• Passer à la navigation principale
  • Passer au contenu principal

Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

  • Accueil.
  • Auteur.
  • Journal.
  • Newsletter.
  • Contact.
  • Archive.

Archives pour juillet 2016

Danse au-dessus d’un océan

Danse au-dessus d’un océan

16 juillet 2016 par Vincent PAYET

1. Danse au-dessus d’un océan.

Apprendre à ne plus rechercher chaque jour la stabilité, à ne plus désirer plus que tout la certitude, à ne plus s’appuyer avec l’ensemble de sa masse sur les objets semblant les plus assurés, — et fortifier sa volonté, lutter contre sa faiblesse, contre cette « formidable maladie de la volonté » (F. Nietzsche), augmenter sa force : la maîtrise des flots de sa conscience, de ses courants, de son écume… Ne serait-ce point là les conditions indispensables en vue de bien se soigner, de joliment danser, de librement et gaiement évoluer ? — Tolérer l’incertitude donc, le flou, les fluctuations et, face à l’insuffisance de sens, en créer soi-même, à son échelle, à sa manière : singulière, légère.

 

2. Trait peu probable.

Finira-t-on par voir toutes ces consciences s’arrêter un moment… se mettre à réfléchir, à se rassembler en elles-mêmes… puis repartir, chacune plus unie, fédérée, cristallisée, pareilles à des fragments de bois cohérents et liés lancés en un trait confiant, puissant et créatif ? — Sera-t-on les témoins de la magnifique envolée de toutes ses personnalités vers les pays chauds… — vers leur destinée, leur originalité, leur contribution ?

 

3. À demi déments.

Observer la nature droit dans les yeux, ne pas craindre ce qu’elle a à dire, ne pas fuir ses vérités ; mais les affronter avec l’insouciance de l’enfant, la raison du sage, la liberté de l’artiste. En place de cela ? Des paupières cousus, des cœurs lâches, des êtres se croyant adultes ayant abandonné les vertus de la jeunesse et gardé les tares de leur croissance, de leur précoce vieillesse, des esprits à demi déments, immolant en eux tout ce qui prenait la forme, la consistance, la voie de l’art.

 

4. Aux âmes qui se cherchent.

À ceux qui courent quérir leur chemin : Immergez-vous dans la vie, explorer ses domaines, parcourez ses contrées ! De plus, en marchant dans les pas de votre sentiment esthétique, en ces choses qui font vibrer toute conscience, goûtez ! et persévérez ! Oui, ayez confiance ! Car « l’histoire des découvertes est pleine de ces arrivées à des destinations inattendues, et aussi d’arrivées à la bonne destination par une fausse route » (A. Koestler) !

 

Photo © iStockphoto.com / rbv

Classé sous :Journal

Conservatisme et déviance

Conservatisme et déviance

15 juillet 2016 par Vincent PAYET

1. Conservatisme et déviance.

Les idées déviantes sont telles ces substances chimiques peu connues ingérées au cours d’une grave maladie : celles-ci ne constituent pas à elles seules le traitement complet — des molécules ayant prouvé leur efficacité et leur satisfaisante innocuité les accompagnent également ; cependant elles sont parfois indispensables dans la recherche d’effets autrement bénéfiques. Comme l’écrivait Erwin Schrödinger : « Pour développer des méthodes meilleures, il faut risquer des innovations, alors même qu’elles ne sont pas encore contrô-     lées ». Exprimé d’une manière différente : « Le conservatisme relatif qui résulte du haut degré de permanence » (pour reprendre les termes du physicien) des informations formant la culture (des mèmes) est primordial — les innovations ne doivent pas être majoritaires, car, dans ce cas, le système est mis en grand péril ; toutefois, qu’il s’agisse de mutations, de remèdes ou d’idées, pour en concevoir de préférables, la prise de risques est indispensable. Dans cette danse où, la règle, la norme, et, le rebelle, la déviance, se meuvent ensemble, la stabilité et la nouveauté possèdent chacune une valeur essentielle. Curieusement, l’évolution fait bien les choses : les humains sont, généralement, en dépit de ce qu’ils disent, indisposés, timorés face au changement ; mais, il existe, quelques uns, qui osent briser les codes, les lois, les mœurs, produisant quelquefois, en fendant les anciennes tables de valeurs et en fabriquant des neuves, des changements significatifs, et valables.

