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Esprit et Liberté

Un espace et un temps pour les esprits libres

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Archives pour avril 2016

Tolérer la souffrance

16 avril 2016 par Vincent PAYET

L’homme recherche spontanément le plaisir et l’absence de souffrance. « Il ne faut pas s’attarder dans la forêts obscure des déplaisirs, dans la ténébreuse coulée », « vous devez vous éloigner de l’inconfort, des frustrations aussi promptement que cela soit possible »,         « qu’attendez-vous pour éviter les dangers, les risques, l’incertitude »… entend-on. Tout ceci est prôné bien haut, bien fort par l’éducation, l’entourage, la culture.

Mais les pensées « négatives », contrairement à ce que l’on conçoit ordinairement, apportent aussi leurs lots d’éléments favorables : les maux permettent parfois de faire l’expérience de sensations nouvelles, d’états de conscience d’une nature autre, peuvent encourager la révolte, engendrer des transformations profondes au sein de la personnalité, stimuler des mutations sociales considérables, alimenter les moteurs du développement humain…

La souffrance est, certes, régulièrement l’ennemie de la joie, d’une belle existence, de la vie, mais elle lui est, ainsi qu’à la gaieté même, bien souvent indispensable. – « Les deux ennemies [la vie et la mort], écrit Edgar Morin, absolument antagonistes, sont complémentaires1. »

D’ailleurs, comment l’humain serait-il en mesure d’expérimenter le « bonheur », l’euphorie en l’absence de la possibilité de comparer, du contraste : sans le « malheur », sans l’ennui ? N’est-ce pas ce contraste même qui donne du relief aux choses, qui anime la platitude, qui, penché sur le froid glacial, sur l’« inerte », sur le néant, leur insuffle de l’air vital par la bouche – n’est-ce pas lui qui sauve les blessés, les noyés, qui insuffle, ranime la vie ?

Lorsque l’individu ressent les crises, les expériences bouleversantes, traumatisantes, lorsque son coeur abrite l’alarme, lorsqu’il éprouve au milieu de ses propres structures psychiques, dans ces provinces les plus profondes les cataclysmes les plus effrayants, peut-être s’inscrit-il, sans le savoir, dans ce processus de « désintégration positive2 » décrit par Kazimierz Dabrowski : dans ce mouvement de l’esprit s’acheminant vers un village autrement authentique, pittoresque, tendant vers une personnalité autrement complexe, autrement pleine, autrement vraie. Au milieu de ce « transport » extraordinaire (en dehors du cours ordinaire des évènements), une lutte s’opère alors entre les tendances « positives » et les « négatives », entre ce que l’on considère habituellement comme le favorable et le défavorable, et il en découle, d’une façon schématique, un dépassement – une compréhension plus complète du monde et de soi –, une régression – un accablement, une destruction, une « désintégration » mentale – ou une stagnation de l’être.

Il y a péril dès qu’il y a changement : cela est évident ; mais encore faut-il l’avouer. Néanmoins les raisons sont-elles suffisantes pour que l’individu se tapisse sous les couleurs de la sécurité et de l’immuabilité des choses ? Le danger n’est-il pas plus immense encore quand on s’évertue à ne pas changer, quand on s’efforce, quoi qu’il en coûte, d’éviter le processus de destruction/régénération ?

En vérité, vouloir éviter le « combat », n’est-ce pas d’une certaine manière renoncer à la vie ? Croit-on réellement qu’à ses êtres l’existence autorise l’alternative ?

En tant que participante au grand jeu, à la grande affaire, en tant que fidèle et humble sujette de la colossale part d’aléa de cette loterie cosmique, que lui reste-t-il à cette minuscule âme constamment ballottée, pour affronter les terribles vents, les puissants tourments ? Et comment pourrait-elle envisager même surmonter tant d’éléments, tant de perpétuels déchaînements ?

