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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour juin 2016

Sublime coalescence

Sublime coalescence

23 juin 2016 par Vincent PAYET

1

Sublime coalescence. — La plupart de tes semblables te paraissent tellement loin ? Attache-toi donc aux choses, et, caresse l’idée qu’il existe, ailleurs, nageant sur la Terre ou dans l’impalpable éther, des globes inconnus qui te sont bien plus proches. Verse dans le sein de ton âme de douces paroles, ces amies réconfortantes qui glissent en chuchotant : « Tant qu’il y aura au-dessus de nos têtes des trous noirs pour danser ensemble, pour, à une vitesse stupéfiante, continuer à fusionner en un objet unique, merveilleux, il y aura d’autres êtres pour, avec toi, apprécier la valse et écouter battre le cœur de la nature, d’autres oreilles pour accueillir ses sublimes murmures. Si ta fortune s’acharne à te séparer des hommes, profites-en pour entendre davantage les phénomènes, pour ressentir leurs vibrations. — Ton existence est parsemée de beautés, bel astre solitaire ; il suffit d’un léger coup de pouce, d’observer, de faire silence en toi-même et d’y demeurer quelque peu de temps, pour savourer la symphonie, pour célébrer l’essence de la nature, — pour fêter la vie. » — Mais fait-on encore confiance aux amies ?

 

2

Trois types de voies. — Cet individu marche sur la voie imposée, celle que d’autres doigts ont tracée pour lui. Un autre continue à rechercher, parmi les chemins actuels, ceux au-dessus desquels ses pas seront le plus heureux. Quant à cet homme, là-bas, il a cessé de se cacher et de s’ignorer lui-même, de se plier et d’ausculter les sentiers du dehors : ses membres se meuvent librement et fondent — c’est en lui, que la construction a débuté, et par ses mains, qu’elle sort de terre, en lui, que son histoire naît et s’enracine, en lui… que s’origine sa propre route.

 

3

Baiser de Judas. — La petite araignée apprête le piège, et attend patiemment. Et te voilà qui avance, aveugle que tu es, emmené par ton innocence, transporté par ta naïveté, embarqué à l’intérieur de ton grand cœur. Eh bien, progresse donc, va à sa rencontre ! Toi, qui toujours fais confiance, qui dans l’humain ne voit que le bon : cours, poursuis ton chemin, gravite autour de la masse sombre ! — Plutôt que de l’éviter — de porter ta vue vers quelque autre endroit et de te faire accompagner par tes pieds —, tu as préféré croire en elle, en sa bonté. Te voici bien récompensé : dans ses filets de fer, en la funeste bassesse, tu es maintenant empêtré, et tu n’as plus qu’à attendre… le grand et lourd présent — son tendre baiser !

 

4

Mains d’esclave. — Ce sont ces surfaces qui, sans qu’on le leur demande, déposent leurs souhaits, leurs énergies, leur devenir, leur bonheur dans les mains d’autrui en lui disant : « Je ne réponds plus de moi-même, le maître de mes actes est las, et il s’en est allé : dispose souverainement de mon corps et de mon esprit, de ma vie, de mon sort ; et rends-moi heureuse ! » Mais chacun ne pensant qu’à soi, sachant que le Mal d’autrui n’est que songe, est-il si ardu de prédire lesquelles seront les plus joyeuses ?

 

5

Saisir. — Tu as perdu l’espoir que tu mettais en l’homme ? Espère encore. Tu attends de grandes choses de tes sœurs et de tes frères, mais elles tardent de se montrer ? Patiente. Mais, si tu souhaites t’élever dans la sagesse, et progresser dans la tranquillité de l’âme, n’espère plus et ne patiente plus : apprends plutôt à regarder, à sentir, et, à jouir, de ce qui vient, voire même, et encore davantage, de ce qui ne vient pas. Eh ! tant de mets si délicats flottent autour de ta bouche et tu te montres difficile ? Tu exiges, tu fulmines, tu guettes la venue d’aliments meilleurs ? — Éduque tes papilles ! ouvre leur les yeux ! et qu’elles découvrent, qu’elles considèrent ! Le festin se déploie devant toi ; que te reste-t-il à faire ? — Simplement tendre les bras et, surtout, la tête : en somme, saisir tout ceci…

 

Photo © iStockphoto.com / forplayday

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Bonnet phrygien

Bonnet phrygien

22 juin 2016 par Vincent PAYET

1

Des voies anti-physiologiques. — Il a ingéré cet aliment et celui-ci l’a rendu malade, exercé ce métier et récolté les tourments, fréquenté ces personnes et dilué sa personnalité, embrassé telles idéologies et s’est enlisé, pris certaines directions et s’est fourvoyé. — Néanmoins toutes ces voies contraires à sa nature lui ont été utiles, car elles l’ont dévoilée à ses propres yeux : par elles, sa physiologie s’est faite connaître. — Et ses pas progressent sur des chemins plus sûrs désormais — c’est une âme confiante qui l’anime à présent.