 

2. Village global.

— Sans cesse, il est question dans tes propos d’idées, de raisonnements, de paradigmes, de culture. — Comment ? T’apprendrais-je que les idées gouvernent le monde ? De plus, lorsque certaines manifestent une toxicité extrême et évidente, est-il démarche plus logique, plus physiologique, plus naturelle que de s’en préoccuper vivement ? La malignité des éléments circulant dans l’esprit des sociétés ne doit-elle pas inquiéter sans arrêt la communauté internationale, nationale, et, d’abord, le citoyen ? À l’heure du « village global1 », même les plus égoïstes ne sauraient-ils songer que, ce qui semblait le plus lointain, dans le passé, n’est plus, maintenant, qu’à un battement de cils, qu’ailleurs est ici et qu’autrui devient soi-même ? L’évolution des conceptions au milieu de cet espace culturel planétaire, et la nature de la transformation de celui-ci, la question de la culture donc, dans son sens le plus fort, n’a, très probablement, jamais été aussi pertinente — cruciale.

 

3. Sphère.

Suspends au plafond une sphère par un fil. Par le souffle, tu peux modifier, sans qu’il y ait de rupture, les propriétés de son mouvement. — Il en est de même en ce qui concerne ta conscience, ton attention, et tes états d’âmes.

 

4. Kritikê2.

Tu savoures la tranquillité, allongé dans la douce prairie de ton penser. Soudain, une silhouette s’approche de toi, une incertitude sur la vérité d’une chose, un questionnement sur son existence même. Et voilà tout ton être saisi par l’effroi ; et déjà tu fuis le doute ! Pourtant il devrait être ton meilleur ami ! l’appui le plus sûr au-dessus duquel s’élèverait ton savoir ! Si cela peux te rassurer, sache que tu n’es pas seul : ce qui vient de t’arriver, rien n’est plus ordinaire parmi tes congénères. — Ainsi, voici la règle : il ne faut pas délivrer la majorité des esprits du soupçon, de leurs états d’incertitude, mais les y enfermer ! Il est des constructions au sujet desquelles, c’est le dehors qui constitue un espace borné et l’intérieur qui s’étend à l’infini… — Rechercher obstinément l’absence du sentiment de méfiance, c’est s’inscrire à jamais dans la quête d’une liberté illusoire, c’est enfermer un cercle dans un carré ! Oui, ceci nécessite d’être écrit, et répéter constamment afin que l’on puisse enfin entendre : l’enjeu n’est pas d’apprendre à vivre dans la certitude — pour y parvenir, rien n’est plus aisé : il suffit simplement de fermer les paupières de la critique, et de les maintenir en cet état jusqu’à la fin… ; en outre, que l’on me prouve l’existence d’une seule (certitude) ! —, mais bien, de mieux connaître le doute… de mieux l’évaluer, de mieux l’apprécier, de mieux l’aimer.

 

  1. Expression de McLuhan.

  2. « Art de juger » (Ac. 1992).

     

Photo © iStockphoto.com / LeshkaSmok

Classé sous :Journal

La pensée emprisonnée

La pensée emprisonnée

14 juillet 2016 par Vincent PAYET

1

La jarre. — La vie ? Une jarre froide, qui nous attend. Un vide dont nous ne savons que faire. Un curieux objet, pourtant si ordinaire, à propos duquel, sans cesse nous nous demandons :    « Mais quel est donc ce matériau qui permettra de te combler ? »

 

2

La pensée emprisonnée. — Quand défendra-t-on véritablement la liberté d’expression1 ? Car, est-il nécessaire de l’évoquer, il se trouve à son égard, aujourd’hui, dans les nombreux pays, une immense intolérance. La pensée formatée, docile, « respectueuse », celle qui ne s’arrête jamais de soutenir la société bien-pensante, se mutile elle-même : elle agresse, elle dénature, elle défigure sa propre identité, sa propre essence, sa liberté intrinsèque. « Tenez bien votre langue, déviants ! » déclarent les normes, les lois, les chaînes. « Oh ! ne vous inquiétez pas ! vous pouvez toujours dire ceci, et cela ; de plus, voici ce que l’on vous permet de penser :     … »…

 

3

Toc, toc. — Ils lisent les journaux, les magazines, suivent les informations télévisées ; cependant lorsque l’on gratte les diverses couches de vernis, lorsque l’on sonde les profondeurs du vulgaire, on n’y découvre : personne.

