout s’approche, se rassemble, converge, et, bientôt, l’ensemble ne voit, ne sent, ne vit plus qu’en cet immense œil. Admirant tout ceci avec un recul suffisant, on se croirait vraiment à ce lieu placé devant l’étonnant tableau d’une épistémê naissante, à cette place où la vision embrasse ce cadre dans lequel, toute une époque semble s’être donnée rendez-vous — en une seule et unique région.

 

2. Des bouées, de sauvetage ?

Autant de têtes, autant de théories de la vie ; comment pourrait-il en être autrement ? Cependant, qu’un grand nombre de ces systèmes d’idées puissent encore survivre dans un environnement aussi riche en moyens d’observation que le monde actuel, voilà qui suscite un fort sentiment d’étrangeté. J’entends : que les esprits répugnent souverainement à abandonner les concepts dépassés, ces ensembles d’opinions joliment apprêtées, parfaitement périmés — ces idées qui n’ont pas pu traverser le tamis de vérification, réussir les tests de la raison, survivre, face au réel impérieux, à la collision, bref, qui n’ont pas su passer avec succès l’épreuve du temps —, qu’ils s’accrochent à chaque parcelle, avec la fureur du désespoir, tels des naufragés à des bouées percées, au milieu des flots déchaînés par la crise des valeurs est un divertissement pour le moins troublant. Il n’est pas tout à fait défendu, en ce qui concerne certaines conceptions, d’user d’une variété d’adjectifs, comme « réconfortantes », « apaisantes », « aimantes »… ; mais, le délicat tympan, celui qui sait bien discerner, peut-il réagir différemment que par le grand rire vibrant lorsqu’il voit arriver des ondes portant sur leur dos des mots étranges, et parmi lesquels celui de « Vérité » ? Quant à quelques âmes — celles qui se disent, à part elles : « Quel droit avez-vous pour trancher, pour vous comporter de cette manière ? » —, nommer une pure représentation de la sorte… : leur entendement, leur goût y répugne !

 

Photo © iStockphoto.com / KhartsevaTetiana

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Auguste Justice

Auguste Justice

26 août 2016 par Vincent PAYET

 

1. Auguste Justice.

Petit insecte devenu toton entre les pattes du carnassier ; animal broyé dans la jointure de la fenêtre aux mains meurtrières ; restes d’un pigeon jonchant, à côté des feuilles mortes, la pelouse d’un parc ensoleillée ; fourmi absorbée par l’orifice d’écoulement d’un évier ; innocent papillon se noyant à l’intérieur de la goutte d’eau à peine versée ; rare et délicate fleur sous les pneus insensibles fanée à tout jamais… — silencieux, les drames pullulent dans l’étrange herbe de la vie. Reconnaissons cependant que la fortune est équitable, la justice cosmique impartiale. Car son esprit, son jugement ignore les faveurs, méprise les différences de classe, d’espèce, de genre, faisant des hommes et des « autres », de véritables compagnons de traversée. — Que cette réalité soit pourtant grandement et ordinairement délaissée des premiers est une évidence. Et que l’on ne me croie lorsque j’affirme cela, je n’arrive à le croire.

 

2. Prisonnier ficelé.

Lourde impression, sentiment-vague qui au sommeil entraîne, épaisse brume où s’enfonce l’horizon, nuée grise, longue, masse écrasante, nuée d’orage… : si l’on n’y prête attention, dès l’éveil de la conscience, dès le réveil du jour certains phénomènes nous enveloppent complètement, aspirant la tête et ficelant les pieds, pour, finalement, les empêcher de marcher.

 

Photo © iStockphoto.com / perysty

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Des esprits éminents

Des esprits éminents

25 août 2016 par Vincent PAYET

 

1. Des esprits éminents.

On peut distinguer deux sortes d’esprits éminents. Ceux qui sont comme nés « massifs »,       « imposants », « titans » ; et les autres, d’une émergence plus légère, mais abritant un potentiel de développement colossal : une force, une flèche, un souffle irréversible déversant une prodigieuse expansion en chaque point de leur conscience. Toutefois, pour l’un comme pour l’autre, l’environnement est primordial : il faut que la subsistance disponible soit en quantité et de qualité suffisantes, que le gaz, les particules, les fragments, le matériel, le disque d’accrétion enveloppant leur foyer soit à la hauteur de l’enjeu, qu’il contienne les éléments nécessaires à l’alimentation, au fonctionnement d’un organe difficile ne se nourrissant que de carburant pur et dense, de pensées sublimes, de suc, de quintessence — il faut que leur insondable cœur vibrant puisse continuer à inspirer et expirer, à s’inspirer pour ne point s’essouffler, à se bien remplir pour ne point rendre… le dernier soupir.

 

2. Des fenêtres dans les grottes.

Le mystère est là, sous les yeux de l’humain, paisible. Il ne manque plus, pour percevoir la splendeur des choses, que de bons instruments et de bons yeux ; et des bras puissants, qui trouent les murs, qui créent des fenêtres afin que l’air vivifiant, les beaux rayons puissent entrer, afin qu’à l’intérieur des grottes, de ces régions dans la pénombre du soir, humides d’ignorance, les nouveau-nés soient en mesure de plaisanter et de folâtrer dans et avec la salubrité, la lumière : des membres d’astronomes audacieux donc, conquêtant dans l’immensité, des voyageuses et voyageurs de la connaissance propulsés par le seul ressort de leur fabuleuse curiosité ; des astronautes de l’infiniment petit — cette pensée aux doigts fermes sachant saisir le concret, la biologie, la chimie, la physique, les mathématiques, l’abstrait à pleine main, en s’étonnant de tout et toujours, en souriant amplement, en, devant tant de beautés… s’extasiant entièrement.

 

3. Singularité illuminée.

À quoi reconnaît-on les personnalités d’exception ? Lorsqu’elles se laissent happer par le tourbillon des mondanités, elles finissent par s’effondrer ; — et la raison en est simple : comme leur masse considérable impose, en tant que condition d’existence, des raisonnements, des combinaisons, des collisions, des réactions thermonucléaires, en somme, des productions, des créations en vue de maintenir l’équilibre, il suffit d’empêcher un tel corps, une telle âme, une telle composition de donner le jour pour que cet astre gelé, n’ayant plus d’autre voie à sa disposition, ne fasse autrement qu’emprunter celle l’aspirant en sa propre destruction. Ces individualités doivent accueillir en elles, et perpétuellement, le mouvement, l’évolution, l’effervescence. Et c’est uniquement de cette manière, c’est-à-dire en cessant d’opprimer systématiquement ce qui sourd de tous côtés dans leur sein, que chacune d’elles devient capable de favorablement se hisser à cet état de phénomène extra ordinaire, unique : — une singularité viable, pleine, illuminée !

 

Photo © iStockphoto.com / Levente Janos

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