 

2

De l’intérêt de se cacher. — Lorsque le cœur déborde de grands sentiments, lorsque les amples mouvements, l’intensité, la vie envahit tous les canaux d’un homme, il arrive — la plupart du temps, en vérité — qu’il doive dissimuler ces phénomènes quel que soit le prix. Car autant de force, de courage, de passion, de générosité : cela paraîtrait fort suspect aux regards des autres, trop étrange dans un monde lisse, — trop mâle, trop homme, pour être humain.

 

3

Des âmes molles. — Il se concentre sur ce qu’il a à faire. Il y répand ces jours, il en rêve la nuit. Et quand on lui répond qu’il est plus qu’il ne faut d’obstacles au vrai travail, que le nombre de parasites, que les difficultés sont insurmontables, il instruit ses interlocuteurs de cette vérité : « Toutes ces choses ne possèdent que la puissance, l’influence, l’emprise, l’empire qu’on leur accorde ; le trouble, les perturbations, les alarmes ne s’obstinent à assiéger que les âmes courbées ; — seules sont touchées par l’invincibilité des traverses, par les maux, par les fléaux les substances malléables, les âmes déformables — les âmes molles.»

 

4

Bonnet phrygien. — Si tu désires le développement de ton esprit, tu ne devras point hésiter à porter très souvent — à la grande satisfaction de l’oeil extérieur, du jugement moqueur —, le bonnet à grelots : il te faudra accepter cet état qui, en négligeant tout ce qui justement intéresse autrui te fera passer pour le dernier des idiots et le plus fameux des fous. Mais ce n’est qu’à ce prix que s’obtient la tranquillité d’esprit ainsi que la distance indispensable à la poursuite de ta route et à la production de tes ouvrages. Car les réalisations de valeur demandent que s’il le faut on ne soit pas indécis quand il s’agit et de faire rire autrui et, sans qu’il le sache, de rire avec lui. — Tu ne peux grandir à l’intérieur de toi-même en regardant constamment vers l’extérieur ; à ce sujet, souviens-toi des paroles de cet ancien esclave phrygien au moment où il dit : « Mais il est de toute nécessité qu’en s’occupant de l’un on doive négliger l’autre1. » — En effet, comment un jardin, même prometteur à ne pouvoir l’être davantage, serait-il en mesure de s’embellir si le soleil lui-même le privait de lumière : si la face et les rayons de l’astre, en se mettant à tourner le dos à la terre l’empêchaient de jouir de l’attention, de la chaleur célestes — s’il lui ôtaient sa nourriture et sa boisson ?

 

  1. Épictète, MARC-AURELE pensée pour moi-même suivies du manuel d’Épictète (Paris, Flammarion, 1992), 188.

     

Photo © iStockphoto.com / opin47

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Personnalité créative

Personnalité créative

21 juin 2016 par Vincent PAYET

1

Personnalité créative. — L’ouverture d’esprit — pour ce qui concerne l’éventail des expériences —, la quête de l’aventure, l’attitude rebelle, l’individualisme, la sensibilité, l’entrain, la persévérance, la curiosité, la simplicité, le goût du travail bien fait, la recherche de la perfection, tous ces traits formant la personnalité créative1, ne se rencontrent que rarement à l’intérieur d’un même individu. Et pourtant le développement humain réclame ces êtres différents. J’entends ces adultes qui en grandissant savent garder cette capacité à s’émerveiller et à prendre des risques — cette aptitude et ce désir profond d’essayer, de se lancer —, ces explorateurs hardis qui ne s’abandonnent pas à l’atrophie de la volonté et de la créativité — parvenant à croître en préservant leur nature —, ces esprits qui dans les domaines les plus complexes de la connaissance continuent à offrir une grande liberté à l’enfant créateur respirant en eux. Lequel petit être n’aspire, dans ses immenses aires de jeux, qu’à s’amuser, s’exprimer, s’épanouir.