 

4

Pitoyables satellites. — Des astres illégitimes, et, de pitoyables corps en orbite : assurément, la gravitation, au sein de cette « culture », est un phénomène des plus étonnants.

 

5

L’élastique. — La substance de la liberté ? Celle d’un élastique. Plus on l’étire, plus on prend conscience des limitations…

 

6

Résonances parasites. — Afin de pouvoir expérimenter sa vie il faudrait éprouver son existence à l’extrémité des plus profondes mines, sous la protection des hautes montagnes, c’est-à-dire minimiser le bruit des hommes, autant que faire se peut. Là, il serait possible d’être en sa présence ; ici, on serait en mesure de faire se rencontrer les oreilles et la voix — sans les phénomènes parasites.

 

7

Boîte noire. — L’individu adhère à certaines visions des choses ; celles-ci sont tels des cadres qu’il dessine à l’intérieur de son esprit, et dans lesquels sont amassés toutes sortes d’objets. Un grand nombre de personnes y entassent même le maximum… Mais, comme en physique,  « mettre tout ça dans une seule boîte n’en fait pas, j’en ai peur, une théorie unifiée2 » !             — « Peu importe ! » semblent dire les braves et besogneuses fourmis, qui continuent, sans faiblir, à rassembler, empiler, — mélanger…

 

  1. Cf. la note de lecture de Robert Kopp, concernant l’ouvrage Les Bûchers de la liberté d’Anastasia Colosimo, « Notes de lecture », Revue des deux mondes, juin 2016.

  2. S. Hawking et L. Mlodinow.

     

Photo © iStockphoto.com / EduardGurevich

Classé sous :Journal

Pollution lumineuse

Pollution lumineuse

13 juillet 2016 par Vincent PAYET

1

Coeurs d’artistes. — En place de ces cavités humides, de ces souterrains pauvrement éclairés : des galeries à l’air vif et profusément illuminées… de l’art… des aurores, des splendeurs — des éruptions solaires dans tous ces cœurs.

 

2

Exploits physiques. — A : Certains individus sont insupportables à ce point qu’il faut plusieurs jours à mon organisme pour récupérer. — B : Tu parviens donc à les tolérer ! Combien j’admire le remarquable athlète que tu es devenu !

 

3

Pollution lumineuse. — Les villes du monde dans la nuit crachent leurs feux. La pollution lumineuse1 étend ses bras dévastateurs ; des membres qui, continûment, s’allongent et s’enflent, envoyant leurs dons abondants vers l’espace. On bâtit des canons à lumière, use d’éclairages décoratifs, de lampadaires innumérables ; mais, dans les rues, ce ne sont pas des étoiles qui courent et scintillent : les habitants des cités, des campagnes et des coins les plus reculés sont bien fréquemment des cœurs éteints, des ombres criantes, des âmes polluées.       « … quand donc comprendra-t-on que la nuit peut se faire aussi dans le monde moral, et qu’il faut allumer des flambeaux pour les esprits ! » déclarait Hugo. — Quand donc !

 

4

Séduction fatale. — Le pouvoir, le prestige, l’argent… Les lumières et les flammes artificielles séduisent de nombreuses âmes nocturnes et, en un battement d’ailes, elles sont capturées. — Lorsque ces sources étincelantes s’installent, dans le temps, ce sont des filets qui se forment, secrètement.

 

5

Détracteur. — Un individu s’adressant à un auteur lui dit ceci : « Quelle valeur a donc votre œuvre, elle qui n’est que le reflet de vos souffrances intérieures ? Comment pourriez-vous croire qu’avec tant de subjectif on peut toucher l’universel ? » Sans lever la tête, son interlocuteur lui répond dans un calme inouï : « Ne vous a-t-on jamais informé que “le désir d’écrire naît toujours d’une blessure2” (A. Maalouf) ? Se tiendrait-il devant moi, sans que je le sache, le premier surhomme ? Cet être qui, naturellement, et sans posséder de tare, en ressentant la douleur d’autrui ne sentirait point la sienne propre ? Réellement ? »

 

6

Circuits déconnectés. — Ce qui doue d’une sorte de vie le cœur des êtres ? La hiérarchie et la compétition, au lieu de la collaboration et de l’émulation. Et, tout ceci, pas seulement à l’égard des humains, mais aussi vis-à-vis des êtres vivants autres et, bientôt, de l’artefact machinique.

