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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour mai 2016

L’estrade

L’estrade

30 mai 2016 par Vincent PAYET

1

L’estrade

Quelle scène à la fois pathétique et hilarante que celle qui se joue devant mes yeux ! Qu’en mes larmes se mêlent des rivières de tristesse et d’allégresse ! Mais n’allez pas croire que je sois seul, non : voyez toutes ces consciences qui approchent pour éprouver le spectacle avec moi ! — Mais que vois-je ? Ô douleur ! ô phénomènes irréels ! Elles ne s’arrêtent pas ! elles n’ont pas vu ma présence !… Et l’inconscience, et la démence obstruant leur raison, les voilà qui montent sur l’estrade, une à une, une marotte à la main ! Voilà la foule siphonnée qui voit ses rangs grossir, ses têtes se bomber par la joyeuse bombance déséquilibrée, ses crânes se fêler toujours davantage et le bon sens se vider ! Ô veines ouvertes, malheureuses, éclaboussures abondantes, torrents de détresse ! De la demeure de la déraison, de ce fleuve sans nom les esprits ne voudront donc désormais plus jamais sortir ? Ils n’aspirent qu’à y demeurer, ils ne s’évertuent qu’à y expirer ! — Serais-je véritablement condamné à être le seul, parmi les aveugles et les sourds, à sentir le vacarme, les vibrations — le seul, sur la berge, à percevoir la fièvre, les grelottements, et l’agitation des grelots ? Ah ! que l’on rit et l’on pleure, dans ce grand fauteuil, dans ce vaste théâtre en plein air ! et cela, à un point tel que même s’il me prenait jamais l’envie de porter secours à tous ces formidables comédiens, la force même me manquerait !

 

2

Ceux qui bronzent

— A : Personne ne lit donc ce que tu écris ? Comme ton âme doit connaître la peine et la solitude ! — B : Cesse de te méprendre ! Que peu d’yeux ne perçoivent mes caractères, cela est un signe ! Et j’en tire bon augure ! Déjà, déjà, la distance et l’absence m’aguerrissent, bronzent mon cœur et empêchent mes troupes de périr ! Et bientôt, de mon âme plurielle, jaillira aussi des larmes singulières : des coulées de métal, des laves fraîches — contre la cruelle indifférence, un alliage nouveau, un alliage plus sage !

 

Photo © iStockphoto.com / n0n4m3h3r0

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Artiste engagé

Artiste engagé

30 mai 2016 par Vincent PAYET

1. Contemplation, action et entre-deux

D’un côté, l’excès de penser — obstacle majeur à l’action ; d’un autre côté, l’excès d’agir — rempart infranchissable pour les motifs valables. Où se situe la ligne, la limite, le seuil de la sagesse ? Quand et où se déclenche-t-il, le parfait signal pour une mise en œuvre de valeur ? Le problème est insoluble, et laisse l’humain, aux perceptions par trop imparfaites, coincé entre l’irréflexion et l’inaction, entre la passivité et l’activité, entre l’action et la contemplation — surnageant dans la mousse blanchâtre, sur les crêtes d’un entre-deux sans bornes… — À la longue les certitudes sombrent et l’Incertitude se maintient à la surface…

 

2. Artiste engagé

Certains individus se déplacent dans la société avec légèreté, détachement, « ils se sont mués en pur regard » (Sartre). Ils flottent au-dessus des considérations humaines, de l’agitation, de l’action, telles des créatures ailées. D’autres, au contraire, opèrent avec fracas, pénétration, ils se sont mués en mains et en pieds géants. Ils enfoncent leurs pas immenses dans la matière du monde, tentent d’immortaliser leurs empreintes dans le fleuve du temps, dans le marbre des choses passantes, telles des signatures incrustées. Ainsi les époques se succèdent les unes aux autres, abritant continuellement leurs acteurs et leurs observateurs. Mais, bien plus rares parmi eux sont les personnes qui possèdent et l’oeil et les membres simultanément, c’est-à-dire des corps complets ; j’entends par là ces êtres qui savent voir, et qui mobilisent leurs membres en conséquence… ces artistes de la pensée ne se contentant plus de produire de magnifiques univers imaginaires, mais devenant, quand ils le peuvent, ces « homme[s] d’action […] transformant le monde véritable » (Maurois). Et c’est bien de cela dont il est entre autres question aujourd’hui, lorsque nous devons évoquer les buts de la culture : d’être en mesure d’engendrer des regards neufs et actifs — libérés et purifiés de leurs scories, des écailles que constituent les préjugés tenaces —, des volontés qui contribuent au bon fonctionnement de l’organisme sociétal — qui s’engagent — et une cause, une « Sagesse » efficiente — d’être capable d’enfanter, non pas des chimères, mais des « miracles », des idées et des individus nobles et en mouvement, cette « minorité agissante », hélas, actuellement insuffisante.

