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Les Démons de l’Erreur et les Possédés
« Ceci est ma tasse, cet animal mon chien, cet être mon bébé, cette femme ma femme. — Ah ! que tes possessions sont considérables ! que tes êtres et tes choses sont innumérables ! que ton empire est vaste, interminable ! Les possèdes-tu vraiment ?… Vraiment ?… »
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Les sauts
Ce qui pousse l’individu à verser sa vie dans un emploi quelconque ? — Le salaire, certes, mais aussi la peur de l’ennui, la honte d’être considéré comme une personne inutile : un oisif, un parasite, un superflu. Mais, quelle valeur a une fonction éloignée des inclinations et une rémunération qui engloutit l’enthousiasme, l’en-vie ? Quels intérêts est en mesure de générer un tel placement des énergies individuelles, lui qui invite à côtoyer le trou hideux, la grande et éternelle dépression ? Et quelle folie peut bien inciter ces êtres à noyer, à abîmer leur âmes dans une activité qui n’a que faire de leur état ni de leur physiologie, de leur nature ? Existe-t-il pire aveuglement, pire écueil que cet automatisme qui les rapproche, et chaque jour davantage, de la vacuité, de l’inanité, du cruel et profond ravin qui constamment se sent déshydraté ? Quand les volontés se lèveront-elles en accompagnant les pleurs d’une Aurore nouvelle : avec le désir d’éprouver, simultanément, et la sueur et la récompense ? Car en effet, actuellement, le labeur ingrat leur rapporte, et même énormément — énormément de peines, énormément d’infortunes ! Le spectacle est insupportable, la mauvaise fortune fort répandue, mais qu’importe ! — peut-on exiger d’une pièce qu’elle ait conscience du mécanisme, et plus encore, qu’elle le remette en cause ?! Peut-on raisonnablement attendre d’elle — de cette droguée prise dans les vapeurs de la grande locomotive — un sursaut, un réveil : un éveil, et, hors de son orbite implacable et insensée… un saut ?!
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