 

7

Multitude silencieuse. — « Daniel n’a pas vraiment de place, il circule dans le monde, éternel voyageur, sans domicile fixe3 », écrit Olivia Rosenthal. Des « Daniel », émancipés de la tutelle des signaux trompeurs, des réseaux, des champs artificiels et superficiels des sociétés, vivant à côté des hommes, les croisant le plus souvent tels des fantômes, — il s’en trouve un bon nombre. Et même si la plupart s’ignorent, ils sont bien présents, ces ensembles à l’écart, ces groupes singuliers… ces essaims de consciences silencieuses.

 

  1. Concernant la pollution lumineuse, cf. Wikipédia, « Pollution lumineuse », disponible sur

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pollution_lumineuse.

  2. Amin Maalouf (écrivain franco-libanais, élu à l’Académie française en 2011), « L’invité. Entretien avec Amin Maalouf », Nectart, deuxième semestre 2016.

  3. Olivia Rosenthal (écrivaine et professeure de littérature à Paris VIII), « Portraits de novembre », Revue des deux mondes, juin 2016.

     

Photo © iStockphoto.com / cineuno

 

Classé sous :Journal

La patience des siècles

La patience des siècles

12 juillet 2016 par Vincent PAYET

1

Naissance de la nouveauté. — Les changements profonds, significatifs, requièrent une discontinuité, une transformation brusque, une mutation au sein même de la structure de la conception. Ce n’est que dans ces circonstances que la soudaine « révolution » peut avoir lieu, que l’individualité devient capable de s’échapper du sillon prononcé de l’habituel, qu’il y a émergence, création, liberté exprimée : qu’enfin quelque chose de nouveau apparaît. Parfois, un événement tout à fait accidentel favorise le « bond » ; d’autres fois, la responsable est l’intention : la volonté agissante. — La nouveauté implique « des sauts quantiques dans la molécule » (E. Schrödinger) du penser, une métamorphose dans l’interprétation des choses, un phénomène en rupture avec le continuel et le connu.

 

2

Considérations actuelles. — Il est urgent de s’intéresser aux idées les plus créatives ; celles-ci constituant un substrat, d’une importance souveraine, sur lequel la sélection naturelle est en mesure d’opérer, par suppression des délétères et préservation des favorables. Mais, aujourd’hui, on se passionne bien davantage pour l’innovation que pour l’« évolution » bénéfique. Comme à l’ordinaire, la prééminence de la vision à court terme domine celle de la durée : l’actuel méprise le durable, l’inactuel. — Mais pour combien de temps encore ?…

 

3

Voies créatrices. — Tu dis de cet auteur qu’il change constamment de sujet, qu’il se produit dans son esprit un va-et-vient continuel, que l’Instabilité même habite son être : tu blâmes son inconstance. — Mais il combine, il mélange, il croise, les races, les variétés, les différences : il est devenu maître dans le domaine de l’« hybridation » (A. Koestler) ! Il assemble, il fabrique, il chante… il compose — sa voix, son chant, sa musique… ne l’entends-tu donc pas ?

 

4

La patience des siècles. — Il faudra bien un beau jour se résoudre à injecter du mouvement dans les cerveaux immobiles, à rassembler tous les fous sur une même nef, et les faire partir pour un voyage à bord d’un Beagle reconstruit pour l’événement. En outre, la « traversée » devra durer le temps nécessaire afin que sous le poids des faits la résistance cède — afin que des esprits évolutionnistes se forment. Attendons donc… Darwin ne publia son œuvre que deux décennies après le terme de son périple. En ce qui concerne l’humanité, nous devrons être tout autrement patients : plus d’un siècle n’étant pas suffisant pour susciter dans les têtes la prise de conscience de l’un des aspects les plus importants de la nature de la réalité, faisons preuve de tolérance, laissons-lui sa chance… un siècle supplémentaire ! Car, n’oublions point qu’avec le temps tout finit par arriver, même les évolutions les plus improbables ; et, si la réussite totale n’est pas souvent au rendez-vous, les petites victoires suffisent parfois à apporter leurs lots de satisfaction : en témoigne l’équipe de France de football !