 

  1. Cf. Nancy C. Andreasen, The Creating Brain: The Neuroscience of Genius [e-book] (New York/Washington, D.C., Dana Press, 2005).

     

2

Désirer les moyens. — Pensent-ils sérieusement être en mesure de produire une œuvre valable en n’y mettant que l’énergie, la détermination, l’enthousiasme minimums ? Quand un créateur a-t-il dans le passé réduit au maximum la durée accordée à son travail, a-t-il considéré son ouvrage telle une chose négligeable, occupant une place secondaire au sein de son existence ? — Tout en agissant comme si leur tâche ne comptait pas réellement, ils espèrent mettre au monde un objet qui compte ; le phénomène est étrange : les hommes s’attendent à enfanter la grande valeur sans lui consacrer les efforts nécessaires. — Ils veulent les effets, le résultat, la récompense, mais sans en désirer les conditions, les causes, les moyens.

 

3

L’ennemi le plus dangereux. Quoi ! laisseras-tu donc la moindre chose pénétrer dans l’intérieur de ton cœur ? Observeras-tu, consterné, ses coups avancer jusqu’à l’os ? Assisteras-tu en la terrible stupeur au pillage jusqu’à l’horreur ? Et seras-tu, pauvre malheureux, témoin de la fuite, dans les mains étrangères, de ton bonheur ? En somme, permettras-tu, à ton humeur, à ta vigueur, à ta joie de vivre de s’en aller sans même réagir, sans rugir ! Ah ! comme les plus grandes âmes peuvent elles aussi subir les attaques des plus fameuses bagatelles, et par elles, aussi, périr !

 

4

Tenir. — Qu’est-ce qui te fait croire que cette souffrance, que cet échec appellera immédiatement un autre. Qui te dit même que ce que tu imagines être un échec l’est véritablement ? Donne-toi du temps, et dans la dense brume tu verras. Pour parvenir à ce but, renforce ton navire, afin qu’il puisse résister aux vagues, afin qu’il puisse tenir à la mer. Au milieu des courants, dans les tempêtes, parmi les lames et les larmes, ne cède pas, petite barque, vogue !… Lutte, rigole, lève la tête… Regarde au loin, ne bois pas à la grande tasse… Et éloigne-toi des voiles ténébreux de l’abysse, agrippe-toi à la rampe de l’escalier, accroche-toi de toutes tes forces à la moindre lueur d’espoir : saisis le bras — tiens à la vie !

 

Photo © iStockphoto.com / Yuliya_Verovski

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Créateurs de valeurs

Créateurs de valeurs

20 juin 2016 par Vincent PAYET

1

Les maux. — On oublie, ou bien sous-estime la valeur des mots. C’est ainsi que les mains rudes et grossières maltraitent les idées les plus délicates et les plus belles. — Le charme et la grandeur, entre certains doigts, ne fleurissent ni ne durent : ils souffrent, se désespèrent, et se fanent avant l’heure.

 

2

Créateurs de valeurs. — Dans l’indifférence du cosmos, dans ses froideurs nous marchons. Il nous appartient, artistes, alchimistes, guérisseurs modernes, de lui donner du sens, de lui offrir la beauté, de lui injecter la valeur. Nous seuls possédons la faculté de planter dans le jardin de toute chose des plantes merveilleuses, et la capacité d’y folâtrer. Mais de cela les hommes se croient incapables. Ils ne pensent pas à l’ampleur des possibilités qui croissent en eux. — Ils ne sentent (quand ils la sentent) que faiblement la présence même du jardin et, en outre, ils sous-évaluent fortement leurs talents de jardinier. Devra-t-on assister, impuissants, à l’appauvrissement du sol en créateurs, en êtres sûrs de leurs forces, en bras-bâtisseurs, en individus qui savent que la beauté, l’enthousiasme, la puissance ordinairement ne surviennent point : qu’elles nécessitent des apprêts ? — Le sain, le désirable, le valable, c’est l’homme qui en a la responsabilité : c’est à lui de les planter, de patienter, et de récolter. — Y songe-t-on ?…

 

3

Invincible mât. — Parmi les éléments, au sein de la violence, des perpétuels déchaînements, les vaisseaux nuit et jour roulent, virent, tanguent. Mais une chose se dresse fièrement en la robustesse, évolue à l’abri dans son invulnérabilité : un mât digne, d’airain, pointant, s’élevant vers sa cible, voguant par-dessus la tempête, un objet ailé se riant des contraintes, des troubles, des obstacles, une entité que chaque âme forte peut en elle-même enfanter, élever et maîtriser — la volonté.