 

Photo © iStockphoto.com / ChristiLaLiberte

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Les colères

Les colères

28 mai 2016 par Vincent PAYET

Dans les cœurs les plus tendres, coulent ordinairement les plus chaudes laves de la colère. La vive émotion gronde dans la cheminée, la matière en fusion circule dans les artères de l’être, et, quelquefois, aucune des pièces de la demeure n’est épargnée. Le nouveau maître, terrible, envahit les espaces et s’installe dans la durée ; en le voyant fulminer les bourrasques s’épanouissent ; et souhaitant punir le monde, dans une attente lui semblant interminable, il souffle sur ses propres flammes, les soulève : l’incendie se propage, et à travers l’oeil du possédé, ouvrant la fenêtre, jette sa cruelle fureur, son affreuse ardeur sur la pauvre victime — ce jour-là, une innocente passante est calcinée. Il est des forces inouïes à ce point, renversant le soi en sa propre maison1, que l’on ne songerait même pas à les apaiser. Toutes ces colères rouges, incandescentes, ou bien noires, carbonisées… rentrées ou déversées… révèlent la nature animale de l’humain en proie à ses émotions les plus intimes. Certaines influences dévoilent et renforcent, tandis que d’autres trompent et dépossèdent ; il est les colères saines et justes, et celles intoxicantes et iniques. Ainsi, face au déchaînement des éléments, l’hôte devra parfois se montrer accueillant et bienveillant en vue de réveiller sa puissance, d’exciter la vie et le vrai ; et d’autres fois faire parler la révolte, la « contre-colère2 » afin de dominer l’assaillant, de le réduire. Mais on sous-évalue, depuis des temps immémoriaux, l’importance du sentiment de fureur ; pirement : on le bannit de sa patrie, du domaine de la sagesse parce qu’il est « par trop toxique », dit-on. On a oublié la nuance, l’ambivalenz — « du latin ambi, “tous les deux”, et valentia, “puissance, valeur” » (Ac. 1992) —, la pluralité, la complexité inhérente à toute chose, en toute chose. On a négligé ce principe : certaines tempêtes méritent davantage de vents — des vérités naissent et croissent en tout lieu, et ne réclament, pour émerger à la conscience, que du temps et du respect, et ce, quelle que soit la nature du terreau — alors que d’autres ne sont (presque) faites que pour qu’on les fasse taire, pour être foudroyées ! — Et de tout ceci dépend la qualité de l’atmosphère à venir… la bonne récolte… le favorable devenir. Car en effet, il ne s’agit pas ici d’ensevelir des consciences et des villes sous des coulées furieuses et irrésistibles — à moins que cela soit exactement, « justement », ce qui est requis ! —, mais, pour l’individu, de se mieux connaître, de réagir et d’agir d’une manière autre : pour une fois — moins molle, moins vaine, moins fausse, moins… folle !

 

  1. … le moi n’est pas maître dans sa propre maison. Freud.