 

Photo © iStockphoto.com / Shaiith

Classé sous :Journal

Géodésiques de l’existence

Géodésiques de l’existence

11 juillet 2016 par Vincent PAYET

1

Dilatation du temps. — Les idées lumineuses semblent vieillir moins vite. C’est pourquoi les grands esprits paraissent toujours jeunes : leur espérance de vie augmente continuellement — simple dilatation du temps…

 

2

Géodésiques de l’existence. — « Tu désires progresser dans ta vie, et atteindre au plus vite la réussite, mon enfant ? Choisis donc parmi les chemins les plus courts ! suis les droites déjà toutes tracées par les hommes ! » entend-on. Oui, et en faisant cela, tu négligeras et la courbure des choses et ta propre nature : tu te tromperas sur la voie et sur le but ! En outre, les individualités, aveugles, ne sauront t’avertir… encore moins t’éclairer. — Les esprits avisés se déplaçant à la surface de l’existence ressentent sa géométrie particulière, celle des espaces courbes quand les autres, s’abusant eux-mêmes, ne croient qu’à l’euclidienne. Seuls les grands aviateurs reconnaissent et suivent les arcs de grands cercles. Eux seuls, sont au fait de la géométrie non euclidienne. Eux seuls, ont une parfaite connaissance de la destination, et, ne tombent pas dans l’erreur géométrique…

 

3

Intuitio1. — A : Ne comprends-tu pas que je jouis d’une connaissance claire des vérités évidentes ? Ne saurais-tu, toi aussi, me comprendre promptement : par intuition ? — B : Ha ! l’intuition ! Cette chose le plus souvent inconséquente, qui cependant trouve la plupart du temps créance chez les têtes avinées ! L’intuition ? — Le sublime dans les esprits rares ; le grotesque chez la plus grande partie du genre humain !

 

4

Des foules binaires et des vaines chimères. — Ces mauvais marketeurs et leurs poules conventionnelles, ces stars du Web et leurs foules fidèles, ces idoles et leurs sectaires fougueux : au vrai, la médiocrité ne s’oppose point à la célébrité ! Néanmoins ne soyons pas surpris : en effet, n’est-il pas connu, qu’Au royaume des aveugles les borgnes sont rois ?! Les visages abasourdis, les faces plongeant dans la froide surface, les consciences courbées : tous, errent, dérivent sans pilote, chavirent — le bon sens perd pied ! — Les yeux fatigués et obscurcis se lèveront-ils et apercevront-ils un jour ces écrans de la parole, des préjugés, ces écrans de fumée ? — Cessera-t-on devant les pures et vaines chimères de se prosterner ? de les caresser ? de les enfourcher ?

 

5

Frères en la folie. — C’est en s’intéressant sincèrement au trouble de la raison d’autrui, que l’on prend véritablement conscience de son propre dérangement de l’esprit — que l’on s’approche de cette vérité qui nous déclare que nous sommes tous frères… frères, dans la folie !

 

  1. « Intuition ».

     

 

Photo © iStockphoto.com / Baloncici

Classé sous :Journal

Naissance de la tristesse

Naissance de la tristesse

10 juillet 2016 par Vincent PAYET

1

Naissance de la tristesse. — Tout d’abord, est l’émotion de tristesse, puis vient le sentiment de tristesse et enfin les pensées liées à la tristesse. Il existe cet étrange cercle : pensées, émotions, sentiments et pensées qui découlent de ces sentiments… et le cercle se poursuit. Pour rompre le cycle, la raison ou une distraction doivent intervenir1. Sachant cela, voici un fait dont la valeur est extraordinairement sous-estimée : simuler un état de gaieté engendre la gaieté ! L’individu, en faisant comme s’il était rempli de l’émotion de joie, déclenche les sentiments et les pensées engendrant l’expérience vécue qui lui fait dire : « Je me sens joyeux. » Tout ceci est bien résumé par Damasio quand il écrit : « Les expressions émotionnelles qui ne sont pas motivées psychologiquement et sont “jouées” ont le pouvoir de causer des sentiments2. » Il devient évident, comme l’avait déjà fait remarquer Mihalyi Csikszentmihalyi, dès le début des années 903, que le contrôle de nos pensées et, plus généralement, de notre « énergie psychique », est essentiel pour celui qui désire ne pas subir constamment le chaos mental, l’entropie psychique. — La naissance de la tristesse dans la conscience se produit là où la maîtrise de la « matière mentale » est absente : au moment et à l’endroit où, volontairement ou à son insu, l’attention, le maître — abandonne son palais.