 

4

Au voleur ! — Les personnes qui te sont les plus chères, tes objets les plus précieux, le temps, etc., tout ceci ne t’appartient pas. La nature, le sort, les dures lois de la nécessité te les ont prêtés. Tu le sais bien. — Pourquoi feins-tu donc l’étonnement lorsque la fortune te demande de les rendre ?

 

Photo © iStockphoto.com / Natalia Moroz

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Du bon perfectionnisme

Du bon perfectionnisme

17 juin 2016 par Vincent PAYET

Il est certain que tout individu n’évolue pas dans les hauteurs auxquelles il est en mesure de prétendre1. Dans toute cette expérience étrange de la vie, les aptitudes sont négligées et les aspirations les plus nobles et hautes laissées de côté — l’existence est, ainsi, diminuée, rapetissée, réduite. Il est étonnant que dans un tel contexte l’on considère ordinairement le perfectionnisme comme un défaut : cette inclination constitue par moment pour le processus créatif, certes, un poison, mais aussi, comme toute substance de valeur, un remède. À ce sujet, faut-il rappeler que les esprits les plus inventifs, ces vastes terres fécondes en découvertes, sont souvent baignés par les imposantes mers du perfectionnisme, voire de l’obsession2, que ce n’est parfois que dans ces eaux qu’un projet, une idée, une œuvre exceptionnelle peut se former, croître et émerger ? Croit-on pouvoir se passer, lorsqu’on évoque le phénomène de l’   « exceptionnalité », de la notion d’idéal, de la soif même de l’idéal ? — L’homme n’a pas d’autre choix, pour affronter les problèmes qu’il produit, pour faire face à sa propre condition, pour vaincre sa misère — ce Léviathan —, et pour enfanter quelque chose de valable ; bref, pour faire front, que de se dépasser, de « se tirer », vers l’avant et le haut : de s’amender, de monter au-dessus de lui-même, de « se surmonter ». Et c’est un hasard heureux, car, ce faisant, il se donne la tâche et la voie : les moyens humains pour vibrer avec plus d’amplitude, ressentir avec davantage de plénitude, vivre avec intensité. — Marchons donc vers l’horizon camarades, marchons !… Dansons sur les abruptes pentes, arpentons les sommets enneigés ! Le commun, l’ordinaire, le « terrestre » ne sont tolérables qu’en lançant avec constance notre regard, nos pieds, nos élans, notre âme, — vers ces endroits inconnus, ces espaces vertigineux… ces ailleurs mystérieux !

 

  1. Cf. John W. Gardner, dont les idées sont évoquées par Mihalyi Csikszentmihalyi dans son ouvrage La créativité (Paris, coll. Réponses, Éditions Robert Laffont, 2006, 1996).

  1. Cf. Nancy C. Andreasen, The Creating Brain: The Neuroscience of Genius [e-book] (New York/Washington, D.C., Dana Press, 2005), empl. 625.

     

 

Photo © iStockphoto.com / Ann_Mei

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La nef des dupes

La nef des dupes

16 juin 2016 par Vincent PAYET

1

La nef des dupes

L’aire de jeux est animée : de charmants bambins s’amusent sur un beau navire en bois ; les parents, à l’entour, jetant de temps à autre des regards de protection sur leur progéniture. — Dès leurs premiers printemps, les petites consciences sont menées en bateau, et par les personnes qui leur sont les plus chères ! leurs proches, mère et père : leurs éducateurs ! Toutefois, en observant ce jeu de dupes singulier, en disséquant les phénomènes étranges opérant à bord de cette nef1 rieuse, peut-on blâmer les plus grands lorsque les deux partis, adultes et enfants, sont trompés ? Comment ? Vous viendrait-il en pensée de condamner un aveugle parce qu’il ne sait pas voir ! un animal parvenu au terme de sa croissance, un grand singe, une âme bien humaine parce qu’elle ne serait pas « grande » ! — Évidement, comme à l’ordinaire, on insinuera que je raconte des bateaux, et ce seront les mêmes individus qui en remplissent et les jeunes cœurs, et le leur, à ras bord ! Et, comme à l’ordinaire, conscient que rien ne sert de lutter contre les éléments, me rappelant qu’ici c’est la folie qui mène la barque, — je m’efforcerai de laisser les fous… divaguer…

 

  1. Allusion à l’ouvrage de Sébastien Brant, « La nef des fous ».

     

2

Recueillement

La nature cueille les joues fraîches, comme on cueille ses fleurs. — Avec une main innocente, sans mauvaises intentions…

 

3

Marcheurs assoiffés

Il y a peu, il a quitté le sentier de la richesse. Les autres, grands marcheurs assoiffés, n’en reviennent toujours pas : eux, qui ne vivent que pour ce sommet.