Ce qui est essentiel pour affronter les aléas, c’est « the ability to tolerate pain3 » – la capacité à tolérer la souffrance –, écrit Todd B. Kashdan ; et c’est la qualité des voies empruntées, non pas pour la fuir, comme cela est trop souvent préconisé dans nos sociétés, mais pour, armé(e) de courage, lui faire face. – Comme pour tous ces remèdes périmés dont on recommande avec excès l’usage, le moment n’est-il pas venu, concernant la dépression, l’anxiété, les idées noires de toutes sortes, de changer d’approche, de conseiller une autre thérapeutique ?

Vivre intensément, pleinement implique de détecter la souffrance, de la reconnaître, de la mieux connaître, et de l’intégrer, de l’embrasser. Car tout autre baiser, tout autre médicament serait mortel, et non pas pour le sombre, pour le noir, pour la mort, – mais bien pour la plénitude du cœur, de l’âme, pour le radieux… pour la vie !

 

  1. Edgar Morin, Mes philosophes (Coll. Cercle de philosophie, Éditions Germina, 2011), 25.

  2. Robert Zaborowski, « Kazimierz Dabrowski – l’homme et son œuvre », Académie Polonaise des Sciences, disponible sur :

    www.academie-polonaise.org/pl/images/stories/pliki/PDF/Roczniki/R9/zaborowski.pdf.

  1. Cf. Todd B. Kashdan ,« A Secret Weapon in Preventing Anxiety and Depression », The Creativity Post, 27 avril 2015, disponible sur

    www.creativitypost.com/psychology/a_secret_weapon_in_preventing_anxiety_and_depression.

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Indifférence, membrane et oubli curatif

Indifférence, membrane et oubli curatif

14 avril 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / markusblanke

 

Face à l’invasion de la publicité, du marketing sauvage, des préjugés et des pensées dogmatiques de toutes sortes, face aux lames déferlantes d’informations, à ces « ondes » colossales de données majoritairement insipides et pernicieuses, aux réseaux « sociaux » qui happent : l’indifférence volontaire et distinguée est devenue indispensable.

Car il est des choses si tenaces, que seule cette sublime indifférence, soutenue par une ardeur, une détermination, une volonté encore plus opiniâtre, peut en avoir raison.

On peut se figurer ce complet, ce majestueux détachement comme un champ de force, un bouclier immatériel impénétrable qui préserve des intrusions violentes : une égide « activée » dès qu’il y a péril afin d’éviter et la dispersion de l’énergie psychique et les échanges potentiellement atrophiants avec le milieu extérieur.

D’une certaine manière, il forme cette membrane qui délimite (milieu intérieur et milieu extérieur), protège (en enveloppant physiquement) et régule (en contrôlant ce qui entre et ce qui sort : en réglant les échanges). Il constitue cette enveloppe vitale sélectivement perméable.

Une question émerge, parmi tant d’autres, au sein des flots ; elle s’adresse, avec une légitimité croissante, aux cultures du monde. L’esprit humain, à notre époque des « actualités » massives, des unités d’informations envahissantes et destructrices, possède-t-il une alternative autre que celle d’ériger son propre moyen de protection ?

Ainsi donc, en vue de participer à la « guerre contre la drogue », à la lutte contre la                   « criminalité », au combat contre les « attentats » infligés à l’éthique, au bon sens, à l’esthétique, aux esprits et à l’esprit, trois éléments sont nécessaires : une conscience consciente du danger, un désir ferme de préserver son attention – ses forces mentales – et une vigilance permanente inscrite dans la physiologie même des barrières régulatrices.

Certains individus parviennent à cet éloignement, à cette hauteur, à cette distance choisie, à ce détachement « élevé », à cette posture si fortement enracinée dans le sol de la raison : ils se tiennent à l’écart de l’incroyable fatras, de l’inaudible vacarme, des vapeurs et des milieux irrespirables, et cela, avec une telle constance, une telle vigueur, une telle audace que toutes ces bagatelles leur sont devenues comme étrangères.