  2. Gaston Bachelard.

 

Photo © iStockphoto.com / MihailUlianikov

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La volonté glissante des tout petits

La volonté glissante des tout petits

27 mai 2016 par Vincent PAYET

Les petits doigts tentent d’agripper les structures environnantes, mais rien n’y fait, les voilà déjà qui tombent, happés par la nature glissante des choses. L’esprit a beau vouloir caresser ses objets, saisir à pleines mains la grande échelle du monde, du réel, du Vrai, du Bien, du Beau, il dérape sans cesse, et comble du ridicule : parvenu au sol, c’est son pied qui désormais lui glisse ! Tout semble conspirer à le décourager, tout semble prétendre à son ultime chute — à l’insondable dépression. Mais l’enfant a appris à trébucher, et, distinguant entre ses propres interprétations de la réalité et ses humeurs fluctuantes, sa volonté ne le laissera tomber : elle ne souffrira que la belle gaieté ne lui glisse des menottes et le fera se relever. Elle courbera la course du sort, déviera la funeste dague — pointée par la folie vers le petit cœur, vers le ciel ! — et supportera les quelques lésions. L’âme curieuse, hardie est bâtie pour empoigner toutes les choses, pour saisir la gravité même ; mais elle devrait parfois se reposer davantage : il est des sujets, des faits sur lesquels elle gagnerait à expérimenter la légèreté, sur lesquels, de temps à autre, il faudrait glisser ; tantôt l’esprit est apprêté et sur les lacs gelés sait musarder, tantôt, à vouloir trop creuser, il ne perçoit le danger — tous les grands travaux réclament l’auguste repos ! Reconnais toutes ces vérités, petite âme ! et en permettant qu’elles glissent de tes oreilles jusques à dans la minuscule sphère laisse les périls, les épées, les nuages du malheur flotter et périr dans l’atmosphère… La voie est fort glissante, il est vrai, cependant ne sous-estime pas ta force : sur les obstacles, toi aussi, avec nous autres, les Gigantes insignifiants, glisse… — glisse !

 

Photo © iStockphoto.com / mejnak

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Jeunesse et Crémation

Jeunesse et Crémation

26 mai 2016 par Vincent PAYET

1

Jeunesse et Crémation

En ouvrant les yeux, j’éprouve cette jeunesse oisive ou besogneuse : déjà à la maternelle, puis dans les classes supérieures, les universités et les premières fonctions. Tant d’énergie psychique, de potentialités, de richesse de vie est dilapidée ; et tant de rares moments de liberté, de dons délivrés par la fortune sont sacrifiés, lapidés — au sein de la folle frénésie, parmi ces instants qui s’envolent pour jamais quand l’âme se disperse si fatalement dans l’estomac des ordinateurs, des téléphones portables : écartelée, éviscérée, absorbée par les touches, l’« espace », les écrans monstrueux. Le trésor des jours, le précieux, l’inestimable est piétiné… puis immolé — assassiné. La jeunesse est aveugle, et cependant le vulgum pecus, rempli d’« adultes responsables », dit-on, lui ment sans en avoir conscience. Hélas, tout conspire à sa perte ! Hélas ! quel désastre ! quel malheur ! que de voir des petits yeux pétillant encore, mais n’entendant point les Flammes venir. Ah ! que j’ai mal ! ah ! que mon cœur saigne ! ah, quelle misère ! quelle misère ! que ce grand œil, que ce globe n’entendant point la terrible menace advenir… les larmes, les lames, l’Amer à venir : l’effroyable foyer, ce formidable bûcher… l’indicible crépitement, ce bruit dément… — la sinistre combustion, cette insoutenable… Crémation !

 

2

Le Labyrinthe

Lorsque la haute conscience sent se former en ses entrailles tous ces sentiers entrelacés, toutes ces forêts embrouillées, le labyrinthe de l’existence, elle convoque sa nature profonde, son attention soutenue et son art. Lorsqu’elle ne perçoit plus le dédale, ni la nécessité de l’effort — l’importance de la quête de la vérité, de l’esthétique et de la singularité —, elle néglige le mouvement vital, l’intensité du monde : elle oublie ce qu’est la vie et, par voie de conséquence, de vivre. Dès lors elle se perd dans un bois mort, dans l’extrême indolence, dans les galeries de la Ruine, de la dernière Rigidité, — et elle parvient au pied de l’Issue, la malheureuse ! — dans l’ultime chambre…

 

Photo © iStockphoto.com / KanKhem

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À la chaîne

À la chaîne

25 mai 2016 par Vincent PAYET

Il existe ces « emplois-fardeaux », comme je les appelle, où l’on peut voir des ouvriers, des engrenages complexes, former des chaînes pour se débarrasser au plus vite de l’accablement suscité par un poids invisible mais parfaitement décelable : leur propre activité. — Ils expédient la dure besogne, du moins pour la journée en cours, fuyant leur propre ennui, se débattant afin de noyer l’ennemi massif dans la frénésie.