 

2

Supporter l’insupportable. — Voici au fond ce que doivent supporter les êtres qui, quoique à l’écart, vivent tout près d’eux-mêmes et du monde : l’étrangeté, l’inexplicable, la lassitude ; et parfois la nausée…

 

3

Les sentiers de la monotonie. — Le poids de l’habitude et la peur soutiennent la répétition des phénomènes, une réitération presque à l’identique : les mêmes paroles, les mêmes questions, les mêmes rires et pleurs. Les rencontres nouvelles, les apprentissages neufs, les expériences fraîches sont comme bannis du quotidien, repousser au plus loin. Marchant dans la forêt des relations humaines, les sentiers connus sont le plus souvent privilégiés ; ailleurs, les ombres, par un mécanisme ordinaire, agitent leurs masques bizarres et difformes, la simple vue desquels étant suffisant pour semer l’épouvante dans les esprits les moins confiants. Et pendant ce temps, les voies usées s’affirment, se rassurent, — s’élargissent.

 

4

Renforcement musculaire. — En renforçant notre esprit par des exercices dont l’intensité et la difficulté augmentent graduellement, en un moment, tout ce qui nous semblait insurmontable, d’airain, implacable, inconnu nous paraîtra accessible, doux, aisé, familier. En formant son corps et son coeur dans et par les obstacles, les tourments, les ouragans, ils acquerront, — de la fermeté, de la légèreté, de la force, de la gaieté.

 

5

Processus de reconstruction. — Tu éprouves les grandes peines, les terribles souffrances, les pires incertitudes, et tu te crois le plus malheureux des êtres, le plus misérable, le plus malchanceux. Or ce que tu prends pour une punition, un châtiment, une horreur, se trouve possiblement être une aide précieuse, une perche tendue par toi-même pour ton moi qui se noie, en somme, un événement heureux. Car tellement d’idées fixées attachent les âmes, tellement de mensonges brouillent la vie, et les occasions fréquemment manquent afin que les esprits puissent changer, se transformer, tendre vers eux-mêmes. Mais en place des mains apportant leur aide on voit des lames ; et sur le visage des belles opportunités on dessine d’abominables dangers. Tout, finalement, contribue généralement à encourager la crainte et la fermeture, la paresse et la routine. Ainsi, les cataclysmes à l’intérieur des coeurs ont cela de bon qu’ils perdent les repères, qu’ils abattent les frontières, qu’ils affectent les circuits cérébraux désuets : le vertige, l’ébranlement des certitudes, la brume obligent l’individualité à chercher un équilibre inédit, à se rétablir, à rebondir ; en brisant les liens, en excitant la plasticité et la flexibilité, c’est le don de la liberté qui lui est proposé, c’est un élan inédit qui lui est offert — pour peu qu’elle supporte les différences phases du processus de reconstruction, mais, avant tout, qu’elle tolère la présence des secousses et des tempêtes, voire même qu’elle les recherche. Les périls sont bien réels, et les métamorphoses continuelles et viables ne s’opèrent qu’au sein des âmes fortes ; seul un petit nombre de personnes y voit un intérêt : et, en vue de la stabilité du système, de sa pérennité, c’est sans doute mieux ainsi ! Répétons-le : trop peu seraient capables, dans la persévérance, au milieu des vents, de « se fonder » avec un cœur, leur propre cœur, si vacillant…

 

  1. Cf. Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison (Paris, Poches Odile Jacob, 2005, 2003), 78.

  2. Ibid., p. 80.

  1. Cf. Mihalyi Csikszentmihalyi, Vivre (Pocket Évolution, Éditions Robert Laffont, 2004, 1990).

     

 

Photo © iStockphoto.com / Ukuzzu

 

Classé sous :Journal

« Page précédente
Page suivante »

Copyright © 2025 Espritetliberté.com · Tous droits réservés . No Sidebar Pro On Genesis Framework