La raison à – et c’est heureux ! – cet effet, chez les âmes rares, au bon goût, de les éloigner des formes les plus méprisables. – Ce que l’éducation, l’entendement, la culture haute rendent possible, par le truchement inestimable de l’indifférence et de ses divers degrés, c’est cette occasion, cette joie, cette chance pour les individus de pouvoir s’offrir un soin peu commun de nos jours : un soin du type de l’oubli, – et un oubli des plus précieux de surcroît ! Un oubli… curatif !

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Intelligences, éducation et épanouissement

Intelligences, éducation et épanouissement

13 avril 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / tehcheesiong

 

Pourquoi s’intéresser à l’intelligence ?

Parce que dans un monde rempli d’intrications, dans des sociétés humaines qui se complexifient, est-il chose plus naturelle, si l’on souhaite le comprendre et interagir finement et d’une manière authentique avec lui, que de disséquer les capacités les plus sophistiquées du cerveau humain ? Et quoi de plus légitime que de chercher à connaître le développement d’individus aux caractéristiques les plus diverses afin de favoriser, de stimuler des activités et des fonctions, des chemins de vie, qui soient les plus adaptés et les plus favorables à l’épanouissement des autres et de soi-même ?

Le problème, c’est que l’on se trompe généralement dès le départ : on parle d’intelligence là où il y a des intelligences1.

On ignore ordinairement le profil intellectuel des enfants, lesquels, fréquemment, évolueront à l’école – en traînant les pieds – dans des programmes éducatifs trop souvent inadaptés, et, plus tard, dans la société, dans leur vie, en méconnaissant les domaines vers lesquels ils penchent spontanément, les domaines qui, pour eux, sont les plus prometteurs.

Il est un fait : les contraintes génétiques et la plasticité gouvernent la transformation des hommes. Et il est heureux, car sans cela, comment pourrions-nous, moi, me tenir devant mon ordinateur et écrire ces lignes, et vous, les lire en face du vôtre : autrement, comment l’espèce serait-elle en mesure de survivre ?

Grâce à cela, les inclinations émergent. Et il semble que, jusqu’ici, tout aille relativement bien. Mais, rapidement, un gâchis monstrueux apparaît parce qu’on s’évertue à ne pas les prendre en compte. Car elles portent en elles une multitude de potentialités, de possibilités, de promesses. – Elles promettent, à ceux et celles qui daignent les entendre, une existence plus riche, plus profonde, plus intense.

« L’éducation, écrit Howard Gardner, doit être fondée sur la connaissance de ces tendances intellectuelles et leurs points de flexibilité et d’adaptivité maximaux2. » Oui, et faut-il préciser que cette « éducation » ne doit pas concerner seulement nos écoliers, mais bien chaque être humain conscient et désireux d’exploiter l’ensemble de ses ressources pour lui-même et pour le groupe : chaque individu souhaitant autoriser l’expression de sa biologie, de sa physiologie, de sa nature, – l’expression de son développement à la fois « normal » et « atypique » ?

Il y a tant de capacités à laisser fleurir, de champs à explorer, de défis à relever, de joies à goûter ; mais, sans la connaissance de soi, de ses forces et de ses faiblesses, sans la prise de conscience de son « paysage cognitif » – avec ses cimes et ses vallées, ses plaines et ses cavités –, de son essence, de son inépuisable variété, comment, dans cette existence, les êtres font-ils pour envisager un instant de pouvoir s’y plonger d’une manière pleinement satisfaisante ?

La question pratique posée à toute personne n’est pas de savoir si la programmation, le déterminisme l’emporte sur la plasticité, la flexibilité, mais plutôt si elle peut, en ayant une vision claire de ses fondements biologiques, se manifester d’une manière singulière et optimale ainsi que d’une façon viable, durable et épanouissante, à l’intérieur d’elle-même et au milieu d’autrui.

 

  1. Cf. Howard Gardner, Les Formes de l’intelligence (Paris, Odile Jacob, 2010, 1983), 18.

  2. Ibid., p. 42.

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Qui suis-je ?