Et qu’elles sont formidables toutes ces chaînes de solidarité ! Quelles vagues de chaleur imposantes fuient toutes ces poignées de main distribuées, toutes ces chairs hypocrites, dévitalisées, blêmes, métalliques ! Mais le fardeau est malicieux : il revient jour après jour.

Las ! ce n’est pas une chaîne d’éléments uniques, d’individualités créatives, qui se déploie sous nos yeux, mais une collection d’entités mises bout à bout, un assemblage uniforme d’esclaves, d’âmes enchaînées. Oui, ces êtres constituent eux-mêmes à la fois la chaîne de fabrication et les pièces à monter — dans ce mécanisme planétaire oeuvrant pour le bon fonctionnement de l’immense usine sociétale —, de sorte que c’est leur propre âme qui passe « successivement et automatiquement d’un ouvrier à un autre, à une cadence régulière1 ». Dans ces gigantesques établissements, tout y est : un système bien huilé, un pointage et un rythme réglés conformément aux prescriptions établies, une routine fort obstinée, une évolution et un avenir totalement déterminés.

En outre, même les professions que l’on pourrait croire immunisées, au plus profond de ces métiers considérés comme spontanément créatifs, — la froideur de la pièce, ce virus qui exhale l’indifférence et gèle les cerveaux et les coeurs, cette maladie de nos sociétés modernes, de nos organisations automatiques, sournoisement sévit. Par exemple ? — Par exemple moult personnes dont on dit qu’elles sont écrivain, peintre, artiste, etc., produisent sans brûler, sans rechercher la forme pure, sans le désir d’affiner leur style, de se renouveler, sans cette quête fiévreuse de la métamorphose perpétuelle : elles « créent » à la chaîne. — Et c’est heureux, car elles sont parfaitement récompensées pour cela…

Mais n’a-t-on pas conscience que ce type de création abêtit, aliène et robotise ? qu’il est des productions qui foncièrement détruisent ?

Dans cet état d’inconscience morbide, voilà donc le paysage qui se dévoile devant nos yeux… on croirait à une hallucination de la raison, il semble tellement irréel : des travailleurs               « attachés » à leur fonction, à leurs titres, à leur lieu de travail, à leur collègues ; et presque autant d’emplois qui, tout en exploitant les esprits et les corps, enchaînent, physiquement et moralement — spectacle inouï où s’agitent la nuée de forçats, cette multitude de prolétaires muselés.

Lorsque je dis : prolétaires, j’entends par là des individus dépossédés ayant oublié la notion essentielle de liberté économique, ayant oublié qu’ils peuvent choisir la manière dont ils exploitent les secondes de leur vie ; je veux dire des êtres qui, précisément parce qu’ils entretiennent continuellement et contre leur volonté ces rapports, ce lien — puisque ce lien, ils sont les premiers à souhaiter qu’il se rompe (et qu’ils s’avouent à eux-mêmes cette vérité intime ou qu’ils se la cachent ne change rien à la nature du problème, à ce problème qu’ils mêlent eux-mêmes à leur véritable nature) — avec leur employeur, leur milieu professionnel, leur profession, négligent gravement le principe de la liberté du travail.

En conséquence, il est des chaînes de fabrication qui bénéficieraient d’une destruction massive, des chaînes de montages qui nécessiteraient un démantèlement complet.

Pourquoi en arriver à désirer les ruines ? — Parce que certaines ruines sont bien plus belles et potentiellement fonctionnelles que toutes ces constructions immondes, grotesques et bancales. — Il faut le voir pour le croire… : l’humain qui s’évertue, qui s’emploie à exercer une activité qu’il abhorre, émet des rayonnements d’un type particulier : il émet du ridicule ! Il ressemble à s’y tromper à ce chameau de la fable d’Ésope2 que le maître force à danser : son manque de grâce est éclatant. Eh bien, quand on observe nos chameaux humains, c’est cette évidence qui émerge : leur existence est pleine, riche — pleine de dysfonctionnements… riche en manques !