 

4

La masse humaine

Chaque jour, la masse informe et lourde se lève ; imposante, continûment endormie, avec ses nombreuses ombres et quelques lumières, ses détails, ses unicités qui se mêlent et se perdent, — ses lits d’argile, de pierre, de sable… pris dans la structure, emprisonnés dans la vaste chaussure — dans cet ensemble qui, quoique mal portant, sans cesse avance. — À moins qu’il ne recule…

 

Photo © iStockphoto.com / Marija_piliponyte

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Sacrée contemplation

Sacrée contemplation

15 juin 2016 par Vincent PAYET

1

Valeurs actuelles. — La crise de l’esprit est une crise de la valeur des choses. — À commencer par celles de l’esprit.

 

2

L’autre. — A : Nous nous connaissions si bien. Jadis, le silence suffisait pour que nous entendions les murmures timides de nos cœurs. Nous étions, au sein de l’amitié, des âmes sœurs. — B : Nous avons laissé, impuissants devant le destin, le temps et les voix différentes se glisser entre nous. Nous nous sommes peu à peu habitués au lent mais sûr éloignement. Et maintenant, tant de non-dit, de prudence, de gêne variés peuplent et troublent la surface de nos rencontres ; maintenant, il est tellement de divergences, pour la profonde connivence. Nos yeux se voient, nos regards se croisent, nos mains se touchent, et cependant nos esprits, nos cœurs, nos âmes, comme des plans devenus entièrement étrangers l’un à l’autre — des plans tout à fait parallèles au sein d’un espace euclidien glacial, au sein d’une géométrie implacable —, ignorants de la ligne d’intersection, poursuivent leur route, leur destination, leur direction — éloignées, extérieures… autres.

 

3

Souhaitable. Accepter que l’on ne puisse pas appréhender le sens, aimer même son absence, maîtriser le vertige qui aspire à la chute, refuser de nier la valeur et la saveur des choses, en définitive, reconnaître les possibilités abondantes, celles qui permettent d’éprouver au sein des circonstances l’enthousiasme, vouloir enrichir la vie, et non pas la réduire et la détruire, y goûter les nobles plaisirs, les doux raffinements, les joies esthétiques qu’elle nous offre, savourer le beau donc, mais aussi tolérer le laid — à l’intérieur d’une belle indifférence —, et tout ceci quelle que soit la nature de la fortune — voilà une intention louable, une tâche honorable, valable et viable, voilà un souhait souhaitable, une déclaration d’amour véritable à la perfection et aux imperfections terrestres, — à l’ici-bas… à l’humain… à la vie.

 

4

Sacrée contemplation. Il rêve parfois d’une rivière sacrée, où sur une rive l’étant encore davantage, avec ses semblables, il assisterait dans une sérénité pleine à l’écoulement du monde et de ses éléments. Là, ils échangeraient quelquefois des regards complices. En ces instants inappréciables, inoubliables, à la fois à part et mêlés, toutes ces oreilles contemplatives frémiraient de plaisir à la mélodie du flux, les yeux riraient à l’unisson en face de l’étrange et fabuleux spectacle de la nature, les cœurs enfin s’uniraient. Dès lors les unicités, ces petites cordes singulières, vibreraient ensemble ; dès lors les battements de la vie déverseraient ses torrents d’or dans les vaisseaux d’un seul corps : l’esprit de l’Homme, ébloui par tant de beauté, sur la berge, étincelant d’allégresses, éprouverait la naturelle rythmique — son premier enchantement authentique. — Les premiers hommes, naissant, lavés de leurs impuretés et confiants à l’égard de leur identité et de leur gaieté, désormais seraient prêts — à joindre leurs eaux à celles des sociétés, à badiner, à se mouvoir… à dans le monde librement se baigner.

 

Photo © iStockphoto.com / artnimals

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