Qui suis-je ?

12 avril 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / Aleutie

 

Qui suis-je ?

Je suis l’enfant de l’agitation, du désordre, du hasard et de l’esprit de suite, de la détermination, de la logique. Je suis la fille de la cohérence, de la raison et de l’extravagance, de la folie.

 

Et, parce que j’évolue dans l’intensité, parce que j’éprouve ces instants flottants hors du temps, certains doigts veulent poser sur mon front les lourds écriteaux de la maladie, veulent graver sur mon visage leurs longues dénominations, leur accablante catégorisation.

Ceux-ci ouvrent leurs grands livres, se plongent dans les interminables tableaux, dans les désignations et, fiers tel un enfant ayant retrouvé un jouet au sein de son fatras, rêvent d’imposer leur « savoir », leurs noms, leurs définitions. – « Toi, tu es bipolaire, toi, tu souffres d’un trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité, toi, tu es une personnalité limite, toi, une schizophrène, toi, un dépressif, toi, une autiste… », assènent-ils d’un air assuré.

En réalité, pareille à une barque sensible à l’onde, j’épouse la texture des flots : leurs forces, leur formes, leurs mouvements – les vagues me remplissent, elles me bercent ; elles me chavirent, elles me portent ; elles me transportent vers des hauteurs et des profondeurs insoupçonnées, et m’emmènent vers les ailleurs. Mais tout ceci : ce que je fais, ce que je suis, seront-ils un jour en mesure de le voir, et avoueront-ils dès lors leurs forfaits ?

Il est vrai que certaines maladies existent, mais, pour ma part, je ne méconnais pas la régulation, je n’ignore pas la maîtrise et je ne détruis et ne me détruis pas : je me contrôle, je régule mes extrêmes, je tempère mes excès, et je produis.

Eh quoi ! il serait bon que j’adopte des attitudes plus adaptées, des formes plus conformes, que je me déforme en des configurations plus « standards », en des plis plus marqués ! – Ne craignez-vous donc point le grand calme, l’effrayant équilibre, l’effroyable milieu… le           « plat » de la vie, le « lisse »… le terrible ennui ?!

Ceux qui observent mes troubles me plaignent, désirent rogner mes ailes, me « traiter » ; ils dédaignent mes gènes, mes traits, mes manières singulières – ils me maltraitent –, ma nature  « trop ceci ou trop cela », mes obscurités et mes lumières.

Ils ne savent pas que la différence crée le monstre, que le monstre crée la peur et que la peur crée les mesures – et quelles mesures ! Mais la différence convenablement contrôlée – celle qui s’affirme, qui fait non seulement l’expérience du triste, mais aussi du gai, qui grandit, s’épanouit, s’élève – ne mérite-t-elle donc point d’exister et de demeurer ?

Mais dans vos sociétés, la norme et le DSM1 sont tout-puissants, et les cases et les règles par trop avides.

Vous, peuples du monde, qui vouez un culte à la Tranquillité, à la Sécurité, au Prévisible, vous n’avez pas encore conscience de la valeur des maux, des caractéristiques                           « pathologiques » ; vous ignorez l’art et de les connaître et de les manipuler ; et il y a plus grave encore : étant tout à fait étrangers à la nature des productions exceptionnelles et des conditions indispensables au progrès, comment pourriez-vous vous douter de leur nécessité ?

Tout bien considéré, n’est-ce pas l’incapacité humaine à gérer les manifestations potentiellement morbides, et non pas l’essence véritable de celles-ci, qui constitue le problème2 ?

 

Je suis habituellement méconnue, parfois même méprisée. Je gagnerais à être mise en valeur, encore davantage à être reconnue, et plus encore à être aimée. Je suis enthousiame, métamorphoses, vitalité. – Je suis… la Créativité !