Ainsi donc, à la question : « Cette conscience s’épanouie-t-elle, ou bien s’étiole-t-elle dans la profession qu’elle pratique ? », une réponse peut être proposée. — La gaieté d’une âme laborieuse est aisément évaluable au son que produisent ses pas, à son allure, en somme, à sa façon d’évoluer sur la piste, à la grâce qui se dégage ou pas de chacun de ses déplacements, — à sa manière, tout à fait personnelle et révélatrice, de danser. — On se méprendrait bien moins, si au lieu de s’attarder sur les apparences l’on analysait le non-dit, si, tout en fixant les âmes dans les yeux, l’on appréciait profondément leur signature, — leur signature gestuelle.

 

  1. Dictionnaire de l’Académie française, 9ème édition disponible sur

    www.cnrtl.fr/definition/academie9/chaine.

  2. Ésope (trad. ), Fables, Société d’édition « Les Belles Lettres », Paris, 1927, disponible sur

    https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_d’Ésope/Le_Chameau_danseur.

 

Photo © iStockphoto.com / grapix

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De l’aveuglement du globe

De l’aveuglement du globe

24 mai 2016 par Vincent PAYET

Des lunettes nouvelles

doivent être construites,

et devant les yeux ivres,

bien placées et fixées ;

car rien n’est plus glissant

que les globes oculaires,

que les sourdes oreilles,

que les ailes du nez

des idiots, des géants —

des aveugles : des fous.

 

 

 

      De l’aveuglement du globe

Lorsqu’augmente ma force,

tes droits, eux, diminuent ;

ma faiblesse sentie,

les miens te sont soumis :

puissance et droits se mêlent,

comme Nietzsche l’évoque1 —

le fort fait ce qu’il peut,

le faible ce qu’il doit,

écrivait Thucydide2.

     Et de là sont venues

les inégalités

et bon nombre de crises :

de là l’oligarchie

et la ploutocratie.

Valable est ce principe

pour les individus,

pour les liens entre États

et le champ de bataille

de ces nuées d’idées3.

     « Ô rage ! ô désespoir4 ! »

Aveugle est cet humain

manquant de profondeur !

Embrouillé est l’esprit

de ce joueur d’échecs,

dans cet arbre5, empêtré,

des variantes obscures !

De ses pensées et actes

toutes les conséquences,

toujours plus floues paraissent.

Que lointaine est l’image,

qu’étranger est l’impact,

pour un calculateur,

pitoyable, ô combien !

     Des opticiens meilleurs,

pour un regard plus clair,

une compréhension

de cette position,

toutes ces analyses —

en vue d’une vision,

concernant le réel,

et pénétrante et juste,

pour des coups prometteurs :

tout ceci est requis.

Des verres bien nouveaux,

devant chaque conscience :

une manière neuve,

de voir, de concevoir,

de sentir, ressentir,

d’apprendre et de comprendre,

d’aimer, de rassembler —

la sagesse attend,

que l’aveuglement cesse :

cet obscurcissement,

la grande cécité,

l’aveuglement des sots.

 

  1. Friedrich Nietzsche, Aurore (Paris, GF-Flammarion, 2012), 110.
  2. Dans Futures proches, Noam Chomsky cite Thucydide selon lequel “le fort fait ce qu’il peut faire et le faible subit ce qu’il doit subir”. Cf. Noam Chomsky, Futures proches (Lux Éditeur, 2011, 2010), 26.
  3. Dans La créativité, Mihalyi Csikszentmihalyi écrit : « […] la compétition entre memes, ou unités d’information culturelles est aussi féroce que celle qui sévit entre les unités d’information chimique que nous nommons gènes. » Cf. Mihalyi Csikszentmihalyi, La créativité (Paris, coll. Réponses, Éditions Robert Laffont, 2006, 1996), 45.
  4. Corneille, Cid, I, 4.
  5. « … “l‘arbre d’analyse” est une méthode très importante de la réflexion aux échecs… » Cf. John Nunn, Les secrets de l’efficacité aux échecs (Montpellier, Olibris, 2008, 2007), 9.

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