 

  1. « Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (également désigné par le sigle DSM, abréviation de l’anglais : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) est un ouvrage de référence publié par la Société américaine de psychiatrie (APA) décrivant et classifiant les troubles mentaux. » Wikipidia, disponible sur

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_diagnostique_et_statistique_des_troubles_mentaux.

  1. Cf. Andrea Kuszewski, « The Essential Psychopathology Of Creativity », The Creativity Post, 08 avril 2015, disponible sur

    www.creativitypost.com/psychology/the_essential_psychopathology_of_creativity.

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Les écailles

Les écailles

12 avril 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / bennyb

 

Évoquons « seulement » la guerre nucléaire et la crise écologique : un bref coup d’oeil suffit pour que l’on partage avec Chomsky cette idée que les puissants ne désirent pas spécialement, certes, anéantir cette petite boule flottante, mais qu’elle ne représente pas non plus à leurs yeux ce qu’il y a de plus important. – Ce qui l’est, évidemment, c’est l’argent et le pouvoir1.

Et que n’affirment-elles pas ces grandes mains pour soutenir leurs décisions et leurs comportements, et pour être en mesure de tenter de se regarder dans la glace sans tressaillir ! Ce qui est fréquemment invoqué, n’est ni plus ni moins que la morale ! Ah ! que n’a-t-on jamais fait et ne fait-on pas au nom de la justice, du mieux, du Bien ! – « Et pour finir, ils vont jusqu’à s’intituler “les bons et les justes2” » ! écrivait Nietzsche.

Cette Humanité, à peine jeune et déjà mourante, est couchée au bord du précipice, dans une attente stupéfaite. Aveugle à l’abîme, car plongé dans un funeste songe, l’esprit engourdi, s’en allant imperceptiblement à travers mensonge, aspiré par le gouffre, elle se détend toujours plus, jusqu’à devenir totalement ramollie, – et bel et bien raide…

 

Comment expliquer tout ceci ? – Au seuil de son plus profond sommeil, troublée par une hésitation, par une irréflexion, elle a trébuché, elle a dévalé du haut de la sinistre pente, elle est partie à la rencontre de la lune perchée au fond du puits sans fin ; et, l’immonde bouche qui l’attendait patiemment a happé son saisissement : elle s’est faite avalée ! Et la voici qui gît, ratatinée sous le poids des millénaires, envahie par l’ultime rigidité – elle s’est finalement bien ressaisie…

Ah ! combien toutes ces chimères, ces apparences, ces interprétations erronées, toutes ces ombres déformées, ces croyances obstinées sont nombreuses, et se multiplient ! Las ! il y a tant d’écailles à faire tomber, tant de vues à recouvrer !

Notre culture, de ses sourdes lamentations supplie les ophtalmologistes inédits de s’occuper davantage de ses innombrables yeux. Et déjà le ravin affamé salive abondamment ! l’estomac monstrueux est prêt ! Prêt à accueillir ces légions de myopes, qui rient, jouent, déclament et se chamaillent – des cris enfantins qui, bientôt, laisseront leurs échos, trop tard, raisonneront.

 

Mais bien entendu, ce qui vient d’être dit, ce ne sont que des petites histoires, des cauchemars racontés, et par des personnes qui toujours exagèrent ! – « Vous sortez d’un mauvais rêve » rétorquaient toutes ces voix… endormies.

Ce qu’il y a de terrifiant, c’est que même quand la Terre hurle ses crises, implore à genoux le respect, demande avec instance quelque secours – ces changements sévères, ces effets immédiats – à s’en fendre le palais, à déchirer le ciel, l’Humanité, quant à elle, ne lui réponde que par le silence et l’indifférence.

 

  1. Noam Chomsky, Futures proches (Lux Éditeur, 2011, 2010), 40.

  2. Friedrich Nietzsche, Aurore (Paris, GF-Flammarion, 2012), 31.

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Qu’est-ce que le nihilisme ?

Qu’est-ce que le nihilisme ?

10 avril 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / LoraLiu

 

Qu’est-ce que le nihilisme ?

 

Un trou insondable, d’où s’échappe un escalier gigantesque.

Par endroits, les marches s’affaissent sous le poids de l’insoutenable gravité, mais résistent, demeurent.

En d’autres lieux, certains degrés disloqués ont parfaitement cédé – engloutis par l’abîme.

Escaladant cette formidable structure, il est des âmes plus ou moins vigoureuses, lesquelles tantôt lèvent la tête et poursuivent leur course, leur voyage, tantôt trébuchent et dégringolent.

Parfois, elles parviennent à se relever, à ressusciter, et à entreprendre de nouveau la remontée.

D’autres fois, éreintées, assommées, défigurées, la chute, trop sévère, trop rude, trop lourde les invite, les pousse, les force à s’allonger plus longuement.

 

Que s’est-il passé ? – Elles ont fini par subir le pessimisme, le désenchantement, l’extrême négation. Elles ont éprouvé les peines indicibles, les paliers infernaux, la descente aux enfers. Mais, surtout, tel un plongeur sous-marin qui se serait trompé de direction, elle ont effectué une ascension contraire : elles se sont élancées à la rencontre d’Hadès et de Perséphone, ont voulu tremper leurs doigts, leurs cheveux, leurs esprits ! dans les eaux noires du Styx, se sont crues capables de s’amuser avec les Érinnyes !

Ah ! les pauvres âmes se sont laissées mener en bateau par leurs sombres pensées, embarquer par la sinistre brume, emmener, – emporter par Charon !

Eh bien, elle ont été récompensées, les téméraires ! Vite fait, bien fait, elles ont été avalées par les profondeurs, par le noir… par la gueule humide, la gorge déployée, la fosse béante – la fosse abyssale !

 

Ainsi donc, qu’est-ce que le nihilisme ? – Une tentation, un vertige, un péril ; une fosse en puissance… pour un cercueil encore neuf, pour une existence encore fraîche, pour une vie encore trop jeune, trop radieuse, trop insouciante. – Une obscurité bien grave, bien pesante pour une lumière si légère, si vive.

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Le sort et les mains

Le sort et les mains

9 avril 2016 par Vincent PAYET

Photo © iStockphoto.com / EzumeImages

 

La volonté se prononce, tout y est propice, rien de plus n’est requis : elle forme les auspices.

Le sort, continuellement, de ses doigts s’évertue, certes, à façonner les âmes, met son point d’honneur à bâtir ou à détruire les édifices, aspire à orienter ou égarer les visiteurs, mais il est au pouvoir de la détermination de le soumettre à ses lois.

« Mais le choix n’est qu’une illusion ! », entend-on parfois. – Eh bien, il reste cependant la persévérance dans l’idée que les voeux correspondent aux desseins, aux recommandations, à la précision !

 

Dans ces conditions, sur les motivations, sur les raisons du destin, pourquoi discourir encore, pourquoi repousser le festin ? pourquoi tuer les secondes, pourquoi sacrifier l’avenir ? – N’est-il pas l’heure d’agir plutôt que de s’appesantir ? Ne faut-il point faire effort sur soi-même, et glorifier cette peine et cette force qui favorisent l’essor ? et chercher un tremplin qui soit fait de nos mains ? et, sûrs de notre vigueur, et armés de la plus belle ardeur, embrassant le futur, confiants tel un enfant, se jeter dans l’azur et décimer les peurs ?

N’est-il pas grand temps de saisir cette destinée, de prendre sa vie en main ? de caresser sa dulcinée, de la chérir, – de l’ensevelir sous nos soins ?

N’est-il pas grand temps de disposer cette grande fête, et de s’y inviter… et d’y célébrer cette vie, avant que la fin ne nous guette ?

 

Car, oui, tout ceci est possible, mais – est-il nécessaire de le répéter – encore faut-il, avant de se poser la question du « pouvoir », considérer avec application celle du « vouloir »…

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